Âgé de dix-sept ans à peine, le jeune Zacarias s’engage en 1917 pour fuir une famille qui l’étouffe et servir un pays, le Portugal, dont il est fier. Mais au lieu d’être envoyé en France, le voici débarqué au Mozambique pour y combattre les Allemands cantonnés dans le Tanganyika voisin. Sa compagnie est dépêchée sur les bords du lac Nyassa (l’actuel lac Malawi), aux confins nord-est de la colonie. Mais Zacharias, cloué à l’infirmerie par un paludisme foudroyant, reste en arrière. Lorsqu’il est remis sur pied, il n’a qu’une hâte : rejoindre sa troupe. Mais pour ce faire, il devra traverser avec la seule assistance de deux porteurs indigènes à la loyauté incertaine, des milliers de kilomètres de savane hostile.
La Première Guerre mondiale fut réellement mondiale. Elle se déroula notamment sur le continent africain. Grâce à La Victoire en chantant, le film de Jean-Jacques Annaud, on sait qu’elle opposa les Français et les Anglais au Cameroun. Grâce à Comme neige au soleil, le livre de William Boyd, on sait aussi qu’elle mit face à face Britanniques et Allemands dans l’Est africain. Avec Mosquito, j’aurai appris que les Portugais y ont pris leur part, au nord du Mozambique.
Mosquito est donc un drame historique qui illustre une page méconnue de l’histoire contemporaine. Mais il n’a pas que cette ambition là – à supposer d’ailleurs qu’il l’ait eue. Comme Apocalypse now, qui utilise la Guerre du Vietnam pour raconter la folie des hommes dans la guerre, Mosquito vise un sujet supérieur. Le sujet n’est pas la guerre : on ne verra aucun combat dans Mosquito (et pas l’ombre d’une nuée d’hélicoptères attaquant à l’aube, au son de Wagner, un paisible village). Le sujet n’est pas non plus la folie d’un homme même si la caméra ne quitte pas Zacarias dans le chemin de croix censé le mener au bord du lac Nyassa au péril de sa vie et de son équilibre psychique.
Il s’agit plus profondément pour Joao Nuno Pinto d’illustrer le fossé qui sépare les Blancs colonisateurs imbus de leur supériorité et les Noirs colonisés définitivement imperméables à toute entreprise d’assimilation. Mosquito n’est pas un film sur la colonisation et sur ses apories. Il s’agit plutôt d’une réflexion ethnologique voire anthropologique qui trouve son point d’orgue dans la longue captivité qu’endure Zacarias dans un village gouverné par des femmes, faute d’hommes réquisitionnés au combat.
Mosquito est un film exigeant, de plus de deux heures, composé de longs plans fixes, d’une beauté impressionnante, quasiment sans dialogue. Sa compréhension n’en est pas facilitée par un montage qui rompt avec la chronologie.
Mosquito fait partie de ces films dont la beauté catatonique provoque spontanément deux types de réaction : la fascination ou l’ennui. Je mentirais en disant que je ne me suis pas ennuyé ; je verserais dans une démagogie facile en affirmant que je n’ai pas été fasciné.