Pauvres créatures ★★★☆

À Londres à l’époque victorienne vit le docteur Godwin Baxter (Willem Dafoe). Le corps mutilé par les expériences pratiquées sur lui par son propre père, il mène à son tour des expériences monstrueuses sur des animaux comme sur des humains. Il a repêché dans la Tamise le corps d’une suicidée et l’a ramenée à la vie en lui greffant le cerveau du foetus encore en vie qu’elle portait. La jeune femme, baptisée Bella (Emma Stone) présente l’apparence d’une adulte formée mais a la maturité d’un nouveau-né. Le docteur Baxter s’adjoint un de ses élèves de la faculté de médecine, Max McCandles (Ramy Youssef) pour veiller sur le développement de la jeune ingénue. Mais, avide de découvrir le vaste monde, Bella trompe leur surveillance pour s’enfuir avec un coureur de jupons, Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo). Les voilà partis pour un long voyage.

Yórgos Lánthimos est, comme son nom l’indique, un réalisateur grec qui, depuis une quinzaine d’années s’est fait un nom dans le monde du cinéma. Ses premières oeuvres tournées en Grèce lui ouvrent les portes de Hollywood. The Lobster, Mise à mort du cerf sacré, La Favorite et aujourd’hui Pauvres créatures, adapté d’un roman culte de l’auteur écossais Alasdair Gray, lui valent un succès grandissant et portent la marque d’un cinéaste unique, post-moderne, aux trouvailles formelles étonnantes, posant sur le monde et ses dérives un regard volontiers buñuelien

Pauvres créatures est servi par deux atouts exceptionnels. Le premier est ses décors rétro-futuristes d’une artificialité revendiquée, qui rappellent les dessins animés de Miyazaki. Le second, c’est Emma Stone qui démontre, si besoin en était, qu’elle est l’une des actrices les plus douées et les plus culottées de sa génération. Elle n’a pas volé le Golden Globe qu’elle vient de recevoir et décrochera peut-être l’Oscar pour ce rôle.

Pauvres créatures est sans conteste le film le plus ambitieux et le plus réussi de ce début d’année. Il a le format – 2h21 – et le souffle des chefs d’oeuvre. Pour autant, il fait partie de ces films qui sur le coup nous clouent à nos sièges mais qui, après un temps de décantation, autorisent quelques réserves. La première est peut-être le manque de rythme de ce récit picaresque qui nous fait voyager autour de l’Europe, de Lisbonne à Paris en passant par Alexandrie et une longue croisière en Méditerranée, autant d’étapes sagement alignées, auxquelles on aurait pu en rajouter une ou deux ou en retrancher autant sans rien ajouter ni ôter à l’économie du récit.
La seconde est plus sérieuse. À la réflexion, Pauvres créatures m’a paru être un film faussement transgressif. Sans doute son héroïne, qui se moque des conventions, est-elle un sacré personnage de cinéma comme on n’en a jamais vu (je ne suis qu’à moitié convaincu par le parallèle tracé par Jacques Mandelbaum dans Le Monde avec le personnage de Dustin Hoffman dans Rain Man). On se demande pendant plus d’une heure où le film veut nous mener, quel message il entend délivrer. On le découvre bientôt : c’est un récit d’émancipation féminine sinon féministe. Un sujet bien conventionnel pour un film qui revendique de ne pas l’être.

La bande-annonce

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