L’Affaire Abel Trem ★★☆☆

Abel Trem est un lycéen besogneux qui, malgré l’aiguillon de ses parents, révise sans conviction les épreuves du baccalauréat. Il sera collé à l’épreuve d’histoire, ne trouvant rien à dire aux deux sujets qui lui sont successivement proposés. Pour expliquer sa faillite à son père furieux, Abel invoque la remarque que lui a faite un examinateur qui l’a questionné sur la cocarde tricolore qu’il portait à sa boutonnière, un signe de reconnaissance des partisans du Fidesz, le parti conservateur de Viktor Orban. Monté en épingle et déformé, l’échec au bac d’Abel Trem vient aux oreilles d’une jeune journaliste qui en fait l’objet d’un article.

Après La Salle des profs, après Pas de vagues, on pourrait penser que L’Affaire Abel Trem est à nouveau un film sur l’école. Ce n’est qu’en partie vrai. Certes, il a pour héros un lycéen qui passe le bac. Mais, à la différence des films précités, il ne se passe pas entre les murs d’une école. J’ai lu par ailleurs que ce film racontait les conséquences d’un mensonge, le mensonge qu’Abel aurait fabriqué pour expliquer à son père son échec. Ce n’est là encore pas tout à fait exact à mon avis. Je ne crois pas qu’Abel mente. L’un des examinateurs l’a bien interrogé sur sa cocarde et Abel n’impute pas son échec à cette question. En vérité, il n’a été victime d’aucune discrimination en raison de ses opinions politiques réelles ou supposées. S’il a échoué au bac, c’est tout simplement parce qu’il s’y était mal préparé et n’a pas su traiter les sujets qu’il a tirés.

L’Affaire Abel Trem n’est donc pas un film sur l’école. Il ne s’agit pas non plus de restaurer la vérité autour d’un événement auquel plusieurs personnages donne une lecture différente (le fameux effet Rashomon). C’est plutôt l’histoire d’une rumeur qui se répand avant d’exploser. Si la rumeur croît, si la rumeur explose, c’est parce qu’elle est crédible. Ou plutôt, c’est parce que certains y croient spontanément ou ont intérêt à y croire : les pro-Orban y voient la confirmation d’être les cibles d’une gauche bien-pensante – ici incarnée par Jakab, ce professeur d’histoire au look d’hipster barbu à catogan.

Le récit est raconté en plans serrés et en dix chapitres polyphoniques, mettant en scène successivement Abel, son père, un architecte pro-Orban, son professeur d’histoire, au contraire anti-Orban, et la journaliste dont l’article mettra le feu aux poudres. Abel Trem est bien le héros de ce film choral. Le rôle est particulièrement ingrat : Abel, avec ses trois poils de moustache, est un ado mal dans sa peau, en situation d’échec scolaire, qui se consume d’amour pour l’une de ses camarades, qui, elle, n’a d’yeux que pour son beau professeur d’histoire. La toute dernière scène souligne l’enjeu du film du point de vue de son réalisateur. Mais, l’accomplisserment d’Abel est moins intéressant que le rapport des forces en Hongrie entre pro- et anti-Orban qui éclate lors de la scène de confrontation entre le père et le professeur. C’est, pour moi, là que se situe l’enjeu du film.

La bande-annonce

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