Lola vers la mer ★☆☆☆

Lola est trans. Elle a dix-huit ans. Elle vit dans un foyer. Elle va subir l’opération qui la transformera définitivement. Son père l’a mise à la porte. Sa mère, qui continuait en secret à la voir, vient de mourir des suites d’une longue maladie.
Quand Lola revient dans sa famille pour les funérailles de sa mère, les retrouvailles avec son père sont violentes.

La transidentité est décidément un sujet à la mode. On ne compte plus les documentaires (XY Chelsea, Coby, Finding Phong…) et les – excellents – films de fiction qui en traitent : Tomboy, Une femme fantastique, Girl

Comme Girl, Lola vers la mer se passe en Belgique. Mais la ressemblance s’arrête là hélas.
Là où l’héroïne de Girl nous touchait par sa fragilité et par sa grâce, celle de Lola vers la mer se borne à jouer l’adolescente révoltée à l’identité entravée. Et on n’entrera pas ici dans le débat si un tel rôle doit être joué par un acteur cisgenre (comme dans Girl) ou transgenre (comme dans Lola…).
Là où le scénario de Girl avançait à l’aveugle dans une fragile indétermination jusqu’à une conclusion qui en a surpris plus d’un.e, celui de Lola – qui voudrait nous faire croire que la centaine de kilomètres qui sépare Bruxelles de Ostende peut donner lieu à un long périple initiatique – est cousu de fil blanc jusqu’à une inévitable autant qu’improbable réconciliation.
À la relation si pleine d’amour et de compréhension qui unissait Lara à son père dans le film de Lukas Dhont s’opposent terme à terme la haine et l’incompréhension que manifeste Philippe (Benoît Magimel) avec cet enfant qu’il persiste à appeler Lionel. Aussi bien joué soit-il par Benoît Magimel, le personnage de ce père homophobe est par trop caricatural. Sa beauferie veule puis son inévitable adoucissement sont si téléphonés qu’on ne s’y laisse guère émouvoir.

Les grosses ficelles du scénario – qui réunissent, contre toute logique, Lola et son père dans un dernier pèlerinage autour d’une urne funéraire – n’arrangent rien.

La bande-annonce

Pahokee, une jeunesse américaine ★★☆☆

Comptant six mille habitants à peine, située en Floride dans le nord des Everglades, Pahokee est une bourgade sans caractère, paupérisée par la crise de l’agriculture et l’appauvrissement des sols, majoritairement peuplée de Noirs-américains et d’immigrés hispaniques.
Ivete Lucas et Patrick Bresnan, deux documentaristes formés à l’école du court-métrage, y ont planté leur caméra pour y suivre les élèves de terminale durant leur dernière année de lycée. Ils n’ont pas filmé les cours, mais les rites de passage qui scandent cette année charnière : les matchs de l’équipe de football américain, l’élection de la reine de beauté du lycée, la cérémonie de remise des diplômes, le bal de promo, etc.

Frederick Wiseman (Ex Libris, In Jackson Heights…) fait des émules. L’immense réalisateur américain a créé un style : le documentaire non interventionniste, sans voix off ni sous-titre où la seule mise en scène est censée suffire à donner du sens au propos.

Lucas & Bresnan marchent sur ses traces. Il s’agit pour eux toutefois moins de réaliser une radioscopie de l’Amérique profonde – comme Monrovia, Indiana en avait l’ambition – ou de brosser une étude en coupe de la jeunesse américaine – comme le sous-titre français inutilement explicatif prétend l’annoncer – que de raconter des rites. Des rites typiquement américains – et pour nous, spectateurs d’outre-Atlantique, terriblement exotiques – qui scandent la vie lycéenne.

Lucas & Bresnan embrassent le parti d’ignorer l’arrière plan social et économique de la ville où ils posent leur caméra. On ne saura rien ou presque de ses paysages sans caractère, du sous-emploi qui la mine, de la guerre des gangs qui s’y livre, si ce n’est en assistant en temps réel à un règlement de compte qui laissera un mort sur le bitume.
Ils préfèrent s’intéresser à ces moments clés, et volontairement festifs, de l’année de terminale. Ils ont pour nous un charme un peu ridicule. Quoi de plus kitsch que ces jeunes filles à peine majeures déguisées en starlettes, outrancièrement maquillées, juchées sur de hauts talons vertigineux ?

Pour donner corps à leur propos, les réalisateurs ont choisi de suivre plus spécifiquement quatre personnes, deux filles et deux garçons : Na’Kerria, la dauphine malheureuse de l’élection de la reine de beauté, Jocabed, une jeune Mexicaine de la deuxième génération dure à la tâche, BJ, un jeune Afro-américain qui rêve de devenir une star du football américain et Junior, le percussionniste virtuose de la fanfare, dont l’échec scolaire et la naissance d’un enfant semblent compromettre l’avenir.
Le procédé est un peu racoleur. Pas sûr qu’il soit conforme aux exigeants préceptes wisemaniens. Mais il est diablement efficace. Car on s’attache à chacun d’entre eux. Et, sauf à avoir un cœur de pierre, on verse une larme en écoutant le discours de fin d’année de Jocabed devant ses parents et ses grands-parents.

La bande-annonce

Un été à Changsha ★☆☆☆

Dans la touffeur de l’été chinois, à Changsha, la capitale du Hunan, deux inspecteurs de police enquêtent sur un meurtre sordide. Les membres dépecés d’un corps humain font petit à petit surface. Ses bras sont retrouvés dans la rivière Xiang qui baigne la métropole ; ses viscères ont été stockées dans une valise ; sa tête reste introuvable.
Un témoin se manifeste à la police. Li Xue est chirurgienne. Elle dit être la sœur du disparu et recevoir de lui des informations en songe. Elle-même porte un lourd secret : sa fille, qui souffrait d’une affection cardiaque incurable, est morte quelques années plus tôt. Depuis lors, Li Xue entretient une relation adultère avec le chirurgien qui soignait son enfant.

Projeté à Cannes dans la section Un certain regard, Un été à Changsha est un film déroutant. Son pitch et sa première moitié font penser à un polar façon Memories of murder ou Une pluie sans fin. Mais bientôt le scénario bifurque et se désintéresse de la résolution de l’énigme policière pliée en deux coups de cuillère à pot.

Le film devient plus poétique voire élégiaque pour se concentrer sur le personnage de l’inspecteur Bin (interprété par le réalisateur en personne), profondément dépressif depuis le suicide de sa femme, qui trouve avec Li Xue une personne avec qui partager son mal-être.
Si l’on ne s’est pas laissé submerger par l’ennui, on comprendra peut-être que la lumière est au bout du tunnel et que l’inspecteur Bin réussira finalement à reprendre goût à la vie. Mais l’atmosphère neurasthénique dans laquelle baigne cet Été à Changsha risque d’avoir raison même des plus optimistes comme des plus endurants.

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Les Envoûtés ★☆☆☆

Coline (Sara Giraudeau) est parisienne. Elle rédige quelques articles pour un journal dont le rédacteur en chef, Sylvain (Nicolas Maury), est un ami d’enfance. Lorsque la propriétaire du journal, Leonora (Josian Balasko), propose à Coline de se charger de l’enquête du mois en allant interviewer, au fond des Pyrénées, Simon (Nicolas Duchauvelle), un peintre qui prétend avoir vu le spectre de sa mère défunte, Coline, sceptique, refuse. Mais lorsque la même expérience surnaturelle arrive à sa meilleure amie Azar (Anabel Lopez), qui voit le spectre de son père au moment de sa mort soudaine, Coline prend le train pour le Pays basque.

Le trop rare Pascal Bonitzer a signé moins de dix films (Tout de suite maintenant, Cherchez Hortense, Le Grand Alibi…) durant une carrière commencée il y a plus d’un demi siècle aux Cahiers du cinéma ; mais c’est pourtant l’un des réalisateurs les plus significatifs du cinéma français contemporain. Il s’essaie à un genre délicat, le fantastique réaliste, en adaptant une nouvelle de Henry James.

Et autant le dire sans détour, il se plante. Pourtant la direction d’acteurs est impeccable. La grâce boudeuse, la fragilité butée que Sara Giraudeau affichait déjà dans Le Bureau des légendes fait merveille dans le rôle de Coline, dont on se demandera jusqu’au bout du film si elle a basculé dans la folie ou pas.

Le problème vient du sujet du film qu’on peine à appréhender. Sans doute s’agit-il de nous montrer que les morts demeurent à tout jamais présents. Le thème est à la mode qui traverse toute l’œuvre de Kiyoshi Kurosawa (Le Secret de la chambre noire, Vers l’autre rive). Il est au centre du récent film de Stéphane Batut Vif-Argent. Il l’était déjà de l’envoûtante série française Les Revenants. Mais ce thème-là, dont je ne suis pas sûr qu’il soit si riche, est mélangé à d’autres qui ne convainquent guère plus : la naissance de l’amour entre Coline et Simon, l’inquiétante beauté des forêts pyrénéennes, etc.

Le résultat est paradoxalement trop pauvre pour nourrir les presque cent minutes que dure le film. Son rythme est trop distendu pour soutenir l’intérêt. Henry James avait écrit une nouvelle. Pascal Bonitzer a eu tort de croire qu’il pouvait en faire un film.

La bande-annonce

Le meilleur reste à venir ★★☆☆

Arthur (Fabrice Luchini) est un grand ponte de la médecine, timide et pondéré, père divorcé d’une adolescente boudeuse. César (Patrick Bruel) est un flambeur couvert de dettes et de femmes qui n’a jamais rien fait de sa vie sinon que d’en jouir. Arthur et César se sont rencontrés en pensionnat et sont les meilleurs amis du monde.
Quand Arthur apprend à la suite d’un malentendu que son ami est atteint d’un cancer incurable, il ne trouve pas le courage de le lui dire mais décide de l’accompagner dans ses derniers moments.

Tout dans Le meilleur reste à venir me faisait fuir. Son pitch démago inspiré par un épisode de la vie de Alexandre de La Patellière qui a appris qu’il était atteint d’un cancer – finalement soigné – et qui ne l’a avoué qu’à son seul ami et coréalisateur Matthieu Delaporte. Son affiche racoleuse qui aurait pu tout aussi bien vanter un parfum pour hommes. Ses deux acteurs horripilants : je n’ai jamais trouvé Bruel beau ni Luchini intelligent. Son duo de réalisateurs dont le précédent succès, Le Prénom, ne m’avait pas fait rire.

La première moitié du film allait me conforter dans mes a priori. Personnages caricaturaux, scénario pas crédible, humour pas drôle (« tu ne vas pas quand même pas en faire une affaire, Dreyfus ? »). Et puis, force m’a été de ravaler ma bile devant sa seconde moitié jusqu’à un épilogue qui m’a noué les tripes.

Le meilleur reste à venir réussit à parler de l’amitié et de la mort en étant drôle sans être vulgaire, en restant grave sans devenir pontifiant. Le défi était audacieux ; Delaporte et La Patellière le relèvent avec talent. Sans doute suis-je dans le cœur de cible : le CSP+ cisgenre quinquagénaire dont le meilleur ami ou lui-même a eu ou est susceptible d’avoir à brève échéance un cancer fatal. Pas sûr que le film ait autant d’impact en dehors de cette cible, mis à part les fans de tous âges, et ils sont nombreux – de Luchini (60+) et de Bruel (40+).
Mais toujours est-il que si la vie vous a donné la joie d’avoir un ami, un ami d’enfance auquel vous lie une amitié insubmersible, vous ne pourrez regarder qu’en pleurant ce film qui exalte la force de ce lien et la douleur de sa perte.

La bande-annonce

Une vie cachée ☆☆☆☆/★★★★

Un conscrit autrichien, Franz Jägerstätter fut décapité  pendant la Seconde guerre mondiale pour avoir refusé de prêter allégeance au Führer.

Le dernier film de Terrence Malick – comme d’ailleurs ses précédents – ne saurait laisser indifférent. Il suscitera la fascination ou la répulsion.

Dans la première hypothèse, on se laissera hypnotiser par une œuvre radicale, puissante, écrasante portée par une caméra tourbillonnante, une musique élégiaque et une interprétation inspirée. On sera ému jusqu’à l’âme par le dilemme qui se pose à Frantz : transiger ou pas, sauver sa peau ou mourir pour ses principes. On sortira durablement bouleversé de la salle, traumatisé par la dernière demie heure d’un film qui, comme peu d’autres, nous aura fait ressentir la peur de la mort et le courage inhumain qu’il faut pour l’affronter.

Dans la seconde, on aura trouvé le temps effroyablement long. Près de trois heures pour raconter une histoire qui se résume en une phrase. Terrence Malick ne cherche d’ailleurs pas d’échappatoire : il n’enrichira sa trame d’aucun artifice, d’aucune histoire secondaire qui lui donnerait plus de chair.
Au surplus, il a une façon de monter ses scènes qui leur donne un tempo incroyablement rapide. Il refuse la banalité du champ-contrechamp, filmant chaque scène comme on le ferait dans un clip vidéo, avec une musique envahissante et des ellipses qui en rendent parfois la compréhension difficile et empêchent l’émotion de s’installer. Ainsi, paradoxalement, ce film trop long est couturé de scènes trop courtes (ainsi de la confrontation entre Franz et le président du tribunal militaire qui le juge, interprété par un Bruno Ganz mourant qui allait décéder quelques semaines plus tard).
Les tics qui caractérisent son cinéma deviennent vite envahissants : ses travelings interminables sur des champs de blé, cette voix off susurrante semblable à celle d’un prêtre donnant l’absolution, ces tableaux de famille censés incarner la félicité domestique où immanquablement on voit les enfants gambader dans les prés et les parents rouler dans les foins comme s’ils avaient seize ans. Et, last but not least, ce mélange babélien de dialogues anglais et allemands (pourquoi diable faire parler anglais des personnages autrichiens), les seconds n’étant pas traduits, soit que le budget ait manqué pour le faire, soit que le réalisateur ait voulu ainsi souligner l’incommunicabilité de cette langue.

On l’aura compris au déséquilibre entre les deux points de vue qui précèdent : je suis sorti passablement excédé de la salle avec l’impression d’y avoir perdu mon temps et de m’être laissé enfumer par un escroc. Mais, les critiques dithyrambiques que je lis, la vénération admirative dans laquelle on tient Terrence Malick m’empêchent de défendre mon opinion sans l’accompagner d’un instant de doute. Que vous ayez déjà vu d’autres films de Terrence Malick ou pas, faites vous votre opinion. Allez voir Une vie cachée : vous adorerez… ou pas.

La bande-annonce

Seules les bêtes ★★★☆

Sur le causse Méjean, enseveli sous la neige, une femme disparaît. Evelyn Lucat (Valeria Bruni Tedeschi) avait la quarantaine et vivait dans une grande bâtisse rénovée. Qui est responsable de sa mort ? Marion (Nadia Tereszkiewicz), la serveuse qu’Evelyn a rencontrée à Sète et qui l’a suivie par amour jusque chez elle ? Joseph (Damien Bonnard), un paysan bourru reclus dans sa ferme avec son chien depuis la mort de sa mère ? Alice (Laure Calamy), l’assistante sociale venue aider Joseph et devenue sa maîtresse ? Michel (Denis Ménochet), le mari trompé d’Alice qui cherche sur Internet un peu de chaleur humaine ? Ou même Armand (Guy Roger N’Drin), un jeune ivoirien qui se fait passer pour la pulpeuse Amandine pour arnaquer Michel ?

Une semaine après À couteux tirés, Seules les bêtes raconte un Cluedo à la française. Pas de manoir anglais sinon les paysages désertiques de la Lozère. Pas de Hercule Poirot sinon un brave major de gendarmerie. On est plus proche de Fargo que de Dix petits nègres. Pas de stars hollywoodiennes, mais quelques uns des acteurs les plus solides de la nouvelle génération française (à commencer par Denis Ménochet qui aurait, selon moi, plus mérité pour Jusqu’à la garde le César du meilleur acteur que Léa Drucker de la meilleure actrice). Pas de twist renversant sinon une construction méticuleuse d’un récit polyphonique.

C’est ce scénario au cordeau qui retient l’attention et force l’intelligence. Seules les bêtes est un puzzle dont chaque pièce s’agence parfaitement avec les précédentes jusqu’à révéler les motifs tragicomiques de la disparition d’Evelyn Lucat. Cette narration à la Rashomon, savante et toujours lisible, faite de flash-back entrelacés, est un vrai régal pour l’intelligence même si le procédé devient parfois un peu trop systématique – chaque zone d’ombre, chaque mystère trouvera un peu plus tard son explication.

Les deux dernières scènes concluent magistralement le tout, quand bien même elles n’étaient pas strictement nécessaires à l’achèvement du puzzle. L’une boucle la boucle en réunissant deux personnages secondaires. L’autre ouvre le récit sur un gouffre : celui de l’intolérable solitude qu’on est prêt à tout pour combattre. Que le grand cric me croque si je n’ai pas réussi à vous donner envie d’aller voir ce film.

La bande-annonce

It Must Be Heaven ★★☆☆

Comme dans ses précédents films (Intervention divine, Le Temps qui reste), Elia Suleiman se met en scène, spectateur silencieux et pince-sans-rire des dérives absurdes de notre monde. On le suit cette fois-ci en train d’écrire son prochain film et d’essayer d’en boucler le financement sur trois continents : d’abord à Nazareth, ensuite à Paris, enfin à New York.

On peut bien sûr, aimer la poésie d’Elia Suleiman, la façon à la fois tendre et mordante qu’il a de croquer le monde qui nous entoure, par exemple dans sa peinture de la capitale française, vidée de ses habitants et de ses touristes par la paranoïa sécuritaire qui la gagne. On peut saluer l’élégance avec laquelle il mène sa charge pour la reconnaissance de la Palestine, où ses pas le ramènent à la fin du film, tel Ulysse à la fin d’un long voyage. On peut s’attacher aux pas de ce héros silencieux, qui rappelle immanquablement les stars tristes du cinéma muet, et partager sa colère rentrée contre toutes les absurdités du monde : la désinvolture de ce voisin envahissant qui vient sans autorisation cueillir des citrons dans le jardin de la maison familiale de Nazareth (métaphore à peine voilée de l’occupation israélienne), l’attitude de ce producteur français (interprété par Vincent Maraval himself) qui rejette le projet du réalisateur au motif qu’il n’est pas « assez palestinien », le cauchemar d’une société américaine surarmée où les clients d’une supérette feraient leurs courses l’arme au poing….

Mais on peut aussi trouver le procédé un peu répétitif d’enchaîner les saynètes – dont les plus réussies ont déjà été diffusées en boucle avec la bande annonce – sur le même format. Aucune ne fait franchement rire – sauf à trouver drôle une bénévole du Samu qui porte assistance à un SDF parisien en lui servant un plateau repas avec les mêmes tics qu’une hôtesse de l’air. Certaines sont franchement ratées – Vincent Maraval est certainement un producteur inspiré mais c’est un acteur calamiteux – et tournent vite au cliché – fallait-il organiser un (long) défilé de mannequins rue Montorgeuil pour encenser la beauté des Parisiennes ?

S’il faut reconnaître à Elia Suleiman le talent d’avoir inventé son personnage, burlesque et poétique, le procédé a ses limites. Avec It must be heaven, elles ont été atteintes.

La bande-annonce

Brooklyn Affairs ★★☆☆

En 1957, à New York, Lionel Essrog (Edward Norton), affecté du syndrome de la Tourette, a été recueilli et formé par Frank Minna (Bruce Willis), un détective privé. Quand son mentor est assassiné, Lionel enquête sur le crime. Ses recherches le mènent à Moses Randolph (Alec Baldwin), l’homme le plus puissant de la ville, et à Laura Rose (Gugu Mbatha-Raw), une avocate qui s’est mis en tête d’en dénoncer les pratiques mafieuses.

Brooklyn Affairs est l’adaptation d’un roman à succès de Jonathan Lethem dont l’action se déroulait de nos jours. Edward Norton a pris le parti de la transposer dans les années cinquante. C’est l’occasion pour lui, pour son décorateur et pour sa costumière de reconstituer l’ambiance du film noir façon Dashiell Hammett ou Raymond Chandler. Ils ont soigné chaque détail avec un soin jaloux. Grosses caisses, club de jazz, toilettes et chapeaux : rien ne manque à cette reconstitution soignée.

Le scénario n’est pas le point fort de ce film. Il n’est pas assez inventif pour surprendre le spectateur. Et il est suffisamment emberlificoté pour le semer en cours de route. Si on rajoute son manque de crédibilité – l’idylle téléphonée entre le héros et l’héroïne – on frise la catastrophe.

Mais on l’évite grâce au jeu des acteurs. À commencer par Edward Norton qui s’attribue le rôle principal – on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Cet acteur à l’air d’éternel adolescent a soufflé ses cinquante bougies, mais n’a pas eu la carrière qu’il aurait méritée. Il est certes devenu célèbre ; mais il n’a pas accédé au statut de super star. Pourtant, il a joué dans quelques chefs d’oeuvre (Fight Club, American History X, Moonrise Kingdom) et y a toujours fait preuve d’une étonnante richesse de jeu dans des personnages souvent borderline comme celui qu’il interprète ici. À ses côtés, on retrouve quelques pré-retraités hollywoodiens (Bruce Willis, Willem Dafoe, Alec Baldwin), en compagnie desquels les 2h25 que dure Brooklyn Affairs passent sans regarder sa montre.

La bande-annonce