L’Agent immobilier ★☆☆☆

Olivier Tronier (Mathieu Amalric) est agent immobilier. Sa vie est un champ de ruines. Sa femme l’a quitté et sa fille unique s’est éloignée de lui. Sa mère vient de mourir et il doit se résoudre à placer son père alcoolique (Eddy Mitchell) en maison de retraite. Une heureuse nouvelle l’attend à l’ouverture du testament de sa mère : elle lui lègue un immeuble d’habitation en plein Paris dont la vente pourrait résoudre tous ses tracas financiers. Mais l’immeuble est une ruine et une dernière locataire coriace refuse de quitter les lieux.

Arte mène une politique ambitieuse en matière de séries, soit qu’elle en achète à l’étranger (Borgen, Top of the Lake, Peaky Blinders, Il Miracolo…), soit qu’elle les produise elle-même en France (Ainsi soient-ils, P’tit Quinquin, 3 x Manon, Au service de la France…).

L’Agent immobilier vient de sortir précédé d’une critique élogieuse. Il est l’oeuvre d’un duo de réalisateurs israéliens remarqués pour leur premier long en 2007, Les Méduses, qui mettait en scène une jeune femme en quête de repères à Tel Aviv. L’Agent immobilier est la version masculine, quinquagénaire et parisienne de ce premier film couronné à l’époque par la Caméra d’or au Festival de Cannes.

Le rôle principal est interprété par Mathieu Amalric, un acteur qu’on voit beaucoup (Le Bureau des légendes, J’accuse, Le Grand Bain, Barbara…). Sans contester la qualité de son jeu, j’avoue que son élocution poisseuse et ses yeux exorbités dans un regard de fou censé symboliser l’incomprehension de l’homme moderne face au monde qui l’entoure me tapent sur les nerfs.

L’Agent immobilier est découpé en quatre épisodes de quarante cinq minutes chacun. Le format est original même s’il tend à se répandre. Mais, trop long pour un film, trop court pour une série, il ne convainc pas vraiment. D’autant que le film se traîne qui ni n’émeut ni n’amuse. Une pincée de fantastique s’y glisse via un poisson rouge doté de parole (sic) qui autorise au héros des voyages dans le temps dans les années soixante-dix de son enfance. Quand les fils d’une histoire qu’on a peiné à suivre se renouent au dernier épisode, il est trop tard : la curiosité qu’inspirait cette mini-série s’est déjà évanouie.

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Grégory ★★★☆

Le meurtre sordide du petit Grégory Villemin, quatre ans, le 16 octobre 1984, avait bouleversé la France. La recherche de son assassin allait la tenir en suspens des années durant. Elle connut bien des rebondissements.
Les soupçons se portèrent d’abord sur Bernard Laroche, un cousin des Villemin. Mais le juge Lambert, que l’enquête menée par les gendarmes n’avait pas convaincu, ordonna sa libération. Tandis que la mère de l’enfant, Christine Villemin, était mise en cause, le père, Jean-Marie, ivre de chagrin et assoiffé de vengeance, assassinait de sang froid Bernard Laroche le 29 mars 1985. Après le départ du juge Lambert, un nouveau juge d’instruction reprenait méticuleusement l’enquête et innocentait Christine. Jugé en cour d’assises, Jean-Marie Villemin était condamné en 1993 à cinq ans de prison, une sanction plutôt légère, pour l’assassinat de Bernard Laroche. À ce jour l’assassinat du petit Gregory n’a pas été élucidé.

Le meurtre du petit Grégory a marqué la France des boomers. J’étais au collège, en troisième, et je me souviens de la réprobation causée par cet assassinat et du vif débat qu’il avait suscité sur le rétablissement de la peine de mort, abrogée trois ans plus tôt seulement.

Dans la lignée de Faites entrer l’accusé, la mini-série documentaire de Netflix prend le temps, en cinq épisodes d’une heure de raconter l’affaire. Elle a été réalisée par Gilles Marchand, le scénariste de Harry, un ami qui vous veut du bien et le réalisateur de Qui a tué Bambi ? Elle ne révolutionne pas l’art du documentaire, alternant documents d’époque et interviews des différents témoins (les gendarmes et les policiers qui ont mené l’enquête, les journalistes qui l’ont couverte, les avocats des uns et des autres…). Mais l’affaire a connu de tels rebondissements que le service minimum suffit à rendre sa relation captivante.

L’historien et écrivain Ivan Jablonka avait consacré en 2016 un essai passionnant au meurtre de la jeune Laëtitia Perrais. Partant d’un fait divers sordide, son livre, Laëtitia ou la Fin des hommes, couronné par le prix Médicis, était tout à la fois une enquête policière méticuleuse sur les circonstances du drame, une radioscopie de la France dite périphérique et une réflexion sur les violences faites aux femmes.

Comme l’affaire Laëtitia, l’assassinat du petit Gregory est un fait divers passionnant. Il l’est bien sûr par le voile de mystère qui trente-cinq ans après les faits, continue encore à l’entourer, jouant sur le ressort le plus ancien et le plus efficace de toute intrigue policière : la recherche infructueuse du coupable. Mais il l’est plus encore par ce qu’il nous révèle de l’état d’une société : les dysfonctionnements de la justice, l’emballement des média et surtout, cette France provinciale des années Mitterrand avec ses trognes et ses accents, que je croyais si proche mais qui me semble aujourd’hui si lointaine.

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Fleabag ★★★☆

Londonienne, la trentaine, Fleabag (Phoebe Waller-Bridge) est une célibattante qui dirige seule un café depuis la mort de son associée. Fleabag entretient des relations tumultueuses avec sa sœur aînée et avec son père qui s’est remis en couple avec la marraine de Fleabag après le décès de sa mère.

En 2016 débarquait sur les écrans une mini-série de six épisodes de trente minutes écrite et interprétée par une actrice de stand-up comedy au bagout ébouriffant. le succès fut immédiat et mérité. Il suffit de regarder la première scène pour se laisser séduire. S’adressant face caméra au spectateur en lui livrant ses impressions, l’héroïne y accueille au milieu de la nuit un amant pour une première rencontre torride qui se conclura par…. une sodomie (sic). C’est terriblement drôle, provocateur sans être vulgaire, monté à un tempo d’enfer (si j’ose dire). Bref, on est immédiatement emballé.

Le succès de la première saison fut si éclatant que Phoebe Waller-Bridge se laissa convaincre d’en écrire une seconde. Elle y introduit un nouveau personnage : un prêtre catholique terriblement séduisant. Le rythme pétaradant de la première saison se ralentit ; le propos devient plus grave tandis que se révèle la fêlure laissée dans la psyché de l’héroïne par la mort de son associée Boo.

Fleabag n’existe que pour et par son héroïne. Impossible de ne pas rire à ses pitreries. Impossible de rester insensible aux clins d’oeil qu’elle nous décoche. Impossible de ne pas tomber sous son charme fou, mélange de maladresses ingénues et de prises de position féministes.

Fleabag porte en lui toutefois ses propres limites. Le scénario de ces douze épisodes est une structure bien lâche pour relier entre elles des saynètes qui n’ont guère d’autres points communs que l’identité de leur héroïne. Chaque scène de Fleabag est un bijou ; mais toutes les scènes de Fleabag, mises bout à bout, ne forment pas une oeuvre.

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Hippocrate ★★★☆

On ne chôme pas à l’hôpital Raymond-Poincaré, quelque part en région parisienne. Mais quand un décès inexpliqué condamne à l’isolement l’ensemble des médecins titulaires, la responsabilité du service retombe sur trois jeunes internes, bientôt épaulés par un collègue.

Ce n’est pas la première fois qu’une série se déroule à l’hôpital. On a tous à l’esprit Urgences,  Grey’s Anatomy ou Dr House sans oublier Scrubs ou Nip/ Tuck. Je rajouterais à cette liste de titres archi-célèbre l’injustement méconnu The Knick dont l’action se déroule dans un hôpital new yorkais au début du vingtième siècle.

La série TV médical est un genre typiquement américain qui n’a guère connu d’équivalent en France. Il était normal que Thomas Lilti ouvre la voie. Il avait déjà réalisé un film éponyme en 2014, grand succès critique et public (800.000 entrées en France). Le passage au format long produit par Canal + n’était pas sans logique pour un sujet qui se prêtait volontiers à un traitement dans la durée.

On y plonge dans l’atmosphère unique de l’hôpital avec ses bruits et ses odeurs, ses médecins débordés, ses aides soignants dévoués, ses patients résignés… Est-ce parce qu’on le voit au temps du coronavirus ? On a plus souvent qu’à son tour la larme à l’oeil et le cœur au bord des lèvres.

Hippocrate est une série politique qui décrit un hôpital public à bout de souffle, sans personnel, sans moyen, obligé de confier à des internes des responsabilités exorbitantes ou de faire revenir au service des médecins retraités (attachant Jackie Berroyer). Mais Hippocrate est avant tout une série profondément humaine, qui prend le temps de creuser des personnages plus complexes que la silhouette à laquelle les réduisent des films de quatre-vingt-dix minutes : Chloé (Alice Bourgoin), brillante et autoritaire, Alyson (Alice Belaïdi) et Hugo (Zacharie Chasseriaud) à peine sortis de l’enfance, Arben (le toujours excellent Karim Leklou), Franco-Albanais représentatif de tous ces médecins étrangers qui viennent en France exercer leur art.

Et puis, il y a Anne Consigny. Elle interprète le rôle d’une cheffe de service incroyablement compétente et compréhensive. Si d’aventure un AVC me terrassait et si, cher lecteur, vous deviez à cet instant capital me porter secours, notez ma seule instruction : c’est dans son service que je voudrais être hospitalisé.

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Le Bureau des légendes – saison 5 ★★★☆

Me voilà bien embêté : comment commencer, en en résumant le contenu comme je le fais traditionnellement , ma critique de la saison 5 du Bureau des légendes sans en dévoiler les ressorts ? Les initiés comprendront mon dilemme.

Tout le monde a entendu parler du Bureau des légendes, cette série produite par Canal plus et réalisée par Eric Rochant. Ceux qui en ont vu les quatre premières saisons, en 2015, en 2016, en 2017 et en 2018, savent déjà tout des aventures de Malotru (Mathieu Kassovitz), de Phénomène (Marina Loiseau), de Marie-Jeanne (Florence Loiret-Caille), orphelins depuis la saison 3 de Jean-Pierre Darroussin et rejoints à la saison 4 par Mathieu Amalric et à la 5 par Louis Garrel. Les autres n’ignorent pas que la série raconte les aventures d’espions français « sous légende » obligés à vivre dans le mensonge pour mener à bien les missions d’infiltration qui leur sont confiées.

Les saisons précédentes nous avaient déjà fait voyager en Iran, en Syrie, en Russie – où Guillaume Debailly alias Paul Lefebvre alias Malotru s’est retrouvé à l’ultime épisode de la saison 4 en bien périlleuse posture. La saison 5 est tout aussi cosmopolite qui nous fait visiter l’Égypte, le Yemen et le Cambodge. Le problème est que ces sauts de puce sont décousus. Là où les précédentes saisons étaient authentiquement géopolitiques, la dernière a le défaut d’être touristique.

On sent les responsables de la série hésiter depuis qu’Eric Rochant a annoncé son départ : la cinquième saison sera-t-elle la dernière ? faut-il en boucler les arcs narratifs dans un ultime épilogue ? ou en ouvrir de nouveaux pour préparer, si le succès l’appelle, les saisons suivantes ? Du coup, la cinquième saison, le cul entre deux chaises, fait un peu les deux à la fois, sacrifiant quelques personnages secondaires (dont on taira les noms sauf à se faire accuser de spoiler), ouvrant à d’autres un avenir prometteur… Un regret : la quasi-absence de Sara Giraudeau qui a cédé le devant de la scène à Florence Loiret-Caille.

Eric Rochant, donc, a quitté le navire. Il a laissé la direction des deux derniers épisodes à Jacques Audiard, sans doute l’un des tout meilleurs réalisateurs français contemporains sinon LE meilleur (Sur mes lèvres, De battre mon cœur s’est arrêté, Un prophète, Dheepan…). La France entière – ou du moins celle qui a la chance d’être abonnée à Canal – retenait son souffle lundi soir avant de les découvrir en exclusivité. Quelle ne fut sa déception ! Il suffit de lire les commentaires assassins sur les réseaux « pas si sociaux » pour s’en convaincre. Il faut dire que Rochant lui avait un peu savonné la planche en bouclant l’intrigue à la fin de l’épisode 8. Il ne restait plus à Audiard qu’à signer un long coda élégiaque, où les frontières entre la réalité et le rêve se dissipent dans l’esprit des principaux protagonistes durablement traumatisés par les 48 épisodes précédents. C’est beau comme un Requiem, sauf qu’on aimait le Bureau pour ses accents symphoniques.

PS : Une erreur subtile s’est glissée dans cette critique. L’avez-vous dépistée ?

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Kalifat ★★★☆

Pervin vit à Raqqah en Syrie avec son bébé et son mari qui a rejoint les rangs de l’État islamique. Désillusionnée, elle veut rentrer en Suède.
Pendant ce temps, à Stockholm, Sulle, une jeune lycéenne en pleine crise d’adolescence, se laisse endoctriner et prépare son départ pour Raqqa.
Le lien entre les deux jeunes femmes ? Ibbe, un terroriste sous couverture qui prépare sur le sol suédois un attentat, et Fatima, une policière coriace en conflit avec sa hiérarchie.

La radicalisation est un thème à la mode – même si la défaite de Daech fait lentement perdre à ce sujet sa brûlante actualité. Il a constitué la matière d’un grand nombre de films ces dernières années dont j’ai systématiquement fait la critique : La Désintégration, Made in France, Les Cowboys, Le ciel attendra, Mon cher enfant, Exfiltrés, Le Jeune Ahmed, L’Adieu à la nuit

J’écrivais dans l’une d’elles l’an dernier :
« Il y a deux façons de filmer la radicalisation. La première, « à l’américaine » prend le parti assumé de l’action, reconstituant (dans les sables marocains) les tentatives d’infiltration de courageux Occidentaux pour démanteler des filières jihadistes. (…) La seconde, « à la française » est plus psychologique : elle s’intéresse moins aux jihadistes syriens qu’aux effets que leur message produit en France (…). Si l’on était pédant, on dirait que cette dichotomie reproduit le débat qui oppose Gilles Kepel et Olivier Roy sur les racines de la radicalisation. Le premier – dont on retrouve les prémisses dans le cinéma « américain » – considère que l’enjeu est politique voire civilisationnel. Le second au contraire considère que la radicalisation est avant tout un processus individuel, une forme de « nihilisme générationnel ». »

Le pari réussi de Kalifat, une série suédoise en huit épisodes de cinquante-deux minutes, est de s’inscrire précisément à l’intersection de ces deux tendances. Elle décrit comment la radicalisation s’opère et nous fait ressentir l’impuissance d’un père face à un enfant qui lui échappe. Avec plus d’efficacité encore, elle entretient un suspense complexe et rebondissant.

On touche du doigt avec Kalifat la supériorité structurelle de la série sur le film. Car, en plus de six heures, qu’on peut découper à loisir, confinement oblige, l’intrigue se complique, les personnages s’épaississent (et je ne parle pas ici des spectateurs, vautrés sur leur sofa, qui prennent des kilos). Même si le scénario n’est pas toujours très crédible, il est sacrément bien huilé et nous aspire vers une conclusion implacable. À la fin du dernier épisode, l’action se clôt. C’est suffisamment rare pour être salué, certains scénaristes ayant la fâcheuse tendance, dans l’espoir de signer une saison suivante, de laisser l’intrigue en suspens. Pour autant, je lis ici ou là qu’une saison 2 de Kalifat serait à l’étude, succès de la première saison oblige.

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Au service de la France ★★☆☆

Le jeune André Merlaux (Hugo Becker) vient d’être recruté à la DGSE. Le service, dirigé d’une main de fer par le colonel Mercaillon (Wilfred Benaïche), un grand résistant, doit faire face à bien des défis : la décolonisation de l’Afrique noire, les « événements en Algérie, la Guerre froide…

Comme Le Bureau des  légendes, Au service de la France se déroule dans les couloirs de la DGSE. Mais la comparaison s’arrête là. Si la série de Canal embrasse, avec le succès que l’on sait, le parti du réalisme, celle produite par Arte, avec un budget autrement plus limité, prend celui de la parodie. À la façon de OSS 117, Au service … se moque de la France du général de Gaulle, de son patriotisme désuet, de son machisme hors d’âge…

La série est élégante et drôle. L’atmosphère des années soixante, ses costumes, ses expressions et jusqu’à son phrasé sont méticuleusement reconstitués – même si le manque de budget se ressent dans les scènes d’extérieur.

Les personnages sont truculents, qui, comme Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS 117, font preuve d’une incompétence désopilante à la mesure de leur arrogance et de leur machisme. C’est le cas notamment des trois pieds nickelés chefs de département. Mention spéciale à Jean-Edouard Bodziak dans le rôle d’un kremlinologue passablement schizophrène

L’humour fait souvent mouche. On rit au « Messieurs » lancé systématiquement par un directeur sexiste à une assemblée composée de cadres masculins et de secrétaires féminines, à l’évocation de Vichy qu’il ne faudrait pas jeter avec l’eau de Vichy (1.7.) ou à celle des électeurs fantômes du cinquième arrondissement (2.1.) – d’autant plus volontiers qu’on y vote.

Mais l’enchaînement des calembours ne suffit pas à construire un récit. L’ennui s’installe et le naufrage est évité de justesse à la fin de la première saison par l’esquisse d’une intrigue qui donne soudainement plus d’envergure aux personnages. Le falot Merlaux se révèle plus courageux qu’on le pensait et l’héroïque Mercaillon moins irréprochable qu’il n’y paraît. On se laisse du coup convaincre de regarder les douze épisodes de la saison suivante. Leur rythme enlevé (vingt-six minutes seulement) rend leur visionnage plus rapide et plus agréable. Mais quand se termine cette seconde saison, on comprend la décision des producteurs de renoncer à en réaliser une troisième.

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Occupied ★★☆☆

Dans un futur proche, en Norvège. Après que le Premier ministre écologiste a annoncé sa décision de substituer le thorium aux énergies fossiles, la Russie intervient pour forcer la Norvège à reprendre sa production de pétrole. Chaque Norvégien est placé face à un dilemme : coopérer avec le nouvel occupant ou résister ?

Romans, films, séries TV : les pays nordiques sont à la mode. Qui n’a pas aimé les films de Lars von Trier, les polars de Jo Nesbø (co-scénariste de Occupied), de Stieg Larsson ou de Arnaldur Indriðason, la série Borgen avec sa charismatique politicienne danoise ? Occupied, la plus chère série norvégienne réalisée à ce jour, exportée dans le monde entier (et désormais disponible sur Netflix) s’inscrit dans cette veine.

Occupied est une série géopolitique qui se nourrit d’une peur : le retour de la menace russe. Elle imagine, avec beaucoup de réalisme, non pas une invasion armée rythmée par le bruit des chars et des bottes, mais la mainmise sur un petit pays de son puissant voisin. D’ailleurs la menace russe a, dans la série, un visage complexe et séduisant : celui de l’ambassadrice Sidorova.

Pour lutter contre cette menace, la Norvège ne peut compter que sur ses propres forces. L’Union européenne, à laquelle Hippolyte Girardot, dans le rôle d’un commissaire européen inféodé à la toute-puissante Allemagne, prête ses traits, est la complice silencieuse des menées russes. Les États-Unis, obsédés par leur crainte d’être entraînés dans un conflit global avec la Russie, ne sont guère plus solidaires et se révèleront à la fin de la première saison des alliés bien peu fiables. Quant à l’Otan et sa clause de solidarité, c’est à peine si elle est évoquée.

Face à l’occupation russe, chaque Norvégien réagit à sa manière : le Premier ministre, son garde du corps, sa cheffe de cabinet, la directrice de la sécurité nationale, un journaliste et son épouse…. Tout l’intérêt de cette série, qui se prolonge sur trois saisons et un total de vingt-quatre épisodes, est d’éviter de figer chaque personnage dans une posture. Il n’y a pas d’un côté des collabos et de l’autre des résistants, mais des êtres humains indéterminés et changeants. Le Premier ministre Jesper Berg, remarquablement interprété par Henrik Mestad, est sans doute le plus attachant. Soucieux au premier chef de protéger son peuple, on le voit lâchement multiplier les reculades durant la première saison avant d’embrasser une posture plus lucide et plus guerrière au risque, à la fin de la deuxième, de verser dans des excès inverses.

La troisième saison vient de sortir. Ce n’est pas la meilleure. L’action est tellement rebondissante qu’elle en devient difficilement compréhensible. Aucune saison supplémentaire n’est prévue.

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Peaky Blinders ★★★☆

À Birmingham, dans les années vingt, un gang de gitans, les Peaky Blinders, pratique le racket et l’extorsion. À sa tête Tommy Shelby, un ancien soldat démobilisé, et ses trois frères.

J’ai découvert sur le tard Peaky Blinders, la série de la BBC lancée en 2013, diffusée en France à partir de 2015 sur Arte et aujourd’hui disponible sur Netflix.
Pourquoi ce retard ? Pour une raison idiote : le titre, dont je n’avais pas compris le sens, m’évoquait plus une bluette romantique qu’un film de gangsters en costume d’époque. Or si je goûte modérément les bluettes romantiques, j’aime beaucoup les films de gangsters, surtout s’ils se déroulent dans l’entre-deux guerres, une période qui décidément attire les scénaristes : Les Incorruptibles, Boardwalk Empire, Downton Abbey, Upstairs Downstairs

Peaky Blinders embrasse un parti pris artistique audacieux. Les pieds ici, les oreilles ailleurs.
La série a les pieds solidement ancrés dans la boue sale et le goudron poisseux du Birmingham industrieux des années vingt. Sa reconstitution est méticuleuse. Les costumes sont soignés, les gangsters ayant eu la réputation d’être d’une élégance toute particulière. L’arrière plan historique est là avec la guerre civile irlandaise, l’ombre tutélaire de Winston Churchill, le krach de Wall Street en 1929 et la montée du fascisme anglais de Oswald Mosley.
Mais le parti pris retenu est celui d’une bande son volontiers anachronique, avec, en figure de proue, le générique rock alternatif de Nick Cave Red Right Hand.

Je suis tombé sous le charme de l’acteur principal, Cilian Murphy, au regard bleu d’acier, à la volonté implacable, au calme jupitérien. Voilà vingt ans qu’on croise cet acteur irlandais sans toujours le reconnaître (28 jours plus tard, The Dark Knight, Inception, Dunkerque…). Il est plus que temps que son nom soit salué. Les acteurs qui l’entourent sont tout aussi remarquables, avec une mention spéciale pour Paul Anderson dans le rôle du frère aîné, un chien fou, sec comme une trique, incapable de contrôler les bouffées de violence qui le submergent.

La série compte à ce jour cinq saisons de six épisodes chacun. Deux restent à tourner qui conduiront les héros au seuil de la Seconde guerre mondiale. J’en salive d’impatience.

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The Good Wife – Saison 1 ★★☆☆

Épouse aimante du procureur de Chicago, mère de famille attentionnée, Alicia Florrick voit sa vie exploser quand l’adultère de son mari est révélé et quand des accusations de corruption conduisent à son incarcération. L’ancienne avocate qui avait arrêté de travailler pour se consacrer à sa famille se voit obligée à la quarantaine de reprendre du service. Elle est recrutée dans une grande firme de Chicago dont l’un des deux associés est un ancien camarade d’université.

The Good Wife est une série iconique. Lancée en 2009, elle a connu sept saisons, pas moins de cent cinquante-trois épisodes et une diffusion quasi-universelle (aux États-Unis sur CBS et en France sur M6 et Téva). La série et son actrice principale, Julianna Margulies, ont remporté un nombre impressionnant de récompenses. Un spin-off a même été lancé en 2017, The Good Fight, dont on dit qu’il est aussi bon sinon meilleur que The Good Wife lui-même.

Il est vrai que The Good Wife fonctionne terriblement bien. Chaque épisode de quarante-trois minutes tapantes est réglé comme du papier à musique. On y voit un procès se dérouler à tout berzingue et se conclure le plus souvent à l’avantage d’Alicia, servie par sa maîtrise du droit, son intelligence émotionnelle et l’assistance souvent précieuse de Kalinda, une détective privée aux méthodes peu conventionnelles. Parallèlement, et à un rythme beaucoup plus lent, la situation familiale d’Alicia évolue, écartelée entre l’impossible pardon du comportement de son mari et l’attirance qu’elle éprouve pour le beau et preux Will Gardner.

Cette recette bien éprouvée est le principal atout de la série dans laquelle on se glisse, au début de chaque épisode, comme on le ferait dans de confortables charentaises. Mais, le temps passant, cette répétition métronomique devient son principal défaut : une fois qu’on a terminé la première saison, et quelque grand le plaisir qu’on y ait pris, on ne voit guère l’intérêt de regarder les cent-trente épisodes suivants, sans doute tout aussi rebondissants mais probablement similaires.