Burning Days ★★☆☆

Emre, un jeune procureur, est nommé dans un petit bourg au fin fond de l’Anatolie. Les élections municipales s’y préparent alors que la canicule et la pénurie d’eau y échauffent les esprits. Invité à dîner chez le fils du maire, Emre, assommé par l’alcool et peut-être drogué, sombre dans l’hébétude. Au matin, il apprend que la jeune gitane qu’il a croisée à ce dîner a été violée.

Burning Days est un film qui dénonce la corruption des élites en Turquie. Il emprunte pour ce faire, avec une redoutable efficacité, la forme du polar, mettant en scène un juge qui mène une enquête sur un crime auquel il a peut-être été associé. La recherche du criminel par la police va de pair avec les efforts désespérés du procureur de reconstituer le souvenir de cette nuit chaotique.

Le problème de Burning Days est que le polar devient tellement captivant que la dénonciation des élites corrompues se réduit finalement à un prétexte ou à une toile de fond.
Autre défaut de ce film : son rythme pas assez nerveux qui étire sur plus de deux heures une intrigue qui aurait été diablement plus efficace si elle avait été réduite d’un quart.

La bande-annonce

Normale ★★☆☆

À cause de la mort de sa mère dans un accident de moto et de l’aggravation inexorable de l’état de santé de son père (Benoît Poelvoorde), malade d’une sclérose en plaques, Lucie (Justine Lacroix), quinze ans, se voit privée de son adolescence. Son père n’en étant plus capable, elle doit gérer les tâches quotidiennes, la cuisine, le ménage, son pilulier, avant de courir au collège. D’autant qu’une menace plane sur elle : être placée par les services sociaux.

Normale fait partie de ces petits films français, comme il en sort treize à la douzaine : Quand tu seras grand, La Plus Belle pour aller danser, Sage-Homme, À la belle étoile, Les Petites Victoires, etc. Je ne serais pas allé le voir si une amie ne me l’avait pas chaudement conseillé. Je me demande d’ailleurs quelle est l’économie de ces films que je vois défiler sur les écrans et en disparaître deux semaines à peine après leur sortie. Eu égard au nombre de spectateurs en salles qu’ils attirent, sont-ils des désastres financiers ? Ou bien réussissent-ils à atteindre la rentabilité grâce aux rediffusions télévisées que leurs acteurs souvent encore bankables leur garantissent ? Ou bien encore le financement du cinéma français est-il si généreux que leur rentabilité est assurée quelle que soit leur audience ?

Toujours est-il que Normale a dénoncé mon pronostic et fait mentir mon cynisme. L’histoire de cette ado dévouée à son père malade, qui aurait pu verser dans le misérabilisme mais n’y tombe jamais, m’a ému. L’humour tendre de ce teen movie m’a fait sourire. Et même l’histoire d’amour un peu mièvre qui rapproche Lucie d’un camarade de classe est touchante.

Le mérite en revient à un scénario bien écrit et surtout à un duo d’acteurs impeccables. Benoît Poelvoorde, qui au physique sinon, espérons-le, au moral, est en train de se depardieuser à grande vitesse, se bonifie avec l’âge, comme les grands vins, dans le registre de la tragicomédie. Mais la révélation du film, c’est la jeune Justine Lacroix, qui n’a pas le charme et la fraîcheur qu’on escompte de cette catégorie d’actrices mais qui, contre toute attente, se coule à merveille dans le rôle pas si évident d’une ado obligée par la force des choses de monter en graine plus vite qu’elle ne le devrait.

La bande-annonce

Sur l’Adamant ★★☆☆

L’Adamant est une péniche amarrée en bord de Seine, dans le douzième arrondissement, au pied du quai de la Rapée, qui accueille depuis 2010 des malades souffrant de troubles psychiques. Nicolas Philibert, sans doute le plus grand documentariste français, devenu célèbre grâce à Être et avoir (2002), y a posé sa caméra pendant sept mois à la rencontre des patients. Son intérêt pour la psychothérapie institutionnelle – qui met l’accent sur la dynamique de groupe et la relation entre soignants et soignés – n’est pas nouveau. Il avait consacré un précédent documentaire à la clinique de La Borde en 1995 et aux méthodes novatrices du Dr Oury.
Auréolé de l’Ours d’or qu’il a obtenu au dernier festival de Berlin et des lauriers que lui a tressés sa présidente Kristen Stewart, Sur l’Adamant est sorti en salles cette semaine et attire un public nombreux.

Cette curiosité est méritée. Nicolas Philibert n’a pas son pareil pour laisser traîner sa caméra et susciter les confidences. On pourrait craindre son voyeurisme, surtout face à des personnages fragilisés. Mais rien n’est plus empathique que le regard qu’il porte sur les doux dingues qu’il filme et dont il interroge la différence : qu’est-ce qu’être « normal » nous demandent François, qui donne une interprétation incarnée de La Bombe humaine de Téléphone, Frédéric et sa curieuse dégaine à la Houellebecq, Muriel à la gouaille de titi parisien ?
Le seul défaut de ce documentaire est son manque de linéarité. Sur l’Adamant qui aurait pu, sans conséquence, durer une heure de plus ou de moins, tourne en rond et nous mène un peu en bateau. Nicolas Philibert s’en justifie dans le dossier de presse : « J’ai toujours aimé improviser, et avec le temps, l’improvisation est devenue pour moi comme une nécessité éthique. Ne rien expliquer, surtout. Ne pas assujettir son film à un programme, à un ‘vouloir-dire’ préalable. Ne pas chercher à filmer utile. Traquer toute trace d’intentionnalité ». On adhèrerait volontiers à cette idéologie si elle n’ouvrait la porte à toutes les paresses. À force de ne vouloir rien démontrer, Sur l’Adamant court le risque de ne pas montrer grand chose qu’on n’ait déjà vu dans sa bande-annonce.

Sur l’Adamant est le premier volet d’un triptyque consacré à la psychiatrie. Le deuxième se déroulera à l’hôpital Esquirol à Charenton ; le troisième filmera des visites domiciliaires. Ils sortiront dans les mois à venir.

La bande-annonce

Chien de la casse ★★☆☆

Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quénard) sont inséparables depuis la sixième. Mais tout se dérègle entre eux à l’arrivée d’Elsa (Galatea Bellugi).

Chien de la casse est un premier film d’une étonnante maîtrise. Loin des banlieues multiethniques et de ses voyous en mal d’intégration ou des déserts ruraux et de ses fermiers écrasés de dettes, il décrit un milieu rarement filmé, celui de la jeunesse pauvre, blanche et désœuvrée de la France périphérique, qui tue son ennui en faisant tourner un joint arrosé de bières sur la place d’un bourg en train de se vider de ses habitants.

Chien de la casse doit sa réussite à son trio d’acteurs et au premier chef à l’étonnant Raphaël Quénard. On l’avait découvert il y a deux ans dans Fragile. Depuis il a eu des petits rôles dans Novembre, Coupez ! ou Je verrai toujours vos visages. Mélange paradoxal de Jim Carrey pour la veine comique et Patrick Dewaere pour l’intensité dramatique, son talent éclate en tête d’affiche dans le rôle en or d’un jeune marginal, condamné après la mort de son père à porter à bout de bras une mère dépressive, avec pour seule compagnie un pitbull et un ami d’enfance qu’il martyrise.

Car l’amitié qui unit Miralès et Dog est ambiguë, toxique, presque malaisante. Miralès écrase de son bagout son ami taiseux. Pire, il l’humilie sans pour autant que Dog se cabre. L’arrivée d’Elsa bouleverse l’économie de leur relation.
Anthony Bajon est, comme toujours (Un autre monde, Une jeune fille qui va bien, La Troisième Guerre, Au nom de la terre, La Prière, La fête est finie), excellent dans ce rôle ingrat, tout en silence et en demi-teinte. En revanche, Galatea Bellugi dont on connaît le talent (Tralala, Une jeunesse dorée, L’Apparition, Réparer les vivants, Keeper…), est sacrifiée dans un rôle où elle n’a pas grand chose à dire ni à faire.

La bande-annonce

La Conférence ★★☆☆

Le 20 janvier 1942 se réunissent à Berlin, dans la villa Marlier, sur les bords du Wannsee, quinze hauts dignitaires du Reich, civils et militaires, sous la présidence de Reinhardt Heydrich, le chef de l’Office central de la sûreté du Reich. Les participants, convoqués par le maréchal Göring, se répartissent en trois groupes : des civils représentant les principaux ministères (Chancellerie du Reich, Intérieur, Justice, Affaires étrangères…), des autorités d’Ocupation en Pologne et en URSS, des chefs de la SS. L’objet de la réunion : la mise en oeuvre de la Solution finale, un euphémisme pour désigner l’extermination des onze millions de Juifs d’Europe.

La Conférence de Wannsee est bien connue. C’est le moment, répète-t-on, où la Solution finale a été décidée. Ce n’est pas tout à fait exact. Le principe même de la Solution finale avait été acté depuis longtemps par Hitler, Himmler et Göring, unis dans la haine du Juif et la conviction que seule son extermination permettrait de résoudre la soi-disant Question juive. C’est sa mise en oeuvre concrète qui sera discutée et approuvée lors de la conférence de Wannsee.

Filmer une réunion de hauts fonctionnaires n’a rien de cinématographique. Mais le film de Matti Geschonneck relève le défi et fait le pari d’une totale sobriété : unité de temps, unité de lieu, absence de musique, respect absolu du texte du procès-verbal dressé par Adolf Eichmann, un des subordonnés de Heydrich et chef du bureau des Affaires juives à la Gestapo.

On pourrait se croire à une réunion interministérielle de hauts fonctionnaires à Matignon si ce n’étaient les uniformes rutilants des officiers SS et l’objet monstrueux de leur discussion. Car, bien entendu, personne autour de la table ne remet en cause l’antismétisme qui inspire l’idéologie nazie ni la décision d’exterminer des millions d’individus. La mémoire populaire a retenu que la décision avait été euphémisée, que des périphrases avaient été utilisées pour désigner des actes barbares et indicibles. Ce n’est qu’à moitié exact selon les historiens qui, se basant sur les témoignages des accusés de Nuremberg et d’Eichmann à Jérusalem, soulignent que le procès-verbal dressé par Eichmann n’avait pas repris mot pour mot les expressions de chacun.

Tout est dit et tout est dit clairement autour de la table : la politique d’émigration forcée des Juifs d’Allemagne et d’Autriche, les exécutions par balles menées par les Einsatzgruppen sur le front de l’Est, les ghettos surpeuplés de Pologne où les Juifs meurent de faim – une situation désastreuse selon le Gouvernement général (l’autorité nazie en Pologne) qui exige de Berlin, pour des raisons humanitaires, que ces ghettos soient vidés le plus vite possible et ses habitants exécutés afin de ne pas prolonger leur martyre – le Zyklon B et les premières chambres à gaz testées à Chelmno et les projets d’en construire à grande échelle à Auschwitz, à Treblinka, à Belzec, à Sobibor….

Puisque tout le monde autour de la table partage les mêmes valeurs – si on ose dire – et les mêmes objectifs, puisque de toute façon la décision a été prise en amont par les plus hautes autorités du Reich et qu’il serait inenvisageable de la remettre en cause, la conférence ne donne pas lieu à des débats entre les partisans et les opposants de la Solution finale qu’un scénariste hollywoodien aurait adoré voir se déchirer dans un combat épique entre le Bien et le Mal. Beaucoup plus trivialement, l’objet de la réunion, son but explicite, est pour son président, l’Obergruppenführer Heydrich, d’asseoir l’emprise de la SS sur toute l’entreprise. Et il y arrive de main de maître, avec le soutien de ses collègues et des autorités d’occupation.
S’il rencontre une timide résistance, c’est de la part du représentant de la Chancellerie, un ancien combattant durant la Première Guerre mondiale, qui exprime de la pitié, non pas tant pour les victimes juives, mais pour les soldats allemands affectés à leur surveillance et à leur exécution. Une autre résistance vient d’un juriste du ministère de l’Intérieur qui, se fondant sur les lois de Nuremberg, s’oppose à la déportation des sang-mêlés et des couples mixtes. Bien dérisoire vertu de la règle de droit et du respect qu’elle inspire encore chez quelques juristes formalistes !

La Conférence est un film terriblement austère. Sa fidélité aux faits lui interdit tout rebondissement, toute dramatisation. Il ne peut être que ce qu’il est : la retranscription d’une « banale » (le terme fera florès sous la plume de Hannah Arendt) réunion administrative. Mais c’est cette banalité même et cette absence apparente de tension qui glacent le sang.

La bande-annonce

La Mine du diable ★☆☆☆

Le réalisateur italien Matteo Tortone est allé filmer les mineurs de la Rinconada, dans les Andes péruviennes. Son film se situe à la frontière du documentaire et de la fiction. Il raconte l’histoire d’un jeune Liménien qui, lorsque le triporteur qui lui servait de taxi tombe en panne, décide de quitter la capitale péruvienne, sa femme et sa fille, pour aller s’employer dans la mine la plus haute du monde.
À plus de cinq mille mètres d’altitude, les conditions de vie sont terribles. Les logements sont insalubres. Le froid, l’humidité, le mal des montagnes, sans parler du travail éreintant dans la mine, épuisent des organismes affaiblis.

La Mine du diable pourrait documenter minutieusement cette situation dantesque. Son réalisateur préfère prendre un parti différent, en tournant un film presque poétique, dans un noir et blanc élégant et satiné, doublé d’une voix off qui évoque les mythes qui entourent les lieux. Les mineurs croient qu’ils sont habités par le diable et qu’il faut lui faire un sacrifice pour qu’en échange, il consente à leur céder son or.

Ce parti pris est discutable. Car il entraîne La Mine du diable dans une direction pas toujours convaincante. Il passe d’abord beaucoup de temps loin de la mine où notre héros ne pénètre pas avant le tiers sinon la moitié du film. Or, c’est elle qu’on vient voir ; c’est elle qu’on attend (même si nous la faire attendre peut constituer un des ressorts du scénario).
Il essaie ensuite de nous raconter l’histoire de Jorge, qui quitte sa maison et son foyer pour aller trouver meilleure fortune. Mais, bizarrement, cette histoire tourne court après l’arrivée de Jorge à la Rinconada.

La Mine du diable laisse un goût d’inachevé.. Dommage….

La bande-annonce

The Quiet Girl ★★☆☆

Dans l’Irlande du début des 80ies, Cait est une enfant d’une dizaine d’années timide et effacée, raillée par ses camarades de classe, délaissée au milieu d’une nombreuse fratrie par un père alcoolique et par une mère noyée sous les tâches domestiques. Un été, alors que sa mère est sur le point d’accoucher d’un nouveau bébé, elle est confiée à un couple de parents éloignés, à l’autre bout de l’Irlande. Une fois absorbé le choc du dépaysement, elle y découvre une vie plus confortable, plus douce et un foyer aimant qui cache néanmoins un lourd secret.

The Quiet Girl est, dit-on, le film le plus rentable de l’histoire du cinéma irlandais. Tourné avec un petit budget, il a connu un succès immense, en Irlande et à l’étranger où il a raflé une moisson de prix : un Ours de cristal à Berlin en février 2022 qui a lancé sa carrière, puis des nominations aux BAFTA et à l’Oscar du meilleur film international. C’est l’adaptation d’une nouvelle – ou s’agit-il d’un court roman ? – de Claire Keegan publiée il y a une dizaine d’années sous le titre Foster – qui signifie « Adoption » – traduit en français par Trois Lumières – en référence à l’une des scènes du livre les plus émouvantes.

The Quiet Girl est très réussi ; mais il ne mérite peut-être pas toutes les louanges qu’on lui tresse.
C’est un film d’une infinie délicatesse dans sa mise en scène comme dans son scénario qui nous montre la lente transformation d’une enfant privée d’amour. On la voit physiquement s’épanouir, se redresser sous l’effet bénéfique de l’attention que Mme et M. Kinsella, ses parents d’adoption, lui portent le temps d’un été.

L’histoire du film, qui fait fond sur les maltraitances subies par les enfants en Irlande au siècle dernier, pouvait bifurquer dans un autre sens, quand Mme Kinsella murmure à l’oreille de Cait « Si tu étais mon enfant, jamais je ne te laisserais dans une maison avec des inconnus », vers le film d’horreur. La bande-annonce laisse intelligemment planer cette possibilité-là. Mais tel n’est pas le parti retenu. Le lourd secret des Kinsella – que la bande-annonce spoile en partie – est autrement plus banal.

La nouvelle (le roman ?) de Claire Keegan était très brève. Le film, qui lui est fidèle à la lettre, l’est tout autant et doit inventer un préambule, dans l’école de Cait, absent du livre, et ajouter quelques ralentis qu’on pensait définitivement démodés pour atteindre une durée standard. C’est cette brièveté qui constitue à la fois la principale qualité et le principal défaut de l’oeuvre. On peut lui trouver une remarquable économie de moyens, une absence de long discours explicatif qui en appelle à l’intelligence et à la sensibilité du spectateur. Mais aussi, on peut estimer que sa substance est assez pauvre, qu’on en a vite fait le tour et que quatre vingt seize minutes sont bien longues pour si peu.

La bande-annonce

Les Complices ★★☆☆

Max (François Damiens) est un tueur à gages sans scrupules. Mais depuis que sa femme (Vanessa Paradis) l’a quitté, il souffre d’un mal rédhibitoire dans son emploi : la moindre goutte de sang suffit à le faire tourner de l’oeil. Ce syndrome l’oblige à se ranger des voitures. Ses voisins, Karim (William Lebghil) et Stéphanie (Laura Flepin) l’aident à trouver un emploi dans la société de crédit à la consommation où ils travaillent. Mais, menacé de mort, Max doit partir en cavale et entraîne avec lui ses voisins.

Le scénario des Complices est particulièrement improbable. Mais il ne faut pas s’y arrêter. L’essentiel est ailleurs, dans l’humour noir et potache de ses personnages, François Damiens en tête qui n’a jamais été si convaincant que dans le personnage taiseux, à la Jean Reno, d’un tueur à gages en mal de reconversion. On se demande comment il réussit à ne pas éclater de rire au milieu de ses scènes et à garder le même mutisme imperturbable.
William Lebghil, à ses côtés, confirme qu’il est décidément « l’éberlué le plus savoureux du cinéma hexagonal » (Télérama). Laura Felpin n’a pas le physique de la bimbo de service ; mais, depuis sa révélation dans la série Le Flambeau, elle s’est taillé une place en tête d’affiche.

Le film n’est pas seulement l’enchaînement de scènes désopilantes. À travers le personnage de Karim, dont la naïveté proverbiale confine à la  stupidité, et celui de Stéphanie qui, elle, a les pieds sur terre et ne s’en laisse pas compter, il évoque un thème original : la gentillesse. Moins novatrice est la façon dont Les Complices décrit une société de prêt à la consommation et l’absence de scrupules de son business model.

Les Complices n’est pas un film inoubliable ; mais, si on a aimé Barbaque ou Bonne Conduite, on passera avec lui un bon moment.

La bande-annonce

Dancing Pina ★★☆☆

Pina Bausch est morte en 2009. Mais ses mânes continuent à hanter la danse contemporaine. Les danseurs de sa compagnie (Dominique Mercy, Malou Airaudo, Clémentine Deluy, Josephine Ann Endicott…) se chargent de transmettre son l’héritage.
Le documentariste allemand Florian Heinzen-Ziob a filmé la reprise de deux oeuvres, parmi les plus anciennes, de la chorégraphe : Iphigénie en Tauride, créée en 1974, et Le Sacre du printemps en 1975. La première est reprise à l’Opéra de Dresde et offre le rôle titre à une immense danseuse sud-coréenne, Sangeun Lee ; la seconde à l’Ecole des sables de Germaine Acogny, à Toubab Dialaw, au sud de Dakar par une troupe de danseurs venus d’une douzaine de pays africains.

Ce documentaire a l’indéniable qualité de nous replonger pendant près de deux heures dans l’univers à nul autre pareil de Pina Bausch. Il nous rappelle son apport immense à la danse contemporaine. À rebours des diktats de la danse classique, Pina Bausch recherchait moins la perfection du danseur que son authenticité. Ce parti pris iconoclaste l’autorisait à recruter des danseurs disparates, de tout âge, de toute origine, de toute complexion, sans être obsédée par la recherche de l’homogénéité qui prévaut traditionnellement dans les corps de ballet.

Mais Dancing Pina a le défaut de s’abîmer dans l’hagiographie. Déjà Wim Wenders, dans le documentaire Pina tourné en 3D qu’il lui avait consacré dès 2011 avait échoué sur cet écueil. Mais le défaut est amplifié par une mise en scène très plate qui, paresseusement, entrelace deux récits (et pourquoi pas un seul ? ou trois ? ou quatre ?) sans que le lien entre les répétitions à Dresde et à Toubab Dialaw fasse sens.

Pour autant, Dancing Pina est sauvé de la banalité par deux scènes : la représentation finale que la troupe de l’Ecole des Sables donne au crépuscule sur la plage, empêchée par le Covid de se produire à Dakar et en Europe. Et la sublime Sangeun Lee qui déploie dans la scène d’ouverture d’Iphigénie la maigreur de son immense 1m82 avec une grâce surnaturelle.

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About Kim Sohee ★☆☆☆

En 2016, en Corée, une jeune étudiante effectue un stage dans un call-center et y découvre des conditions de travail déshumanisantes.

Il y a deux façons d’aller voir About Kim Sohee.
La première, analytique,, est de ne rien connaître de l’histoire que raconte le film et d’y découvrir progressivement le chemin de croix parcourue par cette jeune étudiante.
La seconde, synthétique, est de savoir que sa mésaventure a fait sensation en Corée du Sud et y a provoqué un changement de législation. Avec cette information en tête, le destin de Kim Sohee devient emblématique de celui des stagiaires sud-coréens, exploités par des entreprises sans foi ni loi pour des salaires de misère.

Dans un cas comme dans l’autre, on est pris au piège d’un procédé scénaristique qui nous enferme et nous étouffe. On voit la radieuse Kim Sohee se faner lentement dans un milieu professionnel toxique, sans trouver chez sa famille ou chez ses amis de planche de salut. On voit son travail lentement la broyer en se demandant où cette descente aux enfers la conduira et nous conduira avec elle.

About Kim Sohee est bizarrement construit en deux parties distinctes. Dans la seconde, Donna Bae campe une enquêtrice aussi mutique (on ignorera jusqu’au bout le traumatisme qu’elle vient de traverser) qu’obstinée. Remarquée dans Les Bonnes Etoiles, elle vole la vedette – et la tête d’affiche – à la jeune Kim si-eun qui interprète Sohee. Cette seconde partie leste le film, qui dure au total 2h17, de quarante-cinq minutes supplémentaires dont on peut se demander si elles étaient utiles.

La bande-annonce