Otages à Entebbe ★★☆☆

1976. Quatre terroristes (deux Allemands des Revolutionären Zellen et deux Palestiniens du FPLP) prennent en otages les passagers d’un vol Air France Tel Aviv – Paris à l’escale d’Athènes. Ils le détournent vers Benghazi en Libye puis vers Entebbe en Ouganda. Ils exigent la libération de 53 prisonniers politiques palestiniens.
La prise d’otages durera sept jours. Elle divise le gouvernement israélien, le Premier ministre Yitzhak Rabin étant partisan de négocier tandis que le ministre de la défense Shimon Peres prône le recours à la force pour libérer les otages.
C’est cette seconde option qui l’emporte. Une opération aéroportée audacieuse est montée. Un commando de forces spéciales est déployé qui neutralise les forces ougandaises, tue les terroristes et libère les 102 otages. Le commando israélien n’enregistre qu’une seule perte : celle de son chef, le colonel Jonathan Netanyahou, le frère aîné du futur Premier ministre.

L’histoire est connue. Elle a déjà été souvent filmée – avec Burt Lancaster, avec Charles Bronson, avec Klaus Kinski. Le scénario ne peut pas espérer surpendre le spectateur qui en connaît déjà l’issue. Pour réussir, il doit explorer d’autres voies. Il ne s’agit plus de se demander si les otages vont être libérés mais comment et pourquoi ils vont l’être.

Le réalisateur de Narcos, le Brésilien José Padilha, connaît la musique. Il a rassemblé à Malte une troupe cosmopolite : les stars allemandes Rosamund Pike (Gone Girl, Jack Reacher) et Daniel Brühl (Good Bye Lenin!, Rush), le Britannique Eddie Marsan (outrageusement grimé pour jouer le rôle de Shimon Peres), le Français Denis Menochet (Jusqu’à la garde, Marie Madeleine), l’Israélien Lior Ashkenazi… Le résultat aurait pu ressembler à un mauvais assemblage ; mais la mayonnaise prend.

Otages à Entebbe multiplie les points de vue. Ceux des otages qui tremblent que leur judéité ne signe leur arrêt de mort. Ceux des deux terroristes allemands, enivrés par leur lutte contre l’impérialisme et le sionisme, qui découvrent progressivement, en retenant prisonniers des Israéliens, qu’ils sont en train de reproduire les crimes de leurs pères. Ceux des ministres du cabinet Sharon qui hésitent entre la négociation et le recours à la force.

Otages à Entebbe ne révolutionnera pas l’histoire du cinéma. Il n’a pas le rythme haletant de La Casa de Papel, la tension anxiogène de Buried ou le machiavélisme de Inside Man. Mais il se laisse regarder sans déplaisir.

La bande-annonce

Rester vivant – méthode ★☆☆☆

Rester vivant est un écrit de jeunesse de Michel Houellebecq, un manuel de survie pour poètes maudits, écrit en 1991.
Trois co-réalisateurs néerlandais ont demandé à Iggy Pop d’en lire de larges extraits. Ils filment parallèlement trois artistes tombés dans la folie ou sur le point d’en réchapper.

Drôle de méli-mélo que ce film-documentaire de soixante-dix minutes réalisé aux Pays-Bas, tourné en France dont le héros est un artiste rock américain et dont le sujet est le manuel de savoir-vivre d’un Prix Goncourt réfugié en Irlande.

Les précédentes tentatives de Michel Houellebecq de passer derrière la caméra avaient été peu concluantes. La Possibilité d’une île avec Benoît Magimel constitue sans doute l’un des plus navrants naufrages jamais filmés. Pas sûr que l’aura cinématographique de Michel Houellebecq soit réhabilitée par cette adaptation brouillonne de ce court recueil (45 pages seulement) qui rassemble des textes poétiques et philosophiques.

Sa morale, simpliste, est pourtant claire. Elle se résume en deux points, comme les aiment les étudiants de Sciences Po et leurs professeurs : 1. Si la vie est souffrance…2. elle mérite néanmoins d’être vécue. Pour l’illustrer, les réalisateurs filment Iggy Pop en train de lire Houllebecq. C’est peu et c’est déjà beaucoup tant le physique du rockeur américain, son visage ridé, son corps émacié, sont éminemment photogéniques. Les réalisateurs auraient pu, auraient dû s’en contenter. Mais ils lestent leur documentaire de trois portraits : une femme et deux hommes en proie à la folie, sauvés  par leur art. Ces trois personnages sont étonnants ; mais leurs histoires se présentent comme une adjonction un peu artificielle à un film dont elles rompent l’unité.

La bande-annonce

Daphné ★☆☆☆

Daphné a trente ans. Elle vit à Londres. Depuis la mort de son père, ses relations avec sa mère se sont tendues. Le jour, Daphné travaille d’arrache-pied dans un restaurant. Elle traîne de bar en bar la nuit et la finit parfois dans le lit d’un inconnu.
Sa vie n’a guère de sens. Une agression à l’arme blanche dont elle est témoin lui en redonnera.

J’entrais dans la salle certain d’adorer Daphné dont la bande-annonce m’avait conquis au premier regard. J’étais sûr de fondre pour cette rousse flamboyante au profil préraphaélite, pour ses noctambules déambulations londoniennes, pour son humour tendre, pour sa quête amoureuse… J’imaginais volontiers un mélange de Gloria, Frances Ha, Bridget Jones et Jeune femme, une Gena Rowlands britannique, une cousine londonienne de Greta Gerwig, une petite sœur de Renée Zellweger, une Laetitia Dosch d’Outre-manche,

Quelle ne fut ma déception ! Car Daphné, loin d’être séduisante, refuse avec la plus suprême énergie de plaire. Bourrue, cynique, solitaire, misanthrope, blessante, elle y réussit tant et si bien qu’elle finit par déplaire. On me dira que la caméra toujours bienveillante de Peter Mackie Burns, qui signe son premier film, réussit à en peindre le portrait paradoxal. Ce serait juger avec beaucoup d’indulgence une histoire violemment dépourvue d’enjeu dramatique, un coup de couteau porté à un commerçant pakistanais et le travail pour dépasser le traumatisme de ne pas avoir su l’empêcher ne suffisant pas à donner à ce film inconsistant la tension qui lui fait cruellement défaut.

La bande-annonce

No dormirás ☆☆☆☆

Blanca est une jeune actrice qui rêve de percer sur la scène théâtrale. Elle est contactée par l’homme de confiance d’Alma Böhm, la célèbre dramaturge, qui lui propose le rôle principal de sa prochaine pièce. Mais pour le décrocher, elle devra se plier aux méthodes hétérodoxes de la metteuse en scène qui enferme ses comédiennes dans un ancien asile psychiatrique et les prive de sommeil afin qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes.

Les films d’épouvante aiment les lieux clos peuplés de créatures maléfiques : les vieux manoirs victoriens, les orphelinats, les asiles… Mais, ici, les monstres ne se cachent pas dans les armoires mais au fond du subconscient des comédiennes détraquées par la privation de sommeil.

Le problème de No dormirás est d’être à cheval sur deux registres. D’un côté la réflexion, assez stimulante, sur le métier d’acteur, les concessions qu’on est prêt à faire ou pas pour l’exercer. S’y ajoute une réflexion stimulante sur le rôle que peut jouer le théâtre dans la cure psychiatrique (on pense à la psychothérapie institutionnelle pratiquée à la clinique de La Borde dont les patients montent chaque été une pièce de théâtre). Et aussi une dimension politique à peine esquissée qui se cache derrière l’époque où sont censés se dérouler les faits : 1984, temps de dictature en Argentine où les opposants politiques, quand ils n’étaient pas froidement exécutés ou poussés en haute mer depuis un hélicoptère, étaient enfermés dans des asiles psychiatriques et soumis à des traitements dégradants.

De l’autre, le film d’épouvante plus classique, avec ses codes et ses règles, ses jump scares, ses revenants, ses allers-retours pas toujours très lisibles entre la réalité et le cauchemar. C’est un genre cinématographique qui ne me plaît guère. Je n’aime pas avoir peur ; je n’aime pas être cloué à mon fauteuil par l’effet un peu facile d’un monstre hurleur qui jaillira par une porte grinçante qu’une héroïne en robe de nuit semi-transparente ouvre craintivement. Du coup, comme il l’était prévisible, No dormirás m’a terrifié. D’une terreur que je ne valorise pas mais que d’autres que moi, moins allergiques au genre, apprécieront peut-être.

La bande-annonce

La Révolution silencieuse ★★☆☆

En septembre 1956, à Berlin-est, une classe de lycéens décide de marquer une minute de silence en solidarité avec les révoltés hongrois. Les conséquences de leur protestation seront terribles.

Depuis une quinzaine d’années le cinéma allemand se penche sur son passé. Non pas qu’il ne l’avait pas fait jusqu’alors. Mais il semble aujourd’hui le faire plus systématiquement au risque parfois de donner de lui, dans celles de ses réalisations qui franchissent ses frontières, l’impression que c’est devenu son seul fonds de commerce.

Deux œuvres marquantes dominent cette tendance. La première, Good Bye, Lenin! (2003), emprunte la veine de l’ostalgie, la nostalgie de la vie quotidienne dans les démocraties populaires du Bloc de l’Est. La seconde, La Vie des autres (2006), décrit sans complaisance une société minée par le soupçon.

D’atres films remontent plus loin dans l’histoire de l’Allemagne : la résistance au nazisme (Sophie Scholl en 2005, Seul dans Berlin en 2016), la vie d’Hitler (La Chute en 2004), la lente et tardive Vergangenheitsbewältigung à laquelle le peuple allemand s’est astreint après-guerre pour regarder en face son passé (Le Labyrinthe du silence en 2014)

Le réalisateur Lars Kraume avait déjà réalisé en 2015 un film sur ce sujet. Fritz Bauer, un héros allemand avait pour héros le procureur qui poursuivit des criminels de guerre et permit l’arrestation de Eichmann.

Avec La Révolution silencieuse, il s’inspire d’une histoire vraie qui s’était déroulée en Allemagne de l’Est en pleine guerre froide. L’un des principaux protagonistes, Dietrich Garstka, narra les faits dans un livre autobiographique qui inspira le scénario.

Le sujet était en or. Il aurait pu inspirer une nouvelle Vie des autres. Hélas La Révolution silencieuse pêche par son classicisme et n’a pas le potentiel tragique du film de Florian Henckel von Donnersmarck.

La sympathique bande de lycéens qu’il peint, avec son leader idéaliste, son joyeux luron pragmatique et son Judas schizophrène, ressemble à celle du Cercle des poètes disparus : des jeunes gens épris de liberté. Mais en RDA en 1956, l’exercice de son libre arbitre pouvait avoir des conséquences dramatiques. C’est l’imminence de ce danger qu’on peine à ressentir face à des aventures qui penchent plus du côté du Club des Cinq que du Zéro et l’infini.

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Plaire, aimer et courir vite ★☆☆☆

1993. Jacques (Pierre Deladonchamps), un écrivain célèbre. Le Sida ne l’empêche pas de plaire, d’aimer – en revanche on ne le voit guère courir. Autour de lui gravitent plusieurs hommes. Mathieu (Denis Podalydès), son voisin journaliste, auquel le relie une vieille amitié. Marco (Thomas Gonzalez), dont il a été très amoureux et dont il l’est encore, qui se meurt à petit feu. Et aujourd’hui Arthur (Vincent Lacoste), un Breton d’une vingtaine d’années, qu’il rencontre à l’occasion d’un spectacle en province.
Mais le temps est compté à ceux qui s’aiment. Jacques a le Sida et refuse la déchéance de la maladie.

Nous sommes entrés dans les années Sida au milieu des années 80. Pas sûr que nous en soyons déjà sortis. Le cinéma s’en est nourri. Jusqu’à plus soif. On ne compte plus les films qui en traitent. Souvent d’ailleurs avec une grande délicatesse. Mais au point parfois de donner l’impression d’une recette éculée, passeport pour les grands festivals et le succès critique. Tel est le cas du dernier film de Christophe Honoré en projection aujourd’hui à Cannes.

Comme dans les films qui les précèdent, depuis le fondateur Les Nuits fauves, il y est question de sexe (homo) et de mort, le tout filmé avec un soin jaloux de la reconstitution (ah ! ces affiches prétentieuses de la Leçon de piano ou de l’Orlando de Huppert au Théâtre de l’Odéon ! ah ! ces Supercinq et ces Twingo qui repassent en boucle en arrière-plan histoire de créer l’illusion de l’époque ! ).

Philadelphia filmait le Sida mélodramatique ; Jeanne et le Garçon formidable avait le Sida musical ; Mon frère le Sida morbide ; Les Témoins le Sida collectif, 120 bpm le Sida politique. Christophe Honoré a le Sida faussement badin à l’image de son héros, Pierre Deladonchamps, dont je n’ai pas aimé l’interprétation entre-deux-chaises : mi-grave, mi-léger, vivant l’amour à la fois comme un lutinage et comme une passion.

Le film, inutilement long, a deux focales. Non qu’il s’agisse de la richesse d’un scénario particulièrement subtil, mais au contraire de l’impossibilité du réalisateur d’arrêter son parti entre les deux options qui s’offraient à lui. Filmer l’histoire du point de vue de Jacques ou de celui d’Arthur. Dans le premier cas, c’est celui, tragique, d’un homme qui va mourir. Dans le second, c’est celui plus optimiste d’un roman de formation. Pierre Deladonchamps n’est pas assez sérieux pour nous faire croire à la gravité du premier – si ce n’est, j’en conviens, dans la scène finale qui arracherait des sanglots aux pierres. Vincent Lacoste – dont la silhouette dégingandée et la diction paresseuse restent irrémédiablement associées aux pitreries de ses premiers films – n’est pas assez romanesque pour nous faire croire au second. Reste Denis Podalydès, comme d’habitude parfait, incarnation vivante de la fidélité amicale quelles que soient les vicissitudes de la vie.

La bande-annonce

Death Wish ★☆☆☆

Paul Kersey est un homme sans histoires. Ce chirurgien aisé a une femme et une fille qu’il aime et qui l’aiment. Mais sa vie se dérègle quand sa maison est cambriolée et que les trois assaillants tuent sa femme et laissent sa fille dans le coma. Après une phase d’hébétude, Kersey décide de se faire justice lui-même.

Tout dans Death Wish devait me faire fuir. Son titre qui rappelle Un justicier dans la ville dont il est le remake revendiqué, le film qui avait lancé la carrière de Charles Bronson sur fond de polémique pro- ou anti-vigilante. Son affiche dont surgit le doigt vengeur de Bruce Willis armé d’un Glock. Son sous-titre, inspiré d’un mauvais Taken et qui claque comme une publicité pour la loi du talion : « They came for his family. Now he’s coming for them. » Jusqu’à l’identité de son réalisateur, Eli Roth, dont les films d’horreur manifestaient un plaisir malsain à exalter une violence complaisante – et réciproquement. Et bien sûr son sujet : l’auto-justice, le vigilantisme ou, pour le dire plus simplement, l’auto-défense, c’est-à-dire le fait de se faire justice en violation du monopole étatique de la violence légitime.

Mais il ne faut pas faire le procès d’un film avant de l’avoir vu. Et la vérité m’oblige à dire que Death Wish est plus subtil qu’il n’en a l’air. Les scénaristes ont eu la bonne idée de faire de Bruce Willis un médecin – alors que Charles Bronson incarnait un architecte. La première scène du film le montre face à deux victimes : un policier qui meurt dans ses bras après une fusillade et l’auteur même de cette fusillade, un voyou qu’il va sauver en vertu du serment d’Hippocrate qui lui interdit de discriminer ses patients. Belle façon de poser les dilemmes éthiques que le film soulève.

Subtil, Death Wish l’est dans sa façon de camper ce personnage d’Américain moyen que Bruce Willis a su si bien interpréter depuis qu’il s’est retrouvé à son corps défendant pris au piège des assaillants de la Fox Plaza (Piège de cristal, 1988). On le voit avant la mort de sa femme fêtant l’entrée de sa fille en faculté, célébrant son anniversaire. Puis vient le cambriolage dont on sait par avance l’issue funeste – et qui en est d’autant plus anxiogène. Puis le travail de deuil – car le gentil docteur Kersey ne prendra pas les armes du jour au lendemain.

Subtil, Death Wish l’est aussi dans le personnage du policier (interprété par Dean Norris qu’on est heureux de retrouver depuis Breaking Bad). Death Wish aurait pu peindre une police corrompue, paresseuse, incompétente pour justifier la prise d’armes d’un citoyen ordinaire. Le lieutenant Raines est loin de cette caricature : c’est un bon flic, qui ne compte pas ses heures et qui fait tout pour retrouver les assassins de Mme Kersey. Mais, croulant sous la tâche, dans une ville gangrénée par la violence où le nombre d’homicides augmente en flèche, il n’a tout simplement pas le temps de faire son travail.

Quand Bruce Willis, un acteur éminemment sympathique qui a toujours incarné des rôles de « gentil » dégomme les « méchants », le spectateur – moi y compris – prend spontanément fait et cause pour lui. C’est bien là que le bât blesse. Car si son chagrin est légitime, sa façon de l’étouffer ne l’est pas. Les limites sont franchies lorsqu’il torture un voyou, usant de sa science médicale pour lui arracher le nom de ses complices. Il ne s’agit pas seulement d’une scène de violence perturbante comme par exemple celle du dentiste nazi dans Marathon Man, mais d’une scène qui interroge notre relation à la légitimité de cette violence en nous invitant à l’encourager. Dérive dangereuse du réalisateur ou ultime subtilité de sa part ?

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Rampage ☆☆☆☆

Une station spatiale explose et les gènes pathogènes qui y étaient testés sont projetés sur la surface du globe terrestre où ils infectent un gorille, un loup et un alligator, les transformant en monstres immenses et agressifs.
Seuls un primatologue musclé et une généticienne sexy seront capables de trouver l’antidote qui sauvera le monde de leur furie dévastatrice.

Dwayne Johnson est en passe de devenir une superstar. Ou peut-être devrais-je savoir qu’il l’est depuis longtemps devenu si je m’intéressais un peu plus à sa filmographie : Le Retour de la momie, San Andreas, Jumanji, Baywatch, Fast and Furious 5, 6, 7 et 8… Le catcheur bodybuildé aligne les blockbusters comme Arnold Schwarzenegger, dont il copie la musculature et parfois le second degré, l’avaient fait trente ans plus tôt.

La Warner n’a pas regardé à la dépense pour son prochain film. 120 MUSD pour animer trois gros monstres qui détruisent avec un plaisir communicatif Chicago – faut-il y voir une arme de guerre trumpienne contre son prédécesseur, ancien sénateur de l’Illinois ? Le problème est que cette scène, aussi spectaculaire soit-elle ne suffit pas à faire un film. Il faut bien l’introduire et se creuser la tête à écrire un scenario en inventant un personnage de primatologue, ancien commando (sic) plus à l’aise avec les singes qu’avec les hommes (re-sic), qui aurait sauvé le gorille albinos George de méchants chasseurs alors qu’il travaillait pour la Force onusienne de lutte contre le braconnage (re-re-sic).

C’est là que le bât blesse. Car si, à l’extrême limite, on peu prendre un plaisir infantile à la scène de destruction porn [c’est le mot nouveau du jour calqué de food porn] filmée avec un luxe d’effets spéciaux et une régressive jouissance destructrice, on s’ennuie ferme durant l’heure qui la précède.

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Action ou vérité ★☆☆☆

Une bande de jeunes Américains en spring break au Mexique tombe sous le coup d’une malédiction. Ils sont condamnés à jouer au jeu Action ou Vérité. Celui qui refusera mourra. Celui qui n’effectuera pas l’action attendue de lui mourra. Celui qui mentira à la question posée mourra. Comment échapper à la malédiction ?

Action ou vérité détourne le jeu enfantin, rite de passage d’une adolescence en friche, pour en faire un jump scare movie à la mecanique bien huilée. Il ne s’agit pas de lâcher une bande d’ados une nuit sans lune dans une forêt obscure et sans réseau ; mais c’est tout comme. Les héros sont ici sept étudiants en goguette au Mexique – interprétés par une brochette d’acteurs trentenaires qui peinent à se faire un nom au cinéma après quelques succès éphémères à la TV ou dans des teen-drama (ainsi de la ravissante Lucy Hale révélée par la série Pretty Little Liars ou Tyler Posey héros de Teen Wolf). À noter l’absence dangereusement incorrecte d’acteurs noirs dans cette troupe – la présence d’un jeune Asiatique gay ne suffisant peut-être pas,à elle seule, à assurer la représentation non discriminatoire des minorités. Comme on s’y attend le petit groupe sera progressivement décimé par la malédiction jusqu’à ce que ne restent que les deux héroïnes, dont l’amitié indestructible avait été temporairement compromise par les péripéties de l’histoire, mais que consacrera un épilogue étonnamment immoral.

Action ou vérité serait un effroyable nanar interdit aux moins de douze ans pour la violence et aux plus de seize pour sa bêtise s’il n’était sauvé par la richesse de son scénario. Car, en effet, l’action, loin de faire du surplace, avance au fur et à mesure des défis lancés par le démon qui s’est emparé de nos jeunes godelureaux qui force, par exemple, l’héroïne à révéler les sentiments qu’elle nourrit pour le boyfriend de sa meilleure amie ou le gay à faire son coming out. Rien bien sûr de shakespearien ou de dostoïevskien. Mais l’entrelacement intelligent des codes de la comédie romantique et du film d’horreur n’est  pas inintéressant.

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MILF ★☆☆☆

Trois amies, la petite quarantaine, inséparables depuis le lycée, partent ensemble dans le Sud de la France ranger la maison de vacances que l’une d’elles s’apprête à vendre. Élise (Axelle Laffont), la plus fantasque, élève seule sa fille. Cécile (Virginie Ledoyen) vient de perdre son mari. Sonia (Marie-Josée Croze) vit une relation toxique avec un homme marié.
Une fois sur la plage, les trois femmes découvrent que leurs charmes n’est pas sans effet sur une bande d’adolescents, malgré leur différence d’âge.

Amis lecteurs, êtres de pureté et d’innocence, feignez comme moi un instant l’ignorance et réjouissez vous d’élargir votre champ lexical à des expressions qui vous étaient jusqu’alors inconnues : MILF, camel toe, biffle, squirt…

La MILF ne doit pas être confondue avec la cougar. L’expression, popularisée à la fin des années 90 par le film American Pie, ne désigne pas la prédatrice d’une quarantaine d’années attirée par des hommes plus jeunes mais celle du même âge qui suscite passivement l’intérêt lascif de ceux-ci. Vous me direz que le résultat est le même. Vous n’aurez pas tout à fait tort.

En choisissant pareil titre, Axelle Laffont annonce la couleur : celle d’une comédie sur un phénomène de société qui en explore parfois, non sans intelligence, les causes et les conséquences. MILF contient quelques scènes réussies qui décrivent le malaise des célibattantes, trop vieilles pour être jeunes, trop jeunes pour être vieilles, et l’écart générationnel difficile à combler qui les sépare des garçons vingt ans plus jeunes dont la sexualité s’est construite devant YouPorn. Mais hélas, l’affiche que MILF s’est choisie, d’une rare laideur (ah ! ces tons orange) et d’une rare beauferie (ah ! ce regard insistant d’ados à casquettes sur les fesses des héroïnes), nous rappelle à la dure réalité : MILF ne sera pas le film féministe promis par sa réalisatrice, mais une comédie un peu grasse, façon Les Tuche ou Camping, qui émoustillera les jeunes sans trop choquer les vieux.

MILF n’évoque pas une seule fois Brigitte Macron. Il a cette élégance. Mais c’est bien la seule d’un film trop long, pas drôle, limite vulgaire.

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