Les Indestructibles 2 ★★☆☆

La famille Parr, toujours prête à sauver le monde avec ses super-pouvoirs et ses costumes en élastimère, est de retour : les parents Bob et Hélène, les enfants Violette, La Flèche et Jack-Jack. Mais le monde n’est toujours pas prêt à lui faire une place, qui met les super-héros et leurs encombrants pouvoirs au ban de la société. Jusqu’à ce qu’un milliardaire les prenne sous son aile et décide de les réhabiliter. Mais, pour y parvenir, il veut mettre Hélène en avant, reléguant Bob aux tâches ménagères.

Quatorze ans après son premier opus, Les Indestructibles (pourquoi cette traduction de The Incredibles ?) est de retour, au point exact où il s’était arrêté, comme si le temps n’avait pas de prise sur les personnages inventés par Brad Bird, à la fois futuristes et vintage. Les critiques qui ont accueilli ce deuxième – car on ne doute pas qu’il y en ait un troisième – volet sont si élogieuses, le succès public si écrasant (bientôt six millions de spectateurs ce qui en fait le plus gros box office de l’année ex aequo avec Les Tuche 3) que c’est en tremblant qu’on soulèvera quelques réserves.

La première est structurelle : encore une suite. Une suite réalisée par ces studios Pixar qui s’étaient engagés à ne pas en faire et à concentrer leurs efforts sur la création originale. Mais la tentation était trop grande – et le succès trop prévisible – pour y résister. On invente donc une suite aux aventures de la gentille famille Parr.

Pour faire un film, il faut un scénario. On lit ici ou là que celui-ci est hors pair. Il nous a au contraire semblé d’une affligeante banalité. Il met des heures à s’ébranler, le temps d’une première séquence censée faire le lien avec l’épisode précédent – tant pis pour ceux qui l’ont oublié depuis belle lurette et chez qui cette première séquence n’éveillera aucun écho. Il convoque un Méchant, d’autant moins énigmatique qu’on a tôt fait de deviner son identité. Il multiplie les scènes d’action, dont là encore, on affirme, qu’on en a jamais vues d’aussi époustouflantes (Elastigirl contre le train fantôme) qui nous ont, au contraire semblé interminables et dont on sait sans risque de se tromper comment elles s’achèveront : Elastigirl sauvera de justesse le train et ses passagers innocents.

Et il y a la famille Parr, le principal argument de vente des Indestructibles. Mélanger super-héros et famille nucléaire nord-américaine middle-class était le coup de génie de Brad Bird. On était tombé sous le charme et – avouons-le quoi qu’il nous en coûte – on était ravi de les retrouver. Les parents, Rob et Hélène, sont joyeusement complémentaires, autant que leur morphologie est déroutante : il est taillé comme un champion de culturisme et elle a des fesses de danseuses de twerk. On voudrait nous faire avaler Les Indestructibles 2 comme un brûlot féministe qui renverse les préjugés de genre, donnant à la gentille épouse le premier rôle et reléguant le mâle macho aux fourneaux. Les enfants vivent, chacun à leur stade, les affres de leur âge : Violette est amoureuse, La Flèche peine sur ses exercices de maths et Jack-Jack teste ses premiers pouvoirs. Le problème est que c’est le troisième qui pique la vedette aux deux premiers – pourtant très justement croqués – au point de devenir, comme Scrat, l’écureuil de L’Âge de glace, le héros du film.

Reste la musique jazzy de Michael Giacchino, les voix incroyables de Holly Hunter (Hélène) et de Sarah Vowell (Violette) et le générique de fin. Mais cela ne suffit pas à faire de cette suite le chef d’œuvre que d’aucuns ont bien hardiment célébré.

La bande-annonce

Venom ★☆☆☆

À San Francisco, Eddie Brock (Tom Hardy) est un journaliste d’investigation qui enquête sur les pratiques occultes de la puissante Life Foundation. Son PDG Carlton Drake (Riz Ahmed) s’est lancé dans l’exploration spatiale. L’une de ses navettes a rencontré des formes de vie inconnues et les ramènent sur la Terre. L’un des échantillons disparaît lors du crash de la navette en Malaisie. Un autre parvient à San Francisco où Carlton Drake le soumet à des expérimentations.

Venom est tourné par les studios Sony « en association avec Marvel ». Les mots ont leur importance : il s’agit pour Sony, qui détient les droits sur Spiderman et ses personnages secondaires, de lancer une nouvelle franchise. Venom ressemble à un Marvel (en empruntant aux personnages les plus connus de l’univers) ; Venom a le goût d’un Marvel (pré-générique et cameo de Stan Lee inclus) ; mais Venom n’a hélas pas la qualité d’un Marvel.

Car Venom, malgré l’énormité de son budget et l’envahissante campagne publicitaire qui a accompagné sa sortie aux États-Unis et en Europe, est avant tout un énorme ratage. La raison en est simple : Venom ne sait pas sur quel pied danser.

À lire son pitch on imagine volontiers l’histoire d’une invasion terrifiante de monstres extra-terrestres, d’horribles créatures gélatineuses qui prennent forme humaine pour subvertir l’humanité. Un budget de cent millions de dollars n’a pas été dépensé en vain : les effets spéciaux pour peindre les symbiotes sont particulièrement réussis. Mais très vite Venom quitte le terrain de l’horreur et du fantastique. Il fait un détour interminable par la romance en lestant Eddie Brock d’une encombrante fiancée (Michelle Williams qui fut si jolie mais qui ne l’est plus). Et il sombre dans la comédie façon Deadpool.

Le comique est censé provenir du personnage éponyme. Venom naît de l’union du symbiote extra-terrestre #998 et d’Eddie Brock. Loin de parasiter son hôte, le symbiote va former avec lui une équipe. Mais la coordination entre les deux ne va pas toujours de soi et leur dialogue et leurs maladresses voudraient faire rire. Cette situation est la même que celle du héros de Upgrade sorti une semaine plus tôt seulement dont l’acteur principal, Logan Marshall Green, n’est pas sans ressemblance avec Tom Hardy. La coïncidence est troublante. Elle donne la fâcheuse impression que le cinéma hollywoodien manque cruellement d’imagination.

La bande-annonce

Mary Shelley ★☆☆☆

Mary Goodwin (Elle Fanning) a seize ans quand elle rencontre le poète Percy Shelley (Douglas Booth) aux idées volontiers radicales. La jeune femme, qui vit mal la mort de sa mère et la présence étouffante de sa belle-mère, en tombe éperdument amoureuse et prend la fuite avec lui. Mais les désillusions s’accumulent : le poète est marié, infidèle, couvert de dettes. Mary se réfugie dans l’écriture et relève le défi que Lord Byron (Tom Sturridge) lui lance à l’occasion d’un séjour en Suisse.

Fans de Frankenstein, passez votre chemin. Mary Shelley n’est pas pour vous. Il n’y est pas question de littérature fantastique mais de condition féminine. C’est tout le problème de ce film en costumes qui louche plus vers Jane Austen ou Emily Brontë que vers Bram Stoker ou Edgar Poe.

De quoi s’agit-il ? D’une enfant passionnément attachée à son père qui ne réussit à vivre en adéquation avec les principes qu’il lui a transmis qu’en le quittant. D’une écrivain.e en devenir qui découvre dans les affres de la vie la matière de son inspiration artistique. D’une femme qui s’émancipe par les hommes tout en étant la victime de leur égoïsme.

Le sujet était alléchant. Mais il est traité sans talent par Haifaa Al Mansour, une realisatrice qu’on avait connue mieux inspirée dans Wadjda, le premier film jamais tourné en Arabie saoudite. Et ce n’est pas Elle Fanning – pour laquelle j’ai déjà témoigné ici d’une adoration suspecte – qui parvient à sauver ce biopic académique du conformisme dans lequel il s’enfonce doucement. Paradoxe rédhibitoire pour une personnalité dont la vie et l’œuvre se construisirent en rupture avec son temps.

La bande-annonce

Il se passe quelque chose ★★☆☆

Deux femmes, la cinquantaine, se rencontrent par hasard sur le pont d’Avignon. Irma (Bojena Horackova), d’origine bulgare, désespérée par la mort de son mari et la perte de son emploi, veut mettre fin à ses jours. Dolores Lola Duenas), pétillante Espagnole missionnée en Provence pour y rédiger un guide touristique gay friendly, la prend sous son aile protectrice.

L’affiche du film et sa bande-annonce laissent présager un Thelma et Louise à la française : l’amitié de deux femmes en rupture de ban sillonnant la Provence à bord de leur décapotable. Mais la réalisatrice Anne Alix nous surprend là où on ne l’attendait pas.

Elle tourne un faux documentaire sur un territoire qu’avait arpenté avant elle Jean Rolin dans un de ses carnets de voyage intitulé Les Evénements sorti en 2015. Il s’agit de la zone industrielle qui s’étend entre Martigues et la Camargue, à l’embouchure du Grand Rhône : une zone de marais salants où les Trente Glorieuses ont vu pousser des usines sidérurgiques et pétrochimiques. Nos deux fugueuses s’arrêtent chez des pêcheurs, dans un restaurant, dans un karaoké. Elles y font des rencontres hautes en couleurs : un Khmer qui a fait fortune dans l’élevage de crevettes en Guyane avant de tout perdre, une diseuse de bonne aventure, un jeune dragueur en mal de cougars, des réfugiés en pagaille fuyant leur pays pour une vie meilleure… Au contact de la radieuse Dolores la timide Irma se reconstruit lentement, rencontre un amoureux, trouve un travail sur le port.

La délicatesse du jeu de ses deux actrices et du regard que porte sur elles la réalisatrice sont pour beaucoup dans le charme de Il se passe quelque chose. Mais à force de retenue et de pudeur, ce road movie provençal frôle l’inconsistance.

La bande-annonce

Le Pape François – Un homme de parole ★☆☆☆

Le pape François. Wim Wenders. Affiche attrayante pour le cinéphile, pour le croyant et, plus largement, pour tous ceux qu’intéresse la personnalité du 266ème Souverain pontife, le premier pape du Nouveau monde, le premier venu de l’hémisphère Sud, le premier Jésuite, le premier à avoir choisi le prénom de François d’Assise.

Sans doute le croyant, conquis d’avance, ressortira-t-il de la salle plus convaincu encore – sauf à appartenir aux franges les plus conservatrices de l’Église que le modernisme du nouveau pape pourrait effrayer. Car François a de quoi séduire. Il a le sourire généreux, l’œil malicieux. Surtout il tient un discours d’une humanité bouleversante qui résonne avec les défis de notre temps sans rien renier au dogme. Chaussant les bottes de Jean-Paul II, son antéprédécesseur – dont pourtant il n’évoque jamais la mémoire – il parcourt le monde, de Bangui à Philadelphie, de Jérusalem à Rio à la rencontre des plus humbles et des plus puissants (on voit défiler dans le bureau du pape Obama, Trump, Poutine et Erdogan – mais ni François Hollande ni Emmanuel Macron).

L’observateur lucide de la papauté analysera le contenu de ce documentaire comme le témoignage de ce que son service de relations publiques entend laisser voir au monde. Il ne s’agit pas en effet d’un biopic qui raconterait la vie de Jorge Mario Bergoglio mais plutôt d’un exposé méthodique des grands dossiers dont le pape s’est saisi : la pauvreté et l’inégalité des revenus, l’environnement, la famille, l’immigration… François est filmé seul. On ne le voit jamais entouré de ses collaborateurs. Cette présentation, si elle est cohérente avec l’objet du documentaire qui a le pape pour héros, renvoie de la papauté, qui repose sur un seul homme, une image paradoxalement fragile

Les sujets les plus polémiques ne sont pas tus. En réponse à une question sur le « lobby gay », François affirme que les homosexuels sont des enfants de Dieu et doivent être traités avec amour. Au sujet des prêtres pédophiles il prône une tolérance zéro – qu’on aimerait voir mise en pratique avec la même fermeté que celle avec laquelle il la promet. Seule sortie de route : les femmes dont la « complémentarité » (sic) avec les hommes est vantée, François renvoyant dos à dos « machistes et féministes » (re-sic).

Reste le cinéphile, laissé pour compte. On se pince de voir la signature de Wim Wenders sous cette œuvre de propagande, ce documentaire convenu, qu’on croirait tout droit sorti du  Centro Televiso de Vaticano. Où est passé le réalisateur si prometteur de Paris Texas et des Ailes du désir ? Pourquoi a-t-il abandonné la fiction pour le – mauvais – documentaire ?

La bande-annonce

L’Ombre d’Emily ★★☆☆

Stephanie Smothers (Anna Kendrick) est une jeune veuve qui, dans une petite ville du Connecticut, consacre toute son énergie à l’éducation de son fils et à l’animation de son vlog, un blog illustré de vidéos présentant à d’autres mères de famille ses meilleures recettes de cuisine. Elle tombe immédiatement sous l’emprise de Emily Nelson (Blake Lively), une femme dont le style, l’emploi chez un grand couturier new yorkais et la maison ultra-moderne sont aux antipodes de la vie rangée de Stéphanie.
Mais Emily disparaît brutalement. Stephanie se lance à sa recherche.

Une femme disparaît… Le thème n’est pas nouveau. Hitchcock en avait même fait le titre de l’un de ses films d’avant-guerre. Récemment, David Fincher y consacra un film Gone Girl et le livre de Paula Hawkins, adapté à l’écran avec Emily Blunt et Rebecca Ferguson, La Fille du train, connut un immense succès.

La « disparition » dont il est question, on le sait par avance, appelle une « réapparition ». Il s’agit donc d’une histoire à tiroirs avec son lot de révélations et de rebondissements. Ce n’est hélas pas le point fort de cette Ombre d’Emily, les motifs de la disparition d’Emily et la façon dont elle réapparaîtra – dont on ne peut évidemment rien dire – étant particulièrement abracadabrantesques.

Mais l’intérêt du film est ailleurs, dans le duo formé par les deux actrices qui se partagent l’affiche. Blake Lively, d’une froide élégance, n’a jamais été aussi sexy ni aussi venimeuse. Mais c’est surtout Anna Kendrick qui crève l’écran. On l’avait déjà remarquée en 2010 dans In the Air un film de Jason Reitman avec George Clooney. Elle avait confirmé son potentiel comique dans The Hit Girls et ses suites (Pitch Perfect 2 et 3). Elle est épatante dans ce film entièrement tourné de son point de vue : mère de famille voulant bien faire, coincée dans la médiocrité de sa vie d’Américaine moyenne, dont l’ingénuité et les maladresses burlesques la rendent immédiatement attachante…

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En mille morceaux ★☆☆☆

Nicole Parmentier (Clémentine Célarié) est une mère brisée. Il y a vingt-cinq ans, son fils Nicolas, âgé de dix ans à peine, a été tué en colonie de vacances par Olivier (Serge Riaboukine). Condamné à trente ans de prison, il est libéré grâce à une réduction de peine.
Nicole le convainc de la rencontrer pour solder les comptes du passé.

Voici un film déroutant et pour tout dire décevant. Quand il commence brutalement, mettant face à face une mère hystérique et l’assassin de son fils dans une cave encombrée de mille et un objets disparates, on en imagine immédiatement les deux rebondissements possibles. Premièrement, la mère va se montrer violente, harceler l’assassin de son fils pour obtenir les aveux qu’il n’a jamais livrés, le torturer peut-être voire l’assassiner. Deuxièmement, l’assassin va faire d’étonnantes révélations pour s’innocenter qui jetteront le trouble dans l’esprit de la mère vengeresse et la conduiront à revivre le drame d’il y a vingt-cinq ans et à lui donner un autre sens.

Rien de tout cela dans ce huis clos minimaliste, dans cet interminable face à face auquel Véronique Mériadec et son chef opérateur essaient tant bien que mal de donner un peu de nerf en dopant le montage. Premièrement, Olivier, enfant abusé puis adolescent à la dérive, est sans doute possible l’auteur du meurtre de Nicolas. Il l’a avoué aux policiers et l’a répété devant la cour d’assises. Ce drame a brisé sa vie et il le regrette amèrement. Deuxièmement, Nicole cherche moins la vengeance que le pardon. Tout s’éclairera avec le générique de fin qui explique les principes de la justice restaurative ou réparatrice qui prône le dialogue entre les criminels, les victimes et leurs familles. Elle ferait chuter les taux de récidive et permettrait aux victimes de trouver la paix.

La tension du film est désamorcée par ces cartons pachydermiques. On se croyait dans un huis clos à tiroirs façon Garde à vue ou Le Limier ; on se retrouve dans une pub du ministère de la justice.

La bande-annonce

Upgrade ★★☆☆

Dans un futur proche où l’intelligence artificielle a envahi notre quotidien, Grey et Asha Trace forment un couple épanoui jusqu’à l’assassinat d’Asha par une bande de voyous sous les yeux de son mari laissé pour mort. Devenu tétraplégique, Grey plonge dans la dépression avant de rencontrer Eron Keen, un milliardaire qui lui propose un implant qui lui rendra l’usage de ses jambes et « upgradera » ses capacités physiques.

Le pitch de Upgrade et sa bande-annonce sont trompeurs. À le lire, on pourrait penser qu’il s’agit d’un revenge movie façon John Wick ou Death Wish, qui raconte la traque par Grey des assassins de sa femme et leur élimination méthodique. À la voir, on imagine plutôt un film de super-héros façon L’homme qui valait trois milliards ou Spiderman où un citoyen ordinaire se voit soudain doté de super-pouvoirs.

De façon surprenante, Upgrade bifurque dans une autre direction. Loin d’être drôle, sinon dans quelques scènes de combat où Grey laisse le contrôle de son corps à Stem, la puce électronique qui le dirige, Upgrade est un film étonnamment sombre qui traite frontalement, et pas seulement pour en faire le prétexte d’une soif de vengeance, le chagrin d’un veuf et le désarroi d’un tétraplégique.

Loin du happy end attendu et convenu, Upgrade ne se termine pas comme on l’imaginait. Ce dénouement d’une rare noirceur donne tout son sens au film dont on comprend qu’il s’agit d’une vision désespérée d’un monde futuriste où les machines ont progressivement pris le pouvoir. Le thème n’est pas nouveau depuis Terminator et Matrix ; mais Upgrade a le mérite de s’y frotter plutôt que de suivre les voies toutes tracées qui s’ouvraient devant lui.

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Chris The Swiss ★★★☆

Christian Wurtemberg était suisse. Journaliste de guerre, il avait rejoint la Croatie en octobre 1991. Il trouva la mort dans des circonstances mystérieuses en Slavonie, sur le front serbe, après avoir rallié un groupe de volontaires internationaux.
Anja Kofmel avait dix ans à peine lorsque son cousin est mort. Devenue réalisatrice, elle mène l’enquête sur sa mort en interviewant sa famille et en se rendant en Croatie.

« Chris the Swiss » était le surnom bon enfant donné à Christian Wurtemberg dans les rangs de la milice croate qu’il avait ralliée. C’est le titre bon enfant d’un film exceptionnel. Il s’agit d’un documentaire qui raconte une « guerre sale », celle qui opposa la Serbie et la Croatie au moment de la Yougoslavie. Il le fait par la bouche de la réalisatrice qui se met volontiers en scène dans sa quête, sans jamais verser dans l’exhibitionnisme ou le sentimentalisme. Pour les scènes de flash-back, elle a eu un coup de génie. Au lieu de les faire jouer par de mauvais acteurs dans des décors vaguement reconstitués, elle a eu l’idée de les dessiner, dans un style expressionniste qui rappelle inévitablement Valse avec Bachir.

Ce mélange entre images documentaires et animation n’est pas une nouveauté. Des films aussi excellents que Couleur de peau : miel (sur l’enfance d’un jeune Coréen adopté par une famille belge) ou Le Voyage de Monsieur Crulic (sur la mort d’un Roumain dans une prison polonaise) l’avaient déjà utilisé. Mais il est utilisé ici avec un parfait équilibre.

Volontiers pédagogue, Chris the Swiss nous raconte un épisode méconnu de l’éclatement de la Yougoslavie, qui précède le siège de Sarajevo et la guerre en Bosnie. Et Chris the Swiss nous touche par l’évocation du destin funeste de ce jeune journaliste, intelligent et sensible, qui découvrit à ses dépens que la guerre n’est jamais belle.

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Rafiki ★★☆☆

Kena et Ziki vivent dans le même quartier de Nairobi mais tout les sépare. Autant Kena, avec sa poitrine plate, ses pantalons informes et ses loisirs de garçon, est masculine ; autant Ziki, ses tresses afro, ses robes colorées et ses courbes girondes, est féminine. La première est d’origine modeste alors que la seconde appartient à la classe moyenne. Leurs pères s’affrontent aux prochaines élections locales.
Elles éprouvent l’une pour l’autre une attraction immédiate et irrésistible. Mais l’homosexualité est mal vue au Kenya : elle est punie par la loi et condamnée par l’Église.

Rafiki arrive sur nos écrans précédé d’une réputation sulfureuse. Ce film, programmé à Cannes dans la section Un certain regard puis à Cabourg, a été censuré par la Commission kenyane de classification. La décision administrative a été partiellement censurée par la Haute Cour du Kenya qui a autorisé sa diffusion pendant une semaine dans une salle commerciale – condition nécessaire et suffisante pour que Rafiki puisse concourir à l’Oscar du meilleur film étranger.

Il n’y a pourtant pas de quoi choquer grand monde dans ce film romantique et girly, si ce n’est que le couple qu’il met en vedette est homosexuel. Aucune provocation, aucun prosélytisme. La romance qui les unit est très chaste et aucune scène de sexe n’est filmée, aucune nudité dévoilée. Le film est tous publics en France et c’est justice.

La réalisatrice Wanuri Kanui raconte une histoire universelle qui pourrait se dérouler sous n’importe quelle latitude. Qui espérait voir (ou revoir) Nairobi serait bien déçu : les décors d’une banlieue sans caractère, ni huppée ni miséreuse, sont à mille lieux de tout exotisme.

Si Rafiki avait été l’œuvre d’un réalisateur européen ou américain, on ne s’y serait pas arrêté sinon pour lui reprocher son manque d’originalité. Mais venant d’un pays dont la production cinématographique est bien chiche, traitant d’un sujet qui y est encore tabou et tombant, pour ce motif, sous le coup d’une censure qui nous semble, vu d’Occident, bien obscurantiste, Rafiki retient notre attention pour des motifs qui n’ont pas grand chose de cinématographique.

La bande-annonce