Sabotage ★☆☆☆

Huit personnages se retrouvent dans l’ouest du Texas pour y saboter un pipe-line. Chacun a ses raisons qu’une série de flashbacks va éclairer.

Sabotage se veut l’adaptation de l’essai théorique  How to Blow Up a Pipeline : Learning to Fight in a World on Fire du militant marxiste et anticapitaliste suédois Andreas Malm,. Partisan de la désobéissance civile, il y fait le constat de l’échec des actions non violentes pour lutter contre le réchauffement climatique et y défend une radicalisation de la lutte voire un recours à la violence contre les biens à l’exception de toute violence contre les personnes.

Sabotage n’est nullement un documentaire théorique mais un vrai thriller qui emprunte aux canons du film de genre, ici le film de braquage pour mettre en scène, en l’espace de quelques heures, les préparatifs du sabotage et son exécution. Le dispositif est sacrément efficace qui alterne la narration en temps quasi-réel de l’opération et des flashbacks qui présentent alternativement chacun des protagonistes et éclairent leurs motivations.

Sabotage n’en pose pas moins un problème éthique délicat. Ce film ne prend aucune distance avec l’idéologie qui y est prônée. Au contraire, il s’en réclame. Cette idéologie reconnaît, comme le fait Andreas Malm dans ses écrits, la légitimité du recours à la violence mais lui oppose des limites très strictes. Le plus dérangeant est ailleurs, que résume le slogan du film : « If the law will not punish you, then we will » (Si la loi ne vous punit, alors nous vous punirons »).

Contester l’ordre établi n’est pas un crime. C’est au contraire un droit que toute démocratie saine doit activement défendre, dès lors que cette contestation s’exprime selon les procédures prévues (le droit d’expression d’une opinion dissidente, le droit de réunion, le droit de manifestation, le droit d’accès à un tribunal et le droit d’y voir sa cause jugée dans un procès équitable…). À ce titre, les activistes climatiques sont dans leur droit en s’exprimant pour des mesures plus ambitieuses et en manifestant contre l’inertie qu’ils reprochent aux gouvernements de leurs pays.

En revanche est plus problématique le fait de s’ériger en législateur et en tribunal et de décider soi-même des punitions à infliger à ceux qui auront violé les règles qu’on aura érigées en Loi, par exemple les conducteurs de 4×4, les propriétaires de jets privés, ou les sociétés pétrolières.
Quelle légitimité les ecowarriors possèdent-ils pour décréter ces règles et pour mener ces actions ? De quel droit leur reconnaître ce droit au risque d’affaiblir la loi, expression de la volonté générale, et de se retrouver démuni face à des groupes d’opinions, aussi minoritaires soient-ils, qui au nom d’impératifs supérieurs, revendiqueraient eux aussi le droit de violer le monopole étatique de la violence légitime ?

Que dirait-on d’un livre ou d’un film qui raconterait l’action menée par un groupe d’activistes d’extrême droite organisant une battue à la frontière franco-italienne pour y intercepter des immigrés tentant d’entrer illégalement en France et les remettre aux forces de l’ordre ?

La bande-annonce

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