The Intruder ★★★☆

Nous sommes en 1961 au lendemain des lois de déségrégation qui notamment font obligation aux établissement scolaires, jusqu’alors réservés aux seuls Blancs, d’accueillir des élèves noirs. Un bus interurbain entre dans la petite ville de Caxton au Missouri. Un homme, jeune, séduisant, élégant, en descend. Il s’appelle Adam Cramer (William Shatner, le futur capitaine Kirk de Star Trek). Il prend une chambre dans un hôtel.
La raison de sa présence ? Exciter la population locale, massivement hostile à la déségrégation à la désobéissance civile.

The Intruder (également diffusé aux États-Unis sous les titres I Hate your Guts et Shame) était jusqu’à présent inédit en France. Carlotta Films a la bonne idée de le distribuer fût-ce dans un réseau  de salles bien timide. Le film était pourtant connu des cinéphiles auquel le nom de Roger Corman, un réalisateur de séries B, était familier. Il était connu à Hollywood pour la médiocrité de ses réalisations et pour sa rigueur budgétaire. Cette célébrité ambiguë lui inspira un livre : Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime.

The Intruder met en scène un héros comme Hollywood les aimait à l’époque : un maverick solitaire débarquant dans une bourgade où il ne connaît personne. On pense à Spencer Tracy dans Un homme est passé (1955) ou Burt Lancaster dans Elmer Gantry le charlatan (1960). Le héros se révèle ici bien vite pour ce qu’il est : un raciste fanatique, brillant orateur, manipulateur, prêt à tout pour parvenir à ses fins.

Mais The Intruder vaut moins pour son personnage principal que pour l’histoire qu’il raconte. Il traite d’un sujet qui était alors d’une brûlante actualité ; et il le fait non sans courage sur les lieux mêmes de l’action, le Deep South indécrottablement ségrégationniste, que seul le respect de la Loi retient de verser dans la violence. Le tournage dans le Missouri fut d’ailleurs dit-on difficile. Les figurants que Corman avait recrutés s’enflammèrent aux discours du personnage interprété par William Shatner et se retournèrent contre l’équipe du film quand ils comprirent quel était son propos.

Sans doute The Intruder n’est-il pas un chef d’œuvre. Sans doute William Shatner n’est-il pas un grand acteur ni Roger Corman un réalisateur d’exception. Si tel avait été le cas au demeurant, The Intruder ne serait pas resté inédit si longtemps. Pourtant, bien avant Mississippi Burning ou Selma, il dénonce avec une rare efficacité le racisme qui ronge le Sud. Et il le fait dans ce noir et blanc lumineux et avec ses toilettes d’une folle élégance qui donnent au film de l’époque leur grain inimitable. Au point que je mettrais sans doute trois étoiles à une pub pour lave-linge tournée aux États-Unis en 1961.

La bande-annonce

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