Wajib – L’invitation au mariage ★☆☆☆

Un père marie sa fille. Comme le veut l’usage en Palestine, il sillonne Nazareth pour remettre en mains propres aux invités les invitations à la cérémonie. Son fils l’accompagne, qui a choisi le chemin de l’exil.

On comprend vite l’intention de Annemarie Jacir, une jeune réalisatrice palestinienne à l’œuvre délicate. Elle est double. D’une part, faire la radioscopie de la société palestinienne à travers les amis que les deux protagonistes rencontrent au fil de leur pérégrination : Chrétiens ou Musulmans, riches ou pauvres, conservateurs ou modernistes, pro- ou anti-OLP… D’autre part, brosser le portrait d’un père et de son fils que la vie a éloignés, sur lesquels plane la figure de la mère absente, partie vivre avec un autre à l’étranger. Le père a choisi de rester en Palestine et de s’y accommoder des difficultés d’un régime d’occupation, quitte à nouer avec des Juifs des liens d’amitié que le fils réprouve. Le fils lui, a choisi de vivre à l’étranger, en Italie, dans le souvenir idéalisé d’un pays qui a bien changé depuis son départ.

Le projet du film est estimable. Sa réalisation est loin d’être mauvaise, servie par l’interprétation impeccable de ses deux protagonistes principaux, père et fils à l’écran comme à la ville. Le problème de Wajib est que le fil qui le tient est trop ténu pour susciter l’intérêt. On se lasse vite de la déambulation de ce père et de son fils, de leurs rencontres répétitives, de leur dialogue à fleurets mouchetés et de leurs franches engueulades.

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La Forme de l’eau ★☆☆☆

C’est l’histoire d’un homme-poisson que des méchants ont emprisonné et que des gentils veulent libérer.

Je pourrais – comme je  m’évertue à le faire chaque matin – faire un effort et vous présenter un résumé autrement plus élaboré de La Forme de l’eau. Je pourrais vous dire que son action se déroule au début des années soixante, en pleine Guerre froide, à Baltimore, que son héroïne est une jeune femme muette employée comme femme de ménage dans une base secrète de l’armée américaine, qu’une créature aquatique, mi-poisson, mi-homme, y a été capturée et y est soumise aux pires sévices par un gardien sadique, que notre héroïne se prend de compassion pour la mystérieuse créature et décide de la libérer avec l’aide d’une collègue noire, d’un voisin homosexuel et d’un espion russe. Mais ce serait bien long pour un scénario qui, tout bien considéré, se résume aisément en une phrase plus courte.

Je plaide coupable par avance car La Forme de l’eau est le grand favori des Oscars – et que je n’aurais rien à redire à sa victoire annoncée sur les autres films nommés, tels Get OutPhantom Thread ou 3 Billboards qui ne m’ont guère plus convaincu. Mais ce plébiscite critique et public ne m’empêchera pas de faire entendre une voix dissonante. La créature filmée « dans une diaprure bleu-vert » (dixit Le Monde) ? Le copier-coller de la créature du lagon noir sorti en 1954 – qui fut le premier film visionnable en trois dimensions grâce à des lunettes bicolores. L’héroïne muette ? Un personnage dont on ne comprend pas le traumatisme originel et l’étonnante attirance pour l’eau – dans laquelle elle se livre chaque matin à des libations étonnamment lestes pour un film tout public. Les autres personnages ? une galerie politiquement correct de ce que tout ce que l’Amérique compte de minorités opprimées.

Vous avez aimé La petite sirène de Walt Disney ? Vous aimerez peut-être Le grand triton de Guillermo del Toro [je viens de passer deux heures à chercher l’équivalent masculin de la sirène et ne me cherchez pas des poux dans la tête si le triton ne correspond pas tout à fait]. La somptuosité gothique des décors ? la merveilleuse histoire d’amour ? l’hymne à la tolérance ? Je n’ai vu dans le conte de fées de Guillermo del Toro à la naïveté assumée qu’une historiette simpliste aux personnages manichéens et à l’intrigue cousue de fil blanc.

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Corps étranger ★☆☆☆

Samia a fui son son pays pour gagner la France. Elle y retrouve Imed, un ami de son frère, qui lui offre l’hospitalité. Samia, qui vit dans la peur d’être arrêtée et expulsée, trouve un travail chez Laila, une riche bourgeoise, qui vient de perdre son époux. Laila prend Samia sous son aile. Mais Imed se montre vite jaloux.

Raja Amari s’était fait connaître en 2002 en tournant Satin rouge, un film sur une mère de famille trop sage qui s’adonne à la danser du ventre dans un cabaret. C’était la première fois qu’Hiam Abbas occupait la tête de l’affiche. Depuis l’actrice palestinienne a fait la carrière qu’on sait en France, au Moyen-Orient et même aux États-Unis (on l’a vue au casting de Blade Runner 2049 ou du Munich de Spielberg). Pendant ce temps, la jeune réalisatrice tunisienne a disparu, sortant un seul film en 2010.

Raja Amari retrouve son actrice fétiche quinze ans après Satin rouge. Elle a vieilli, mais pas vraiment changé. À cinquante ans passé, Hiam Abbas joue le rôle d’une femme dont le mariage lui a permis de s’intégrer à la société française mais dont le veuvage la laisse désemparée. La relation qu’elle noue avec la jeune Samia est ambigüe. Elle l’accueille comme une mère, l’héberge, lui achète des vêtements, lui donne de l’argent. Mais, sevrée de tout contact physique depuis la mort de son mari, Laila nourrit envers Samia des sentiments plus troubles.

Imed vient compliquer cette relation – qu’illustre à merveille la belle affiche du film. Par délégation du frère de Samia, emprisonné au pays pour son intégrisme religieux, il veille sur elle. Il fait peser sur la jeune femme le double interdit de la religion et de la tutelle masculine. Corps étranger est l’histoire de ce trio, ou plutôt de ce quatuor car le frère quoiqu’absent et invisible – on ignore s’il est encore en prison ou s’il s’en est échappé pour la France – est présent dans tous les esprits.

La première moitié du film est stimulante qui met lentement ce trio en place. La seconde moitié déçoit qui peine à l’exploiter. Après une scène phare qui réunit dans l’appartement cossu de Laila les trois protagonistes, ivres d’alcool, de musique et de solitude, Corps étranger se dégonfle. Comme si le scénariste avait manqué d’idées pour exploiter une situation pourtant riche de potentialités. Dommage…

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Un jour ça ira ★☆☆☆

L’Archipel est un centre d’hébergement en plein Paris qui accueille, dans les anciens locaux de l’Institut national de la protection intellectuelle, avant leur réfection, des familles étrangères. Les frères Zambeaux y ont posé leur caméra, s’attachant notamment à deux pré-ados d’une douzaine d’années, Djibi et Ange. Djibi  vit avec sa mère immigrée du Sénégal ; Ange est seule avec son père. Grâce aux ateliers d’écriture et de chant qui leur sont proposés, Djibi et Ange créent un peu de beauté et d’espoir.

Pendant douze ans Edouard Zambeaux a présenté Périphéries sur France Inter. Il s’y intéressait aux marginaux, aux petits, aux sans-grades. C’est avec la même empathie qu’il filme les familles du 115, le numéro d’urgence des mal-logés, ballottés d’hôtels en meublés. Djibi les appelle les « serial déménageurs ».

Un jour ça ira décrit la vie des occupants, l’ennui de leurs journées sans but, l’inquiétude que suscite la fermeture imminente de l’Archipel et le relogement hypothétique de ses résidents. Il décrit aussi le travail remarquable de dévouement des travailleurs sociaux qui en assurent la gestion et qui animent les activités proposées aux jeunes. On ne peut, en particulier, s’empêcher de saluer le talent de la chanteuse-parolière-pianiste Peggy Rolland dont la voix et la rythmique permettent, le temps d’une chanson, de faire oublier les couacs de ses élèves pas toujours doués.

Un jour ça ira a le défaut de ses qualités. L’émotion qu’il nous fait partager est parfois un peu trop racoleuse. La larme qu’il nous fait verser est souvent de trop. Autrement plus critiques et autrement plus convaincants étaient les documentaires sur l’accueil en Cada (Les Arrivants, 2008) et sur l’apprentissage du français à des jeunes étrangers (La Cour de Babel, 2013).

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L’Insoumis ★★☆☆

Gilles Perret, savoyard revendiqué, s’est fait une réputation de documentariste sérieux et engagé en traitant à bras le corps des sujets austères : l’histoire industrielle (De mémoire d’ouvriers, 2011), la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance (Les Jours heureux, 2012), la création de la Sécurité sociale (La Sociale, 2016).
Il a suivi au jour le jour la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon de février à avril 2017.

Difficile de critiquer un documentaire sur Jean-Luc Mélenchon sans critiquer Jean-Luc Mélenchon. Car le personnage clive. Soit il séduit ; soit il horripile.

Gilles Perret n’avance pas masqué. De gauche voire d’extrême-gauche, il confesse sa sympathie pour le candidat de la France insoumise ou, à tout le moins, pour les idées qu’il a portées durant cette campagne présidentielle chamboule-tout. Il ne nous fait pas croire en une impossible neutralité – que revendiquait Depardon en 1974 mais que tout son fameux documentaire 1974, une partie de campagne contredit.

Et l’image qu’il donne de Jean-Luc Mélenchon est largement positive. Ses qualités sont exaltées : sa formidable énergie, sa capacité de travail, son aisance oratoire et surtout son attachement aux petits, aux sans-grades. Ses défauts sont excusés : ses accès de colère sont présentées comme une force de caractère et un signe d’authenticité, son histrionisme est la marque d’une légitime ambition, son soi-disant autoritarisme est corrigée par les nombreuses séquences où on le voit recueillir les avis et les conseils de son comité de campagne.

Est-ce à dire que le portrait de Gilles Perret vire à l’hagiographie ? Ce serait lui faire un procès injuste. Car Gilles Perret est sincère. Sincère quand il décrit un candidat vieillissant, agacé par le jeunisme d’un Macron, incapable de lire autrement qu’à travers les œillères étriquées d’un marxisme daté. Sincère quand il le suit le soir du premier tour, convaincu qu’il se qualifiera d’un cheveu pour le second, s’accrochant aux sondages qui le lui font miroiter et tardant, du coup, à accepter la défaite et à appeler à voter pour Emmanuel Macron et contre Marine Le Pen.

Quelle que soit l’opinion qu’on a de Jean-Luc Mélenchon, L’Insoumis mérite d’être vu. Il ne fera changer d’avis personne : ceux qui l’aiment l’aimeront sans doute un peu plus – et verseront une larme sur cette campagne pleine d’espoir. Ceux qui le détestent ne le détesteront pas moins – même si peut-être ils lui reconnaîtront plus d’humanité qu’ils ne lui en avaient soupçonné.

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The Ride ★☆☆☆

En décembre 1890, trois cents Sioux lakota sont massacrés par le 7ème de cavalerie à Wounded Knee. Pour entretenir leur mémoire, leurs descendants entreprennent chaque année une chevauchée commémoratives de plusieurs de centaines de kilomètres à travers les plaines enneigées du Dakota. La documentariste Stéphanie Gillard les a suivis.

Mise à part une brève introduction très pédagogique qui nous explique les événements historiques de la fin du dix-neuf siècle, The Ride adopte un parti pris radical et minimaliste. Le documentaire commence le premier jour de la chevauchée et se termine à son arrivée à Wounded Knee. Ni plus ni moins. Pas de voix off. Pas d’inserts. Un documentaire qui alterne de longs plans séquences filmant en panoramique la caravane qui s’achemine lentement et des discussions, à la veillée, avec des anciens ou des plus jeunes.

Car cette chevauchée, on le comprend vite, a une vocation pédagogique. Il s’agit pour les aînés de transmettre aux plus jeunes le souvenir de leur histoire. Ils le font avec une grande douceur, sans désir de vengeance ce qui donne à The Ride un parfum de western mélancolique. Sans quitter la petite communauté des cavaliers, on comprend vite qu’elle est isolée au milieu des États-Unis, qui ont dépossédé les Amérindiens de leur identité culturelle. (Mal) intégrés, ils parlent anglais, portent des jeans et vivent comme des Américains de la classe pauvre. Juchés sur leurs chevaux, avec leurs bâtons de prière, ces descendants des Sioux massacrés à Wounded Knee sont tout à la fois majestueux et dérisoires.

Le problème est que The Ride manque de souffle et que l’interprétation (stimulante ?) que je viens d’en faire est plus le produit d’une relecture a posteriori que d’un ressenti sur le coup. En se bornant à suivre la morne caravane, qui traverse la plaine gelée sans qu’aucune péripétie ne vienne égayer sa lente pérégrination, Stéphanie Gillard n’échappe pas à l’ennui qui bientôt s’installe et ne nous quittera plus.

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L’Apparition ★★★★

Reporter de guerre, traumatisé par la mort de son photographe en Syrie, Jacques Mayano (Vincent Lindon) est mystérieusement convoqué au Vatican. On lui propose d’y présider une commission d’enquête canonique. Une jeune novice (Galatea Bellugi), dans les Alpes françaises, prétend avoir vu apparaître la Vierge. Couvée par un prêtre en rupture de ban (Patrick d’Assumçao), cette jeune orpheline élevée en foyer qui vient de rejoindre un couvent de moniales avait seize ans à peine au moment des faits. Des pèlerins affluent en masse sur les lieux de l’apparition, inquiétant à la fois les autorités civiles et religieuses.

Cinéaste de la mystification, le réalisateur de Marguerite et À l’origine s’avance sur le terrain miné de la foi. Il traite une apparition mariale sur le mode du thriller – en confiant bizarrement le soin de l’enquête non à un policier mais à un journaliste. Et il y réussit magistralement, multipliant les fausses pistes et les rebondissements.

Il y est aidé par une distribution impeccable. Vincent Lindon joue toujours le même rôle : celui du type taiseux et bourru qui ne comprend pas, s’interroge et s’énerve. mais ce rôle là lui va comme un gant et colle au personnage de Jacques Mayano. Déjà remarquée dans les excellents Réparer les vivants et Keeper, deux de mes films préférés de l’année 2016, Galeata Bellugi irradie. Ses yeux bleus, sa peau diaphane, sa voix douce donnent au personnage de la jeune voyante une crédibilité sans laquelle le film aurait boîté.

Mais le thriller a ses limites : il appelle une fin simple où l’on voit l’enquêteur élucider le mystère. Et bien souvent cette élucidation est plus décevante que l’enquête qui y a conduit. Ici, le problème semble binaire : soit les apparitions ont eu lieu, soit elles sont le produit du cerveau malade d’une jeune fille mythomane. Tout le film navigue entre ces deux possibilités et nous fait toucher du doigt la difficulté de prouver aussi bien la réalité d’un phénomène paranormal (comment « prouver » une apparition mariale ?) que son inexistence (comment apporter la preuve négative que la Vierge n’est pas apparue ?).

La critique hélas n’a pas le droit de révéler la solution de l’énigme. Elle est étonnante. Je lis ici ou là qu’elle est artificielle. Le Monde, qui a la dent dure, évoque – non sans humour – un deus ex machina. Bien au contraire. J’ai rarement vu conclusion plus intelligente, résolution d’une énigme plus subtile et plus appropriée. Elle tient à distance le mensonge et la vérité et dépasse l’alternative simpliste dans laquelle le scénario semblait s’être enferré. Surtout, elle esquisse une voie de sainteté inattendue loin du Barnum ridicule des lieux de pèlerinage, vers une démarche plus modeste de pardon, de sacrifice et d’amour.

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Phantom Thread ★☆☆☆

Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis) est un immense couturier londonien qui ne vit que par son art. Sa sœur Cyril (Lesley Manville) veille jalousement à son bien-être et s’assure que rien ne le distraie de sa routine.
Reynolds Woodcock fait la conquête d’Alma (Vicky Krieps), rencontrée dans une modeste auberge sur la côte anglaise. Il la séduit et la ramène avec lui à Londres.

Les louanges pleuvent sur le dernier film de Paul Thomas Anderson. Au point qu’elles me complexent de juger trop sévèrement un film que je n’ai ni compris ni aimé. J’avais eu la même réaction début 2016 devant Carol, un film qui n’est pas sans présenter de nombreuses analogies avec Phantom Thread.

Pour commencer, les critiques considèrent le jeune réalisateur américain comme l’un des plus talentueux de sa génération. J’avoue ne pas partager cette admiration. Ni Inherent Vice, ni The Master ni même There WIll Be Blood ne m’avaient en leurs temps convaincu. Ce Phantom Thread inutilement maniéré me confirme dans le sentiment qu’Anderson loin d’être un génie est tout au mieux un habile faiseur.

Mais venons en à son dernier film. Commençons par la musique de Jonny Greenwood pour laquelle, là encore, on crie au génie. Tout en en saluant l’élégance de sa partition, je l’ai trouvée inutilement envahissante. Elle ne s’interrompt jamais. Quelle en est la fonction ? Qu’est-ce qui en justifie l’omniprésence pour des personnages qui jamais n’en écoutent ou n’en discutent ? On a parfois l’impression que le réalisateur, avec cette musique si racée, a voulu en rajouter une couche, comme un chef prétentieux qui étalerait du caviar sur un canapé de foie gras.

Évoquons les acteurs. Dans le rôle de l’oie blanche Vicky Krieps. Pour montrer qu’elle sort du ruisseau, on l’a découvre servant le petit déjeuner dans un troquet de province. Pour souligner combien Woodcock l’impressionne, on lui fait piquer un fard à chacun des mots qu’il lui adresse. Quant au personnage principal, il est interprété par Daniel Day-Lewis, un des plus grands artistes contemporains, le seul à avoir jamais emporté trois fois l’Oscar du meilleur acteur (en 1990 pour My Left Foot, en 2008 pour There Will Be Blood et en 2013 pour Lincoln) en attendant un quatrième peut-être pour ce Phantom Thread où il est nominé. Il est bien sûr terriblement séduisant dans le rôle du sombre Woodcock. Mais sa voix volontairement fluette et son jeu étonnamment monolithique – surtout si on le juge à l’aune de l’immense talent de cet acteur – finissent vite par lasser.

Venons-en à l’essentiel : le propos du film. On lit qu’il s’agit d’une vengeance féminine. Phantom Thread serait l’histoire du renversement d’un lien de domination. Il est difficile de discuter du comportement d’Alma sans révéler top hardiment le contenu du film. Mais je puis dire que la décision qu’elle prend, et qu’elle prend à deux reprises, pour renverser ce lien de domination, est radicale et surprenante, pour ne pas dire dénuée de toute crédibilité. Quant à la réaction de Woodcock, surtout à la seconde occurrence, il faudra que des spectateurs plus perspicaces que moi – et plus versés dans les relations de domination au sein du couple – me l’expliquent.

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Le Retour du héros ★★☆☆

Au grand dam de Élisabeth sa sœur aînée (Mélanie Laurent), Pauline Beaugrand s’est amourachée du capitaine Neuville (Jean Dujardin). Le fringant officier doit aller combattre en Autriche et promet à sa fiancée de lui écrire chaque jour. Il n’en fait rien, la laissant dépérir. Élisabeth prend alors la plume et écrit, à la place de l’absent, des missives tendres où il narre une vie aventureuse. Mais, convaincue qu’il ne reviendra jamais, elle décide de faire mourir Neuville aux Indes pour permettre à sa sœur, vite consolée par un nobliau dégénéré, de tourner la page et fonder un foyer.
Mais tout se dérègle quand Neuville, qui avait en fait déserté les armées napoléoniennes, revient pouilleux et sans le sou.

Le Retour du héros mérite-t-il les critiques cinglantes qui ont accompagné sa sortie ? Je suis partagé. Et sans doute la présence à mes côtés de mon fils cadet, fan inconditionnel de Jean Dujardin dont il connaît par cœur chacune des répliques dans OSS117, m’a-t-elle influencé.

Certes Le Retour du héros n’est pas un chef d’œuvre. Loin s’en faut. C’est une grosse comédie signée par Laurent Tirard dont la marque de fabrique n’est pas la subtilité (Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté, Un homme à la hauteur). Un gros glaviot craché dans un landau ; une godiche qu’on subjugue en la giflant [c’est bien connu : les femmes aiment qu’on les gifle] ; des Cosaques le sabre entre les dents qui menacent de mettre à feu et à sang la douce Bourgogne [c’est bien connu : les Cosaques ont envahi la Bourgogne en 1812]. On est plus proche de Claude Zidi ou d’Édouard Molinaro que de Philippe de Broca ou de Jean-Paul Rappeneau.

Pour autant Le Retour du héros n’est pas aussi calamiteux qu’on le dit. D’abord par son scénario qui réussit à tenir la durée. Quand Neuville revient, Pauline pourrait révéler son imposture et le film s’arrêter faute d’enjeu. Mais Laurent Tirard et Grégoire Vigneron parviennent à multiplier les rebondissements inattendus, qui prennent à contre-pied le spectateur et le conduisent sans regarder sa montre à une conclusion qui n’était qu’à moitié escomptée.

Mais Le Retour du héros vaut surtout par son interprétation. Il faut dire un mot des rôles secondaires joués par une brochette d’acteurs impeccables dont le visage est souvent familier mais le nom injustement oublié : Féodor Atkine, Laurent Bateau, Christian Bujeau. Noémie Merlant dans le rôle de la sœur benjamine un peu cruche et Christophe Montenez dans celui de son mari pusillanime sont tordants.
Et bien sûr les deux héros principaux. Jean Dujardin qui réjouira ses fans – et désespèrera ceux qui considèrent non sans motif que sa carrière fait du surplace : toujours aussi séduisant, toujours aussi drôle. Mais surtout Mélanie Laurent qui n’est pas loin de lui voler la vedette sans en faire des tonnes, par quelques mimiques, quelques regards, quelques soupirs. La démonstration si besoin en était qu’elle compte désormais parmi les plus grandes.

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Revenge ★★☆☆

Trois hommes d’affaires ont l’habitude chaque année de se payer un week-end entre mecs dans une luxueuse maison au milieu du désert. Pour expulser leur trop-plein de testostérone, ils s’adonnent à leur passion : la chasse.
Mais cette année, l’un d’entre eux est arrivé avec sa jeune maîtresse. Sa présence ne laisse pas les deux autres mâles insensibles. Elle est violée, laissée pour morte. Mais la proie deviendra prédatrice.

Le Rape and revenge est un sous-genre à part entière, qui emprunte parfois au thriller (Millenium), au drame (L’Eté meurtrier), au film d’action (Kill Bill). Le scénario part d’un ou plusieurs viols  suivi de la vengeance de sa victime ou de ses proches. Le propos n’est pas sans ambigüité : si le viol est dénoncé, la façon d’y répondre, qui retourne contre ses auteurs la violence dont ils ont usés, est légitimée.

Coralie Fargeat, jeune réalisatrice française passée par les meilleurs écoles (Sciences Po Paris, l’atelier scénario de la Femis) utilise les codes du film d’horreur pour réaliser un rape and revenge movie décomplexé. La recette est simple : une femme, trois hommes, un viol qui la laisse pour morte, une revanche déclinée en trois actes. Elle est sans surprise. Elle ne s’embarrasse pas de crédibilité. Elle n’en est pas moins fichtrement efficace.

Un tel scénario aurait pu faire un navet. Mais Coralie Fargeat s’est donné les moyens de réussir un film qui se laisse regarder. Un budget de deux millions d’euros. Un tournage au Maroc. Et deux acteurs qui pimentent le casting : la hotissime Matilda Luz et le non moins sexy Keve Janssens qu’on aperçoit tour à tour, égalité des sexes oblige, dans les tenues les plus dénudées qui soient.

Et c’est peut-être là qu’on touche les limites de l’exercice. On lit en effet, en pleine affaire Weinstein et #MeToo, que Coralie Fargeat aurait signé un pamphlet féministe dénonçant les violences faites aux femmes. Mais quel public son film attira-t-il sinon quelques porcs que font saliver les jolies fesses [peachy ass en VO] de l’héroïne ?

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