L’Évangile selon saint Matthieu (1964) ★★★☆

L’Évangile selon saint Matthieu, qu’il réalise la quarantaine venue, marque un tournant dans l’oeuvre de Pier Paolo Pasolini. Il rompt définitivement avec le néoréalisme sous la paralysante tutelle duquel il avait réalisé son précédent film Accattone. Il fait le pari, réussi, d’aborder de front la question du sacré qui ne cesse de le hanter.

Marxiste et athée, Pasolini s’attaque au texte le plus sacré qui soit. Des quatre évangiles, il choisit le plus intellectuel, le moins visuel, celui qui donne le plus de place à la parole du Christ.

On est immédiatement touché par ce qu’il y a cherché et trouvé : la profonde humanité du Christ, débarrassé du fatras du dogme.

Mettre en scène un Évangile est un défi cinématographique. Le spectateur connaît d’avance chaque scène, sans parler de la conclusion de son histoire. La surprise, l’étonnement ne peuvent venir que de la façon dont chaque plan sera construit et dont la Passion du Christ et sa résurrection seront filmées. Pasolini dit s’être inspiré de l’iconographie médiévale, de Piero Della Francesca, de Duccio, de Masaccio. Il use de tous les procédés que le cinéma lui autorise : le zoom, le très gros plan, le grand angle, la post-synchronisation du son (une hérésie pour les tenants du néo-réalisme)…. Il fait surtout, comme dans ses autres films, un usage immodéré de l’accompagnement musical, utilisant ici bien sûr La Passion selon saint Matthieu de Bach, mais aussi Prokofiev, des negro spirituals et la Missa Luba congolaise.

Son Évangile…, dédié au « glorieux Pape Jean XXIII », qui venait de mourir d’un cancer foudroyant après avoir lancé le concile Vatican II, est profondément fidèle au texte. Après quelques atermoiements, il a été validé par l’Eglise catholique.

Qu’on connaisse ou pas chacun de ses épisodes, qu’on soit ou non croyant, on ne pourra qu’être ému au tréfonds par certains des plans de L’Evangile… Je ne me suis pas remis du visage en larmes de Marie au pied de la Croix, interprétée par la propre mère de Pasolini, pleurant son fils martyrisé.

La bande-annonce

Nope ★☆☆☆

Après la mort de son père, Otis Haywood Jr. (Daniel Kaluyaa) essaie tant bien que mal de faire survivre le ranch familial situé aux marches du désert californien. Il y élève des chevaux pour le cinéma et la télévision. Son voisin, Jupe, un ancien acteur de cinéma reconverti dans l’entertainment, possède un parc à thèmes et voudrait racheter ses terres et ses bêtes.
OJ est témoin, avec sa sœur Em, de phénomènes célestes étranges. Bien vite, ils se convainquent qu’il s’agit d’un OVNI qui pourrait les rendre célèbres s’ils parviennent à en prendre une image. Mais malgré l’installation de caméras de surveillance par un expert en électronique et le concours d’un réalisateur en quête d’absolu, le défi que se sont lancés OJ et Em risque de leur coûter la vie.

Il n’est pas facile de parler de Nope, dont l’une des principales qualités tient dans la frustration qu’il fait naître chez le spectateur pendant une bonne moitié du film en refusant de lui expliquer et de lui montrer le mystère que cachent les nuages du désert de Californie. Les héros occupant un monde bizarrement vidé de ses habitants devraient logiquement avoir pour réaction la peur, l’effroi et la fuite. Mais tel n’est pas le comportement d’OJ et de Em. Au lieu de considérer que la mystérieuse créature qui se cache dans les cieux les menace – ce que tout être humain sensé ferait à leur place – ils se mettent en tête de la filmer. Réaction déconcertante sinon dépourvue de toute crédibilité, au service d’une métaphore qu’on pourra trouver, au choix, pataude ou d’une brûlante actualité : nous vivons dans une société du spectacle où la quête de « l’image impossible » est devenue la valeur suprême.

Mais l’épais et malaisant mystère qui entoure cet Ovni se dissipe peu à peu. À la première partie, qui avait réussi à nous mettre délicieusement mal à l’aise, succède une seconde d’une facture beaucoup plus classique. Reprenant les codes du film d’horreur et du western, cette seconde partie nous raconte un duel au soleil et sous les nuages qui oppose l’Ovni qui s’avère être un dangereux prédateur en, quête de nourriture et notre quarteron de chasseurs d’images.
Alors, certes, on pourra admirer la beauté visuelle de cet OVNI new age. Mais sa grâce élégiaque n’a pas suffi à me tenir haleine pendant les plus de deux heures qu’a duré Nope.

La bande-annonce

Leila et ses frères ★★☆☆

Pour les sortir de la mouise, Leila incite ses quatre frères à réunir leurs économies pour acheter une boutique dans le centre commercial ultra-moderne où elle travaille. Mais leur maigre épargne n’y suffisant pas, ils doivent solliciter l’appui de leur père qui le leur refuse : il préfère en effet consacrer les quarante pièces d’or qu’il a patiemment épargnées toute sa vie durant pour devenir le parrain du clan Jourablou. Des cousins guère scrupuleux lui ont laissé miroiter cette position qui flatte son amour-propre au risque de le ruiner.

Un an après La Loi de Téhéran qui avait fait sensation, Saeed Roustaee revient sur les écrans. Son troisième film (après Life and Day tourné en 2016 mais inédit en France) souffre de la comparaison avec son précédent qui le surpasse. On ne retrouve pas dans Leila… les mêmes qualités que dans La Loi de Téhéran qui nous plongeait vertigineusement dans les bas-fonds interlopes de la capitale iranienne.

Leila et ses frères nous raconte l’histoire d’une famille iranienne qu’on imagine moyenne. Deux parents désormais retraités ; cinq enfants entre trente et cinquante ans aux vies cabossées. Alireza vient de se faire licencier d’une entreprise en faillite frauduleuse. Parviz suffoque sous ses kilos excédentaires et les cinq enfants en bas âge que son épouse lui a donnés. Farhad conduit un taxi. Manouchehr mouille dans des trafics louches. La seule à s’être stabilisée et à jouir d’un emploi fixe est Leila, la sœur cadette. Le manque d’argent oblige Alireza, Farhad et Leila à se serrer sous le toit de leurs parents, en attendant des jours meilleurs.

Leila et ses frères raconte comment cette espérance va tenter de se concrétiser grâce au plan de Leila. Sa réalisation suppose de trancher quelques conflits familiaux et, en premier lieu, de venir à bout de l’égoïsme forcené de Heshmat, patriarche presque gâteux qui n’a jamais su donner à ses enfants l’amour et l’éducation qu’ils réclamaient. Elle doit aussi s’accommoder de quelques coups du sort.

En regardant Leila et ses frères (dont le rôle titre est interprété par une actrice qui avait souvent tourné avec lui), on pense au cinéma de Ashgar Farhadi, à ses drames familiaux poignants qui laissent ses héros brisés. Ici, la recette est un peu indigeste. Le film dure en effet près de trois heures. C’est sans doute nécessaire au déploiement d’une intrigue qui connaît de multiples rebondissements. Mais c’est beaucoup pour le spectateur qui ressort groggy de cette épreuve où chaque scène est un match de boxe où des combattants acharnés se disputent en hurlant.

La bande-annonce

Trois mille ans à t’attendre ★☆☆☆

Alithea Binnie (Tilda Swinton) est une intellectuelle solitaire, qui ne trouve depuis l’enfance son bonheur que plongée dans l’étude. Cette éminente narratologue anglaise, victime de déroutantes hallucinations, se rend à Istanbul pour y donner une conférence. Elle y soutient que la science comme instrument d’explication du monde a supplanté le mythe. Dans le grand bazar, elle achète un carafon qui retenait prisonnier un djinn (Idris Elba). Sitôt libéré, il lui propose d’exaucer trois vœux. Mais la conférencière, qui sait d’expérience ce qu’il en coûte à se montrer trop gourmand, préfère écouter le djinn raconter l’histoire de sa vie.

Entre deux Mad Max – le quatrième en 2015 reçut un accueil si unanime que je n’ose plus citer ma critique mitigée et le cinquième est en cours de tournage – le réalisateur George Miller prend son public à contre-pied en lui livrant un film inclassable.

La touche de folie que porte Tilda Swinton laisse augurer, quand on regarde sa bande-annonce et sa première demi-heure à une comédie vagabonde sur les bords du Bosphore. Mais bien vite, le film semble trouver son rythme avec l’entrée en scène, impressionnante…. évidemment impressionnante… de Idris Elba. Une histoire se raconte, celle du djinn (qui restera innommé tout le long du film), de la façon dont il se libère des bouteilles dans lesquelles il est régulièrement enfermé, depuis sa présence résignée aux ébats du roi Solomon et de la reine de Saba jusqu’à sa participation à la succession de Soliman le Magnifique. La reconstitution est luxueuse, donnant l’occasion de quelques scènes épiques qui louchent du côté du kitsch assumé de 300 sinon des Dix Commandements.

On aurait pu s’en contenter. Mais, las ! [attention spoiler] George Miller trouve le moyen d’en rajouter une troisième couche dans la dernière demi-heure qui quitte les rives du Bosphore et la chambre d’hôtel où un véritable récit-monde se racontait pour la grisaille londonienne. Les récits mythologiques cèdent le pas à une banale romance que le scénario n’arrive pas à conclure dans une fin à tiroirs que je ne suis pas sûr d’avoir comprise. Tout le plaisir pris à suivre l’épopée étourdissante d’Idris Elba à travers les siècles se retrouve pris au piège d’une intrigue minuscule et sans originalité.

La bande-annonce

La Dérive des continents (au sud) ★☆☆☆

Nathalie (Isabelle Carré) travaille pour la Commission européenne en Sicile à l’accueil des réfugiés provenant de la rive su de la Méditerranée. Dans le camp qu’elle dirige, elle prépare dans le plus grand secret la visite surprise que doivent y faire Emmanuel Macron et Angela Merkel, précédés par deux de leurs conseillers. Elle y retrouve par hasard son propre fils, Albert, qui s’était violemment éloigné d’elle après que Nathalie a divorcé avec son père et révélé son homosexualité.

Lionel Baier poursuit un projet ambitieux : dresser en quatre films tournés aux quatre coins de l’Europe un portrait kaléidoscopique de notre continent dont son pays, la Suisse, occupe le centre. Il y eut d’abord Comme des voleurs (à l’est), réalisé en 2009 entre la Suisse et la Pologne, mais inédit en France. Puis le très réussi Les Grandes Ondes (à l’ouest) qui mettait en scène deux reporters de la Radio télévision suisse au Portugal à la veille de la révolution des œillets. Voici au sud de l’Italie La Dérive des continents en attendant Keek (au nord) qui sera filmé en Ecosse.

La Dérive des continents a pour thème ou pour prétexte la crise migratoire en Méditerranée et l’accueil des réfugiés subsahariens en Italie, en butte au racisme ordinaire des habitants et à la montée de l’extrême droite et de son discours xénophobe. Le parti pris, passablement casse-gueule, est de le traiter par la comédie. Pourquoi pas ? On accepte volontiers de suivre les préparatifs d’une visite présidentielle dans ce camp de réfugiés en compagnie d’un énarque péremptoire (non ! ce n’est pas un pléonasme !) et d’une fonctionnaire allemande qui symbolise à elle seule la froide efficacité de l’administration fédérale. On rit de la morgue du premier et de la raideur de la seconde. On se demande si tout le film va pouvoir durer sur cette seule veine là. Et on a raison de s’en inquiéter. Car bien vite La Dérive… dérive.

Adieu les promesses de la bande annonce d’une comédie primesautière dénonçant les apories de la politique migratoire européenne ! La Dérive prend la tangente vers un autre sujet annoncé par son affiche : la réconciliation d’une mère et d’un fils. Ce sujet est beaucoup plus convenu que le précédent. Isabelle Carré lui donne un tour mièvre qui achève de le plomber un peu plus malgré l’énergie rebelle de Théodore Pellerin (dont la filmographie m’apprend qu’il a joué dans les excellents Never Rarely Sometimes Always et Boy Erased).

La bande-annonce

Ne vous retournez pas (1973) ★★★☆

John (Donald Sutherland) et Laura Baxter (Julie Christie) sont un couple aimant frappé par un drame effroyable : leur petite fille, Christine, s’est noyée dans la mare devant leur maison en Angleterre. Laura peine à s’en remettre et accompagne son époux à Venise. Johny est chargé de la restauration d’une église.
Mais la rencontre de deux sœurs, dont l’une est une médium aveugle qui révèle à Laura qu’elle a vu Christine mais l’exhorte à quitter Venise où un danger les menace, va bouleverser leurs destins.

L’horrible coiffure de Donal Sutherland et de Julie Christie sur cette affiche démodée pourrait laisser penser que Ne vous retournez pas a très mal vieilli. Sans doute l’esthétique marronnasse des 70ies le dessert-il. Pour autant, ce film souvent cité dans les anthologies de cinéma se regarde encore volontiers.

Ne vous retournez pas est l’adaptation d’une longue nouvelle de Daphné du Maurier, une romancière très souvent portée à l’écran (notamment par Hitchcock : La Taverne de la Jamaïque, Rebecca, Les Oiseaux). Il s’agit d’un giallo, un film noir qui tire vers le cinéma d’horreur et le surnaturel, un genre qui connaissait à l’époque en Italie son âge d’or.

Tout le film est habité par un lourd mystère. John est hanté par des visions dont le sens ne s’éclairera qu’avec le dernier plan Mais si Ne vous retournez pas fit scandale à sa sortie, c’est à cause de la longue scène d’amour entre ses deux héros. Elle était pour l’époque très crue et fut coupée par la BBC à sa première rediffusion à la télé… même si elle peut paraître aujourd’hui bien anodine. Pour la première fois un cunnilingus y était suggéré. Son montage la rend très originale : on y voit en plans séquencés les deux amants se déshabiller, s’aimer et se rhabiller pour se préparer à se rendre au dîner auquel ils sont conviés. Si la description que j’essaie d’en faire n’est pas claire, la solution s’impose : courir voir ce film !

La bande-annonce

Les Derniers Jours dans le désert ★☆☆☆

Jésus, on le sait (même si l’Evangile selon saint Jean n’en dit mot), a passé quarante jours dans le désert. Mais qu’y a-t-il fait sinon repousser les tentations du Diable ? Le réalisateur Rodrigo Garcia (auquel on doit quelques épisodes de Six Feet Under, des Soprano ou de The Affair) imagine une rencontre avec la famille d’un tailleur de pierres qui exerce sur son fils une autorité tyrannique tandis que sa femme se meurt d’un mal incurable.

Les Derniers Jours… a été réalisé en 2015, est sorti aux Etats-Unis en 2016, mais aura mis près de sept ans à se frayer un – timide – chemin sur les écrans français. Il est sorti à Paris dans une seule salle, étonnamment vide – j’ai failli écrire « déserte ».

Jésus – dont le nom n’est jamais prononcé – y est campé par Ewan McGregor qu’on croirait sorti d’un épisode de Star Wars. Le tailleur de pierres est interprété par Ciarán Hinds, un acteur irlandais que je confonds régulièrement avec Clive Owen, et qui a autant de talent que lui sinon de sex appeal. Dans le rôle du jeune garçon, on reconnaît Tye Sheridan qui allait percer quelques années plus tard dans X-Men et Ready Player One.

Les Derniers Jours… est tourné dans les paysages grandioses du désert du Colorado, au sud de la Californie, qui rappelle à s’y méprendre la vallée du Jourdain. La photographie est époustouflante. Mais c’est bien la seule qualité de ce film trop contemplatif au scénario poussif dont on peine à comprendre le sens.

La bande-annonce

Des oiseaux petits et grands (1966) ★★★☆

Toto et son fils Ninetto marchent dans la campagne. Un corbeau très bavard les rejoint qui leur assène des leçons de morale politique et religieuse. Il les projette notamment au douzième siècle où Toto et Ninetto sont des disciples auxquels Saint-François d’Assise a confié le soin d’évangéliser faucons et moineaux. Revenus à notre époque, Toto et Ninetto font diverses rencontres : des fermiers qui n’ont pas les moyens de payer leur loyer, une famille de grands bourgeois, des forains qui circulent en Cadillac, une prostituée….

A l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, les films de Pasolini ressortent en salles. Il y a quelques semaines j’ai découvert Accattone que je n’ai pas aimé. Cela ne m’a pas dissuadé de poursuivre ma découverte de l’oeuvre de ce sulfureux réalisateur italien tragiquement décédé sur la plage d’Ostie en 1975. Bien m’en a pris ; car Des oiseaux… est un film drôle et léger, débarrassé de la pesante idéologie dont Accattone m’avait semblé lesté.

Des oiseaux… était le film préféré de Pasolini, « le plus pauvre et le plus beau ». C’est en effet un film drôle et léger qui contraste avec le reste de son oeuvre autrement plus grave. Pasolini reconnaît sa dette à Rossellini et à ses Onze Fioretti de François d’Assise sorti en 1950, qui racontait en onze tableaux la vie du saint franciscain dont l’idéal ascétique exerça une telle influence, bien au-delà de la seule communauté des croyants.

Mais Des oiseaux… louche aussi du côté du burlesque, du cinéma comique italien, dont il reprend certains des effets, pas des plus subtils, tel l’accéléré, mais aussi du côté de Chaplin (le dernier plan du film est copié sur celui des Temps modernes) ou de Laurel et Hardy que rappelle le duo formé par l’immense acteur comique Toto et la jeune révélation Ninetto Davoli (qui fut l’amant et l’acteur fétiche de Pasolini).

Sa morale – si tant est qu’il en ait une – est ambiguë. Sans doute est-ce un film de « gauche » dont le rôle principal est joué par le corbeau auquel Pasolini prête sa propre voix. Ce corbeau – et on imagine aisément les difficultés que son dressage a dû causer pendant le tournage – professe des idées progressistes, mais sur un ton sentencieux qui les rend vite inaudibles, si bien que les deux héros finissent par s’en lasser, jusqu’à une conclusion d’une amère dérision.

La bande-annonce

Bullet Train ★★☆☆

Coccinelle (Brad Pitt) est un tueur à gages frappé par la poisse, bien décidé à ce que sa prochaine mission se déroule sans encombres. Il prend le Shinkansen à Tokyo pour y dérober une mallette et en remettre le précieux contenu à ses commanditaires à la gare d’arrivée à Kyoto. Mais, pour le plus grand dépit de Coccinelle, sa route va croiser celle d’autres fines gâchettes embarquées dans le même train : celle de Citron et Mandarine, deux frères soi-disant jumeaux qui escortent le fils dévoyé d’un caïd de la pègre japonaise, celle d’un père dévoré par le chagrin et la culpabilité qui veut venger l’agression perpétrée sur son fils par une jeune ingénue, Prince, qui cache en fait une machiavélique meurtrière, celle encore d’un pistolero mexicain, Le Loup, bien décidé lui aussi à venger la mort de sa femme assassinée par une meurtrière, Le Frelon, qui achève ses victimes en leur injectant un poison mortel.

David Leitch fut d’abord cascadeur. Il doubla régulièrement Brad Pitt dans Fight Club, Ocean’s Eleven, Troie, Mr and Mrs Smith…. avant de passer derrière la caméra. De sa formation, il garde un sens inné de la chorégraphie des combats qui éclate dans Bullet Train.
On lui doit Deadpool 2, la suite d’un film à succès construit autour d’un principe terriblement en vogue : la coolitude sinon la beaufitude de son (super-)héros.
C’est autour de ce cocktail efficace qu’est construit Bullet Train : des personnages cools + des combats épiques

Si l’on porte sur ce mélange un regard adulte et sérieux, on ne peut qu’en critiquer l’inanité : « quelques effets tape-à-l’œil et une ironie embarrassante »« gloubi-boulga infernal » ou encore « dialogues ouvertement neuneus » écrit sans concession Écran Large.
Mais, si on accepte le principe du blockbuster estival, on se laisse agréablement divertir. Mieux : on se prend au jeu d’une intrigue volontairement alambiquée où se croisent une foule de personnages et d’intrigues qui obligent nos neurones à un minimum d’attention.
Et surtout on se régalera de la prestation de Brad Pitt qui, à près de soixante ans, n’a jamais été aussi sexy ni aussi cool qu’ici.

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La Verónica ★★☆☆

Verónica (Mariana di Girolamo, l’incandescente danseuse de Ema) est l’épouse d’un joueur de football chilien à la renommée internationale. C’est aussi une mannequin et une influenceuse, omniprésente sur les réseaux sociaux. Après quelques années à Dubaï, elle revient avec son mari au Chili. Malgré sa popularité, Verónica vit mal la naissance de son bébé.

La Verónica repose sur un parti pris formel audacieux dont la bande annonce souligne le vertige. Il est entièrement tourné en plan fixe où son héroïne apparaît face caméra. Sacré défi scénaristique que La Verónica relève brillamment : chaque plan est immédiatement compréhensible et s’inscrit dans la continuité du précédent.

On y découvre une héroïne ambiguë : Veronica est-elle une starlette superficielle et narcissique ? une maman en plein baby blues qui chasse son spleen en pourchassant une célébrité artificielle ? ou une dangereuse manipulatrice prête à tout pour atteindre son but ?

La Verónica rappelle Sweat, le film polonais sorti en juin dont l’héroïne était une influenceuse en mal d’amour. Il est d’ailleurs intéressant que deux cinémas aussi éloignés que peuvent l’être le polonais et le chilien se soient emparés quasiment en même temps de cette figure-là, si contemporaine et désormais si universelle. Sweat soulignait la limite entre vie publique et vie privée : où se niche notre intimité si toute notre vie privée s’affiche sur les réseaux ? La Verónica est plus complexe. C’est d’ailleurs plus un portrait de femme qu’une réflexion sur les réseaux sociaux.

L’exercice frôle la sortie de route et menace un temps de fonctionner à vide. Mais le scénario de La Verónica est suffisamment rythmé et suffisamment malin pour maintenir la tension – et l’attention. Son dénouement est bluffant et justifie l’intérêt de ce film qu’on aurait tort de réduire à un pur exercice de style.

La bande-annonce