The Front Runner ★★★☆

En 1988, aux États-Unis, Ronald Reagan achève son second mandat. Les Démocrates espèrent reconquérir la Maison-Blanche. Parmi les candidats, le sénateur du Colorado, Gary Hart, fait la course en tête. Jeune, intelligent, charismatique, moderne, il fait figure de nouveau Kennedy.
Seul obstacle dans sa course à la présidence : Gary Hart est un homme à femmes et, si la presse ne s’intéressait pas jusqu’alors à la vie privée des hommes politiques, les choses vont changer.

On lit ici et là des critiques mitigées à propos de The Front Runner. On lui reproche son manque de souffle, son didactisme pesant, son rythme plan-plan, son absence de suspense (on sait tous qu’à la fin Gary Hart, acculé par la presse, devra renoncer), le message ambigu qu’il véhicule sur la presse. Elles sont bien sévères.

The Front Runner est l’œuvre de Jason Reitman, l’un des cinéastes les plus doués de sa génération, dont la quasi-totalité des films (Thank you for smoking, Juno, In the Air, Young Adult, Tully) réussissent avec une rare intelligence à décrypter un aspect paradoxal de la société américaine. Avec The Front Runner, il semble abandonner ses sujets de prédilection pour signer son premier biopic politique. Mais, c’est moins au parcours et à la vie de Gary Hart qu’il s’intéresse qu’à ce que le fiasco de sa campagne électorale révèle sur l’évolution des États-Unis.

La presse n’y a pas le beau rôle. Traditionnellement, dans les films hollywoodiens le quatrième pouvoir est le dernier rempart d’une démocratie corrompue. C’est le message de Network, Les Hommes du président, Les Trois Jours du condor ou Pentagon Papers. Mais à la différence de Lumet, de Pakula ou de Spielberg, Reitman a le culot de dénoncer les dérives de la presse, ce moment où, au nom de la transparence, elle a considéré que la vie privée des hommes politiques était d’intérêt public.

Comme toujours chez Jason Reitman, la question est présentée avec intelligence, à rebours de tout manichéisme. Gary Hart, remarquablement interprété par Hugh Jackman – dont les grimaces griffues dans X-Men ne nous interdisent pas de saluer la qualité de jeu dans d’autres rôles – n’est pas un macho détestable. C’est un homme de son temps arqué sur une conviction : ce qu’il fait dans sa vie privée ne regarde que lui. Pour n’avoir pas compris plus tôt que les temps avaient changé, il devra piteusement renoncer.

De la même façon, la presse n’est pas caricaturée comme celle par qui le scandale arrive. La révélation des frasques extra-conjugales de Gary Hart fait débat dans la rédaction du très intellectuel Washington Post. La vieille garde, dont fait partie Bob Woodward, l’homme qui révéla le scandale du Watergate, rappelle en ricanant les frasques de JFK ou de Johnson et le silence complice de la presse pour les dissimuler et ne se formalise pas des écarts de conduite des hommes politiques. Une jeune journaliste, au contraire, ne l’accepte pas, pour des motifs qu’on retrouvera trente ans plus tard dans la bouche des féministes de #MeToo. Le jeune rédacteur chargé de la campagne de Hart est, quant à lui, partagé : il répugne à interroger le candidat sur sa vie privée mais considère qu’il en a le droit dès lors que le Président la met en avant.
Et c’est bien là que s’opère la bascule. Le problème de Gary Hart n’était pas tant d’être un homme à femmes ou d’avoir menti sur sa vie privée. Son problème était dans ses contradictions : condamner publiquement l’adultère et le pratiquer dans l’intimité.

La bande-annonce

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