Le Temps d’aimer ★★★☆

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au pied des remparts de Saint-Malo, Madeleine (Anaïs Demoustier), mère célibataire d’un petit Daniel, rencontre François (Vincent Lacoste), héritier rebelle d’une riche famille d’industriels. Entre eux, c’est le coup de foudre. Mais chacun cache un lourd secret qui hypothèquera pendant vingt ans leur couple.

Katell Quillévéré est une jeune réalisatrice bretonne – comme son nom l’indique – dont j’avais adoré le premier film, Suzanne, lequel avait valu en 2014 à Adèle Haenel son premier César. Deux ans plus tard, elle jouait sur du velours en signant l’adaptation d’un des meilleurs livres de la décennie, Réparer les vivants de Maylis de Kerangal, devenue santo subito l’un de mes films préférés de l’année 2016.

Elle signe avec Le temps d’aimer un film d’un classicisme assumé auquel on pourrait adresser le reproche légitime qu’il aurait été filmé à l’identique il y a vingt ou quarante ans. C’est une reconstitution léchée de la France de la Libération avec son imagerie bien connue : des GIs débordants de vitalité, des caveaux enfumés, des Françaises qui découvrent émerveillées le chewing-gum et le twist… Le film commence par des images d’archives d’une force saisissante des Tondues de la Libération, accusées, selon l’expression d’usage, de « collaboration horizontale ».

Mais Le Temps d’aimer ne se résume pas à son simple prétexte historique. Son vrai sujet est le couple que forment Madeleine et François et les secrets qu’ils dissimulent. La bande-annonce en révèle un, l’homosexualité cachée de François ; il ne dit rien de l’autre, que le film pourtant révèle rapidement. Il contient une scène proprement stupéfiante, qui aurait pu sombrer dans la vulgarité ou le voyeurisme, mais que Katell Quillévéré réussit à monter avec une infinie élégance. Elle interroge le couple, la bisexualité, le désir qui va et qui vient, l’amour et la sexualité. J’espère en avoir suffisamment dit, mais pas trop, pour vous donner la curiosité de la voir.

Un mot des acteurs. J’ai si souvent dit du bien d’Anaïs Demoustier qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter une couche (néanmoins, « Anaïs, si vous lisez ces lignes, etc etc. »). Mais j’ai trop reproché à Vincent Lacoste sa lippe baveuse, son élocution languissante, sa silhouette dégingandée pour ne pas faire ici amende honorable : il est parfait dans le rôle de François, loin du registre ado-comique dans lequel il s’est longtemps complu. Comme l’an passé avec De nos frères blessés, le film historique lui va bien.

J’aurais un seul reproche à faire au Temps d’aimer : son titre. Je parie que, d’ici quelques semaines, vous et moi nous souviendrons de ce film mais chercherons à nous remémorer son titre passe-partout et anonyme qui nous aura échappé.

La bande-annonce

5 commentaires sur “Le Temps d’aimer ★★★☆

  1. J’ai adoré !
    Le contraste est saisissant entre la violence des images du début en noir et blanc (archives mais pas que) et la délicatesse du film qui suit. Le duo d’acteurs est merveilleux (mais il me semble que ça fait un moment que Vincent Lacoste n’est plus abonné aux ados niaisouilles) et l’histoire est d’une remarquable finesse. Par contre, je suis d’accord, le titre est raté. Même à la caisse, j’ai encore demandé une place pour le film avec Vincent Lacoste…

  2. Une certaine sécheresse qui d’abord m’a déstabilisé puis, admettant que c’était la »manière » de travailler de K. Quillivéré, m’a ensuite bouleversé.

  3. Une certaine sécheresse qui d’abord m’a déstabilisé puis, admettant que c’était la »manière » de travailler de K. Quillévéré, m’a ensuite bouleversé. Le jeu d’Anaïs Demoustier – notamment sa relation avec son fils Daniel
    – me rappelle celui d’Huppert dans Affaire de femmes, de Chabrol.

  4. Mais non, le titre est excellent, au contraire ! « Le Temps d’aimer » est un magnifique mélodrame à la manière de ceux de Douglas Sirk dont il s’inspire. Son titre forme la moitié du titre d’un de ses films : « Le Temps d’aimer et le Temps de mourir » de 1958 et dont l’histoire se déroule à la fin de la 2e guerre mondiale. C’est un très joli clin d’œil, un aveu et un hommage exquis.

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