Cinquante nuances plus claires ☆☆☆☆

Après bien des aventures, revoici Anastasia et Christian Grey pour le troisième tome de leurs aventures. Pour qui l’ignorerait, ils se sont mariés à la fin du deuxième et nagent désormais en pleine félicité.
Double gageure pour E.L. James, l’auteure des romans dont la saga est inspirée : quels jeux érotiques inventer pour de jeunes mariés ? quels rebondissements dans la vie sans histoire d’un couple heureux ?

La réponse est simple : aucun. Ce qui frappe le plus dans ce film est sa paresse. Le troisième volet se contente de reproduire, en plus fade, les recettes des deux premiers : trois ou quatre scènes de BDSM suffisamment pimentées pour faire rougir quelques  adolescentes et leurs boyfriends un soir de Saint-Valentin mais suffisamment chastes pour ne pas encourir une classification NC-17 aux États-Unis (on voit les seins d’Anastasia et les pectoraux de Christian mais leurs zones génitales sont pudiquement couvertes), un scénario qui ne démarre jamais tout à fait et qui, faute d’avoir une seule idée originale, reconvoque Jack Hyde, l’ancien patron d’Anastasia.

« C’est Cendrillon qui chouine dans sa guêpière » (copyright Mélanie Benoist). Du coup, Cinquante nuances plus claires se réduit à un long vidéo clip : des images léchées (si on ose dire) sur une musique à la mode. On y voit longuement le voyage de noces du couple glamour et milliardaire en France (so romantic !), leur retour à Seattle où ils ont des occupations de milliardaire : rouler dans des bolides, acheter des demeures fastueuses. Et puis … c’est tout.

On ne sait ce qu’il faut le plus regretter : que ce mom porn (film porno pour mères de famille) ait tant de succès, qu’il donne à penser aux plus jeunes que le BDSM est le mode normal d’une relation amoureuse (oui ! je sais ! je suis un vieux ringard rétrograde) … ou qu’un quatrième volet soit en cours de réalisation.

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Atelier de conversation ★☆☆☆

Ils sont chinois, américain, afghan, kurde, égyptien, japonais ou bolivien… Chaque semaine, à la bibliothèque du centre Beaubourg, ils participent en français à un atelier de conversation. Cet atelier met en contact des étrangers qui, au-delà de leurs différences d’âge, de langue, de culture, d’origine, ont en commun un vrai désir de comprendre le pays où ils résident.

Bernhard Braunstein est un cinéaste autrichien qui, lorsqu’il s’est installé à Paris, est venu améliorer sa pratique de la langue française en participant aux ateliers de conversation de Beaubourg. Il y a rencontré Raphaël Casadesus qui est en charge de leur animation. De cette rencontre est née l’idée de ce documentaire.

L’idée n’est pas mauvaise, qui consiste à filmer cette mosaïque d’individus. Les efforts qu’ils déploient pour s’exprimer en français sont touchants – et nous renvoient à des situations analogues d’incommunicabilité que nous avons tous peu ou prou vécues avec notre correspondant anglais de 4ème ou aux côtés d’un officiel serbo-croate mediocrement polyglotte à un diner officiel. La cordialité forcée de ces cercles de parole où les rires cachent la gêne se craquèle vite dès que des sujets sensibles sont abordés qui font surgir brutalement les antagonismes : ainsi de la colère éruptive de cet Égyptien copte qui s’insurge du manque d’assimilation d’un Syrien musulman qui cherche de la viande hallal.

Le rire est là quand on évoque les préjugés qui s’attachent à chaque nationalité. L’émotion affleure lorsqu’on discute du mal du pays. Mais au bout du compte, et même si ce documentaire ne dure que soixante-dix minutes, l’ennui bien vite s’installe à suivre des échanges qui frisent dangereusement le café du commerce sur les relations hommes-femmes et la crise économique.

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Human Flow ★☆☆☆

Ai Weiwei, le célèbre plasticien chinois, aujourd’hui exilé en Allemagne, est allé filmer les réfugiés partout autour du monde. En Europe d’abord, mais aussi en Afrique, en Asie et en Amérique. À partir de mille heures de rush, il a tiré une œuvre fleuve de deux heures vingt.

Le sujet est poignant. Il est d’une brûlante actualité. Aujourd’hui le monde compte soixante-cinq millions de réfugiés. Chassés par la guerre, la répression politique, la misère, ils affluent aux frontières de l’Occident qui lui oppose souvent barbelés et xénophobie.

Les images glanées par Ai Weiwei et ses équipes sont impressionnantes. Il réussit tout à la fois à filmer le « macro » (les foules, filmées du ciel, qui se pressent aux frontières de la Grèce ou dans les camps de Jordanie) et le « micro » (un Africain transi de froid qui débarque en Italie, une jeune Kurde qui se morfond d’ennui dans un centre en Allemagne)

Hélas, la démarche de Ai Weiwei n’est pas exempte de défauts.
Le premier est son penchant un peu trop marqué à se mettre en scène  dont on comprend mal la valeur ajoutée.
Le deuxième est l’ambiguïté d’une démarche qui hésite entre le documentaire pédagogique – illustré de nombreux sous-titres informatifs – et l’œuvre d’art aux images trop calculées, trop léchées.
Le troisième est le plus grave. C’est le manque de subtilité d’un documentaire qui aurait pu s’en donner les moyens. La question des migrations est complexe. Elle se présente différemment d’une région à l’autre – là où les belles images d’Ai Weiwei montrent un « monde plat ». La situation des Érythréens qui arrivent en Italie n’est pas celle des Syriens qui affluent en Grèce ou des Rohingyas chassés de Thaïlande.

À trop vouloir esthétiser la détresse des réfugiés, Ai Weiwei échoue à la rendre humaine. À vouloir à tout prix parler à notre cœur, il oublie que le spectateur a un cerveau.

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L’Amour des hommes ★☆☆☆

Amel est photographe. Elle expose ses premières œuvres lorsque son mari décède brutalement laissant cette orpheline seule avec sa belle-famille, des riche patriciens de Tunis. Encouragée par son beau-père, Amel décide de continuer à photographier et entend donner à son art un tour de plus en plus provocateur, invitant des jeunes hommes à poser nu pour elle. Mais c’est sans compter sur les résistances que ses choix suscitent, chez sa belle-famille et dans son entourage.

L’Amour des hommes aurait pu être un film extraordinaire. Un film sur la photographie – comme Blow up d’Antonioni dont il revisite l’affiche. Un film sur la libération des femmes – car Amel entend photographier le corps des hommes avec la même gourmandise que les hommes ont coutume de photographier celui des femmes. Un film sur la Tunisie contemporaine – couturée de tabous mais vibrante de ses libertés refoulées.

Mais hélas L’Amour des hommes est un film raté. Un film qui ne marche pas. Il ne s’en faut de pas grand-chose. Et je confesse volontiers une part de subjectivité assumée dans ce jugement à l’emporte-pièce.

Prenez l’élégante musique de Karol Beffa dont les accents veloutés ne sont pas sans rappeler ceux de Georges Delerue : ils conviendraient mieux à un drame bourgeois tourné par Chabrol ou Ozon dans la froideur de l’hiver parisien des années Pompidou qu’à ce film tunisien sous un soleil brûlant.
Prenez Hafsia Herzi. La jeune actrice d’origine tunisienne était, sur le papier, l’actrice parfaite pour le rôle d’Amel : suffisamment étrangère pour oser ce que les Tunisiennes n’oseraient pas, suffisamment tunisienne pour ne pas faire figure de pièce rapportée. Mais malheureusement, malgré son charme et son talent, la greffe ne prend pas et son jeu sonne faux, dès la première scène du film qui la confronte à la mort de son mari.
Prenez la figure de son beau-père, un patriarche cultivé qui prend l’orpheline sous son aile protectrice mais qui hélas se révèle tristement animé par de bien vils motifs… jusqu’à une scène splendide qui l’exonère de ses pêchés.
Prenez l’ultime pirouette de L’Amour des hommes qui voudrait exalter l’irréductible liberté d’Amel. Elle manque de crédibilité et fait tourner court la seule histoire d’amour du film.

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Black Panther ★★☆☆

À la mort de son père, le prince T’Challa (Chadwick Boseman) monte sur le trône du Wakanda. Ce petit pays enclavé d’Afrique connaît, à l’abri des regards envieux du monde extérieur, une prospérité enviable grâce aux réserves de vibranium que renferme son sous-sol.
Mais l’autorité du nouveau roi est bientôt menacée par son cousin, Erik « Killmonger » Stevens (Michael B. Jordan) qui a grandi aux États-Unis et entend rompre avec l’isolationnisme du Wakanda une fois qu’il sera monté sur le trône.

On m’a tant rebattu les oreilles avec Black Panther que j’ai fini par aller le voir près de deux mois après sa sortie. Pourtant je n’aime guère les films de super-héros dont je trouve les débordements pyrotechniques inutilement bruyants et les scénarios d’une affligeante pauvreté. À mon grand soulagement, Black Panther ressemble moins à un film de super-héros qu’à un film d’espionnage façon James Bond dont le héros, lesté de son lot de gadgets ingénieux (un masque de panthère et des super tongs), se déplace d’un continent à l’autre (de la Californie au Wakanda en passant par la Corée du sud – histoire de séduire le public asiatique) pour traquer un super-vilain.

Mais c’est surtout l’arrière-plan politique qui m’intéressait. On a déjà beaucoup glosé sur le sujet. Black Panther serait même le film ayant suscité le plus grand nombre de tweets de l’histoire du cinéma.
Inutile donc de rappeler que Black Panther, dont la quasi-totalité des acteurs sont noirs, est le premier super-héros noir de la franchise Marvel pourtant vieille de plus d’un demi-siècle et qu’il marquera de ce fait une étape importante dans le Black Empowerment – tout comme la place donnée aux femmes témoigne d’une attention accrue portée aux questions de genre.
Inutile de souligner l’engouement qu’a suscité dans la diaspora africaine et sur le continent noir l’image d’un pays africain épargné par la colonisation, libre de gérer ses ressources naturelles sans ingérence extérieure, et ayant brillamment réussi son développement sans renoncer à son authenticité.
Inutile aussi de critiquer l’Afrique caricaturale et fantasmée symbolisée par le Wakanda afrofuriste, qu’il s’agisse des décors construits en carton-pâte dans les studios d’Atlanta en y mélangeant les chutes d’Iguazu en Amérique latine et les chutes Victoria en Afrique australe ou des acteurs dont les caractéristiques empruntent aux coiffures zouloues, aux tenues masaïs et aux scarifications oromos.

Les deux héros incarnent deux conceptions de la question noire et des moyens de la résoudre. L’approche non violente du roi T’Challa rappelle Martin Luther King, celle plus violente de Killmonger évoque Malcom X. Mais c’est à un parallèle plus audacieux, sans doute plus improbable, qui m’est venu à l’esprit et que je n’ai trouvé nulle part dans l’immense littérature qui prolifère autour de Black Panther : le rapprochement avec Staline et Trotski qui, au lendemain de la mort de Lénine, prône, pour le premier l’avènement du socialisme dans un seul pays (à l’instar du roi T’Challa qui n’entend pas révéler au monde les bénéfices qu’apporte au seul Wakanda le vibranium) alors que le second était favorable à la révolution mondiale (comme Kikllmonger qui veut utiliser les richesses du Wakaneda pour défendre la cause des Noirs partout où ils sont opprimés).

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Call me by your name ★★☆☆

À l’été 1983, dans le nord de l’Italie, Elio passe ses vacances en famille. Son père, professeur d’histoire de l’art, accueille pour l’été un assistant de recherche, Oliver. Entre les deux jeunes hommes, malgré la différence d’âge (Elio a dix-sept ans seulement, Oliver a une dizaine d’années de plus) l’attirance est immédiate et irrépressible. Elio et Oliver tomberont bientôt dans les bras l’un de l’autre.

Call me by your name est un film solaire qui réussit à nous faire ressentir la chaleur d’un été italien et la fraicheur d’un bain de minuit.
C’est un film qui, avec un soin scrupuleux, fait revivre une époque, vieille déjà de près de trente-cinq années, mais qui, pour les gens de ma génération, a le parfum proustien des vertes amours enfantines – et la dégaine inimitable des années quatre-vingts.
C’est un film d’un raffinement exquis qui, dès son générique, nous permet d’accéder à une vie intellectuelle supérieure : la villa italienne qu’habitent pendant leurs vacances ce père anglais et archéologue, cette mère française et polyglotte – on découvre avec étonnement l’aisance d’Amira Casar à s’exprimer indifféremment en français, en anglais, en italien et en allemand – et ce fils surdoué a le charme décati et la vieille domesticité fidèle que n’ont pas les résidences de vacances des nouveaux riches.
C’est enfin et surtout un film d’une sensualité fiévreuse qui nous fait partager – ce qui, à mon âge avancé, est une sacrée gageure – l’excitation débordante d’un jeune homme pour qui tout est objet de désir : la jeune fille en fleurs qui le supplie de lui prendre sa virginité, un brugnon juteux (sic) et bien sûr ce splendide éphèbe américain qui danse aussi bien qu’il nage.

Malgré les immenses qualités de Call me by your name, je n’ai pas été séduit. Pire : je ne sais pas l’expliquer. Est-ce un vieux fond d’homophobie qui me rend insensible aux romances gays ? Si c’était le cas, ce serait triste, et même grave. Mais j’ai adoré Maurice, Le Secret de Brokeback Mountain ou La Vie d’Adèle. Ouf !

J’en ai marre de ne pas aimer les films que tout le monde qu’aime, de ne pas succomber à leur charme fou. Phantom Thread, La Forme de l’eau, Lady Bird et maintenant Call me by your name. Les meilleurs films de ce premier trimestre, encensés par la critique, salués par le public, qui ont désormais leur nom dans l’histoire du cinéma grâce aux Oscars, m’ont laissé de glace.

C’est grave docteur ? Oui. Oui parce que mes critiques répétitivement scrogneugneu vont vite se démonétiser à force de dire du mal de films qui ne le méritent pas. Oui parce que cette déprime hivernale est peut-être le signe que mon goût critique est en train de s’émousser et qu’il est temps pour moi de passer à autre chose sur quoi me faire les griffes : le tricot ? le hard metal ? la Premier League ?

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Lady Bird ★★☆☆

Sacramento a beau être la capitale de la Californie, c’est une ville provinciale qui suinte l’ennui. Christine McPherson, dix-sept ans, ne supporte plus la vie qu’elle y mène et veut à tout prix intégrer une université sur la Côte Est. Mais sa mère possessive s’y refuse et son père, qui vient d’être licencié, craint de ne pas en avoir les moyens financiers.
Christine (Saoirse Ronan qui crevait l’écran dans Brooklyn) est en pétard contre elle-même et contre la terre entière. Elle n’aime pas son prénom et s’en est donné un autre : Lady Bird. Elle a honte de  ses parents et de leur maison trop banale située « du mauvais côté du rail » alors que ses amis habitent dans des résidences plus cossues. Elle ne supporte plus la discipline rigoureuse du lycée catholique où elle est scolarisée. Elle se lasse bien vite de l’atelier de théâtre où elle rencontrera pourtant son premier amoureux (Lucas Hedges déjà vu dans 3 Billboards et Manchester by the sea). Elle ne supporte plus non plus sa meilleure amie dont elle s’éloigne pour ne pas être ridiculisée par son nouveau copain, le bassiste d’un boys band qui prend des poses de poète maudit (Timothée Chalamet nommé aux Oscars pour son rôle dans Call me by your name)

Lady Bird est le premier film de Greta Gerwig, une actrice qui s’est faite une réputation dans les films de son compagnon, Noah Baumbach, où elle campe une jeune femme un peu rêveuse, un peu bohème, qui se cherche une place dans la vie. D’ailleurs, Lady Bird – qui est largement inspirée de la propre adolescence de Greta Gerwig, native de Sacramento, s’achève là où commence Mistress America ou Frances Ha dont l’héroïne entame des études à l’université à New York.

Lady Bird serait un film remarquable s’il n’était pas précédé d’une réputation aussi élogieuse. Ses cinq nominations aux Oscars et ses deux Golden Globes (meilleure comédie et meilleure actrice) le desservent paradoxalement. Car on s’attend à un grand film, un film digne de figurer au panthéon des meilleurs. Lady Bird est un film sympathique, attachant, charmant, sensible. C’est déjà beaucoup. Mais Lady Bird n’est pas un grand film.

Lady Bird ressemble aux dizaines, aux centaines de films qu’on a déjà vus sur le même sujet : le coming of age d’une adolescente tourmentée dans un environnement lénifiant. Les critiques soutiennent que Lady Bird se distingue de cet archétype usé jusqu’à la corde par je-ne-sais quelle magie. Je n’y ai pas été sensible. J’y ai au contraire vu la reproduction des mêmes recettes : la meilleure amie obèse, la star du lycée qui roule en 4×4, le copain gay, le dépucelage décevant, etc. Sans doute l’ensemble est-il joliment troussé, bien joué et intelligemment amené. Mais rien qui justifie que Lady Bird figure au hit parade des meilleurs films de l’année.

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Les Garçons sauvages ☆☆☆☆

Cinq garçons de bonne famille commettent une crime sauvage sur leur ancienne professeure. Ils passent en jugement. Ils sont remis à un capitaine louche qui promet de les redresser. Commence pour eux une longue odyssée vers une île mystérieuse.

Les Garçons sauvages arrivent sur les écrans nimbé d’un parfum de scandale. Bertrand Mandico s’est fait un nom dans les courts et moyens métrages. Le nom d’un réalisateur au style unique, qui n’hésite pas à bousculer les genres, à transgresser les frontières. Son premier long est lesté de références aussi écrasantes qu’hétéroclites : Robert Louis Stevenson pour le récit d’aventures et le capitaine cruel,  William Golding pour cette histoire de jeunes garçons échoués sur une île déserte, William Burroughs pour l’onirisme halluciné, David Lynch pour le bizarre et le fantastique, Alain Robbe-Grillet pour l’esthétique érotique, Guy Maddin pour le noir et blanc satiné, etc.

J’ai tout détesté dans Les Garçons sauvages. Son esthétique prétentieuse qui se voudrait gothique et queer à la fois. Son maniérisme. Son noir et blanc chichiteux – entrelardé de quelques plans en couleurs d’une rare laideur. Son attachement fétichiste à une forme d’autant plus sophistiquée qu’elle peine à cacher un contenu totalement creux. Les giclées de sperme et les jets d’urine qui ponctuent son film et qui voudraient choquer le bourgeois – qui en a vu d’autres. Ses dialogues ridicules (« l’espérance est un bonheur presque égal au bonheur »). La fausse bonne idée qui consiste à faire endosser le rôle des ces cinq jeunes hommes par cinq actrices. Sa longueur interminable (près de deux heures) là où un format plus court aurait amplement suffi.

Mais mon opinion est personnelle et mon « coup de gueule » subjectif. Tout en détestant ce film et en m’y étant copieusement rasé, j’en reconnais de bonne grâce l’originalité sinon la qualité. Mon goût pour des formes de cinéma plus conventionnelles, moins audacieuses, ne doit pas me conduire à vouer aux gémonies celles qui s’en écartent pour explorer d’autres voies moins balisées et à reprocher aux critiques unanimes leur enthousiasme excessif pour un film surfait.

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La Fête est finie ★★★☆

Céleste (Clémence Boisnard) a dix-neuf ans. Elle ne connaît pas son père et sa mère, trop jeune et vite débordée (Marie Denarnaud, abonnée aux rôles de jeunes filles dont on réalise avec effroi qu’elle a déjà quarante ans) n’a pas su s’occuper d’elle. Clémence fume/sniffe/croque tout ce qui passe : shit, coke, héroïne, MDMA… Après un accident sur la voie publique, elle se retrouve (de son propre chef ? sous la contrainte ?) en centre de détoxication. Le même jour y arrive Sihem (Zita Henrot), vingt-six ans, dont les antécédents sont moins claires. Entre les deux filles, la complicité est immédiate : complicité pour faire face au régime quasi-carcéral du centre dont elle défie allègrement la dureté des règles, mais complicité aussi pour reprendre en main leurs vies dont elles ont bien conscience qu’elles prennent un tour suicidaire.

La Fête est finie raconte sur un mode quasi-documentaire le parcours de ces deux jeunes filles pour sortir de la dépendance. La réalisatrice connaît son sujet qui confie avoir été toxicomane et être sortie de la dépendance. On voit d’abord Céleste et Sihem en centre au milieu d’autres dépendants avec lesquels les échanges ne sont pas toujours fluides. On les voit ensuite rendues à la vie civile, l’épée de Damoclès de la rechute pesant au dessus de leurs vies.

Le sujet a déjà été souvent traité. Le Dernier pour la route avec François Cluzet et Mélanie Thierry le racontait avec la même finesse. On pense aussi à La Tête haute avec Benoît Magimel, Catherine Deneuve et Rod Paradot (César du meilleur espoir masculin en 2016 mais hélas disparu des radars depuis lors) dont le jeune héros n’était pas dépendant mais qui se déroulait en milieu de rééducation fermé. Dans trois semaines, précédé d’une critique élogieuse, sortira La Prière, qui met en scène un jeune drogué qui rejoint une communauté religieuse (Anthony Bajon vient de recevoir à Berlin l’Ours d’argent du meilleur acteur pour ce rôle).

Comme l’annonce la riante photo de l’affiche, La Fête est finie est l’histoire d’une amitié entre filles – qui rappelle les duos féminins de Divines ou de Tout ce qui brille. Ce duo évite les stéréotypes. D’origine maghrébine, Sihem est issue d’une famille unie qui pourrait constituer pour elle un cocon et dont les autres enfants ont brillamment réussies. En revanche, c’est Céleste qui accumule les handicaps sociaux. C’est elle qu’on sent plus immature, moins entourée et du coup plus menacée par la rechute alors que l’expérience de la zone a instruit Sihem de l’urgente nécessité de se réinsérer par un travail stable.

Cette belle histoire d’amitié – dont la dimension homosexuelle est élégamment esquissée – est remarquablement servie par deux comédiennes hors pair. On retrouve Zita Henrot, la révélation de Fatima qui lui valut en 2016 le César du meilleur jeune espoir féminin. C’est elle qu’on aperçoit ces jours-ci dans la publicité pour le Printemps du cinéma aux côtés de Finnegan Oldfiled. Mais c’est surtout Clémence Boisnard qui crève l’écran. La première scène la voit défigurée par le manque, les traits tirés, prématurément vieillie. Plus tard, elle retrouve des traits poupins, une coiffure sage. Elle a des rires qui irradie, des rougissements d’adolescente – comme lorsqu’elle demande en boîte de nuit à un garçon de l’embrasser pour dissiper le malaise qui précède le premier baiser.

Sans doute suis-je bien généreux en donnant trois étoiles à ce film qui ne bouleversera pas l’histoire du cinéma. Mais, écrasé par d’autres sorties plus commentées, mal distribué, il risque fort de passer inaperçu. Donnez lui sa chance…

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Moi, Tonya ★★★☆

Une petite leçon de rattrapage pour ceux qui, en janvier 1994, ne s’intéressaient pas au patinage artistique et/ou n’avaient pas encore atteint l’âge de raison : à quelques semaines des Jeux olympiques de Lillehammer, la patineuse Nancy Kerrigan était tabassée. Une autre patineuse, Tonya Harding, elle aussi en lice pour la qualification aux J.O., fut  accusée d’avoir fomentée cette agression.

Moi, Tonya est un faux documentaire qui revient sur un fait divers qui, quelques mois avant l’affaire O.J. Simpson, avait tenu l’Amérique en haleine et marqué les débuts de l’info en continu. Ses principaux protagonistes, interprétés par des acteurs professionnels, sont interviewés face caméra, comme le seraient les participants à une enquête télévisée.

Mais Moi, Tonya s’intéresse moins à « l’incident » de janvier 1994 qu’à la vie de Tonya Harding. Abandonnée par son père, élevée par une mère violente, trop tôt mariée à un parfait loser, Tonya Harding était une « white trash » dans un sport qui ne lui a pas laissé sa chance.

Le scénario de Steven Rogers est subtil qui évite le manichéisme. Il donne la part belle à Tonya Harding, que campe une Margot Robbie enlaidie, une gageure pour l’actrice sans doute la plus sexy du moment (je ne me suis pas remis de sa scène dans Le Loup de Wall Street). Mais pour autant, Moi, Tonya n’instruit pas le procès en réhabilitation de l’athlète la plus haïe de l’histoire du patinage artistique. Si Tonya démontre un courage admirable, physique et psychologique, face à l’adversité, elle n’en affiche pas moins un refus buté d’accepter ses responsabilités.

C’est avec un humour jubilatoire, qui rappelle celui des frères Cohen, que ces pauvres types décérébrés et violents sont croqués. Il faut rester jusqu’au bout du générique, qui nous montre les interviews des véritables protagonistes pour constater avec effarement que la réalité surpassait la fiction : Tonya, sa coiffure ridicule, ses tenues impayables, son mari bas du front avec son inénarrable moustache, sa mère (interprétée avec une délectation sadique par Allison Jeanney l’inoubliable porte-parole de la Maison-Blanche dans West Wing) et un garde du corps glouton et mythomane…

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