Quitter la nuit ★★☆☆

Une femme, Aly (Selma Alaoui), la nuit, passagère d’un véhicule conduit par Dary (Guillaume Duhesme), un homme mutique et menaçant, appelle la police. À mots couverts, elle se dit menacée. Pour donner le change à son conducteur, elle prétend appeler sa sœur. La lucidité d’Anna (Veerle Baetens), la policière qui prend son appel, la sauvera.
Le temps passe. Aly a déposé plainte pour viol mais  appréhende le procès qui se tiendra dans plusieurs années au terme d’une interminable instruction. Dary, laissé en liberté dans l’attente de son procès, est lui aussi rongé par l’angoisse. Et Anna veut connaître l’issue de cette affaire.

Les quinze premières minutes de Quitter la nuit reprennent le court-métrage Une sœur, que la réalisatrice Delphine Girard avait tourné il y a quelques années. Elles rappellent le polar danois The Guilty qui se déroulait en temps réel dans un centre d’appel de la police. Une conversation téléphonique, une victime terrifiée au bout du film, sous la menace de son agresseur, un policier à l’autre bout qui essaie de la localiser, de l’aider, voilà qui, à soi seul, pourrait, comme dans The Guilty, nourrir un film tout entier, à condition d’y instiller suffisamment de rebondissements.

Mais Quitter la nuit abandonne cette scène-là au bout de quinze minutes pour se dilater dans le temps. Son vrai sujet, ce sont les deux années qui séparent la nuit du crime du jour de son procès. Trois protagonistes s’y étaient croisés : la victime, son agresseur et la policière. On suivra leur évolution pendant ces deux années dans trois directions différentes : le refoulement chez Aly, la sublimation chez Dary, l’entêtement chez Anna.

Quitter la nuit est censé reposer sur un doute : y a-t-il ou non eu viol ? La question est malaisante en ces temps de #MeToo où la parole des victimes d’agression sexuelle doit être sacralisée. Récemment, Pas de vagues marchait sur des œufs qui, dans sa défense légitime de la profession enseignante, risquait, avec l’eau du bain, de jeter un doute sur la parole des victimes. Ici comme dans Les Choses humaines, la question n’est pas binaire et la parole de la victime est dans tous les cas respectée : c’est moins la réalité de l’acte sexuel qui est questionnée, sur laquelle tout le monde s’accorde, que celle du consentement d’Aly.

Grâce à son montage serré, qui circule d’un personnage à l’autre, d’un point de vue à l’autre, Quitter la nuit est tout entier tendu vers son terme. Sa conclusion à tiroirs tire un peu trop à la ligne et fait, à mon sens, la part trop belle à cette fameuse sororité dont on nous rebat les oreilles ces temps-ci. Mais elle n’ôte rien à l’intelligence du propos et à la qualité de sa présentation.

La bande-annonce

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