Coma ☆☆☆☆

Une adolescente (Louise Labèque, découverte dans Zombi Child) est recluse dans sa chambre. Son seul contact avec le monde extérieur est Internet. Elle est fidèle à la chaîne de la YouTubeuse Patricia Coma (Julia Faure) qui vend des gadgets et distille des conseils de vie dérangeants. Elle retrouve ses amies sur Face Time. Elle joue avec ses poupées Barbie et Ken – auxquelles le regretté Gaspard Ulliel, Laetitia Casta, Louis Garrel et Anaïs Demoustier prêtent leurs voix. La nuit, dans ses cauchemars, elle rejoint une forêt obscure peuplée d’ombres inquiétantes.

Le cinéma de Bertrand Bonello a le mérite de l’originalité : L’Apollonide, Saint Laurent, Nocturama, Zombi Child…. Il a ses inconditionnels afficionados. Il a aussi le don de m’horripiler. Je le trouve paresseux, creux, vain. Filmé à l’économie, Coma pousse au paroxysme ces défauts à mon sens rédhibitoires. Il mêle dans un grand n’importe quoi soi-disant lynchien une interview de Deleuze, des plans de rue en split screen filmés par des caméras de vidéosurveillance, des cartons de dessin animé, une lettre ouverte du réalisateur à sa fille (dont la lecture du dossier de presse nous apprend qu’elle a le même âge que l’actrice qui interprète l’héroïne), etc.

Pendant vingt minutes, on écarquille les yeux, étonné. Pendant l’heure qui suit, on les ferme, écrasé par l’ennui, dérouté par une accumulation aussi grotesque de non-sens prétentieux.

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Ariaferma ★★☆☆

En Sardaigne, au cœur de l’hiver, un pénitencier au bord de la ruine est sur le point de fermer définitivement ses portes. Ses derniers gardiens célèbrent tristement sa fermeture tandis que sa directrice a déjà fait ses cartons. Mais un ultime contretemps empêche le transfert d’une douzaine de prisonniers. Ils sont regroupés dans une aile de la prison sous le contrôle d’une poignée de gardes le temps de leur trouver un toit.

Des films sur la prison, on en a vu treize à la douzaine : Le Trou, Un condamné à mort s’est échappé, La Grande Évasion, Papillon, Haute Sécurité, Les Évadés, la Ligne verte, Un prophète… Ils sont souvent construits sur le même modèle. Ils sont filmés du point de vue des prisonniers. Ils n’euphémisent pas la violence déshumanisante qui règne entre les murs mais magnifient la solidarité qui se noue entre les détenus. Ils racontent leurs tentatives, pas toujours réussies, d’évasion.

Ariaferma adopte un point de vue différent à équidistance des détenus et de leurs gardiens, réunis contre leur gré par un malheureux concours de circonstances. Il oscille sur un fil ténu. D’un côté, il maintient tout du long une tension anxiogène qui fait craindre qu’une étincelle provoque une explosion de violence destructrice. De l’autre, il laisse espérer un impossible rapprochement entre deux groupes condamnés à garder leurs distances : celui des matons et celui des taulards.

Le premier est incarné par Gaetano Gargiuolo, le plus gradé des gardiens, propulsé bien malgré lui à la direction de la prison. L’immense Toni Servillo (dont je suis le seul à ne pas avoir aimé l’interprétation dans La Grande Bellezza, un film unanimement adulé) lui prête ses traits. Face à lui, silencieux et roué, Carmine Lagioia (interprété par Silvio Orlando, acteur fétiche de Nanni Moretti), dont on ne saura rien des motifs de l’incarcération, mais dont on suspecte qu’il fut un capo de la mafia. Les deux hommes s’affronteront-ils ou se tendront-ils la main ? Je vous laisse découvrir Ariaferma pour le savoir.

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Inu-Oh ★☆☆☆

Au XIVème siècle, au Japon, Tomona, un jeune orphelin frappé de cécité joue du biwa en nourrissant le projet de venger son père assassiné. Dans les rues de Kyoto, il rencontre Inu-Oh, une étrange créature aux bras démesurément longs et au visage monstrueux caché par un masque. C’est le fils du directeur de la plus célèbre troupe de théâtre de la capitale impériale. Les deux jeunes gens forment un duo décapant dont les concerts révolutionnaires rencontrent un immense succès.

Inu-Oh est l’adaptation d’un roman de Hideo Furukawa paru en 2017, Le Roi chien. Ce livre est inspiré du Dit des Heike, un grand classique de la littérature médiévale japonaise, qui raconte la lutte entre deux clans de samouraï pour le contrôle du Japon et la bataille dantesque qui les oppose à Dan-no-ura en 1185. C’est avec cette bataille que débute l’histoire de Inu-Oh, dont l’un des deux héros, Tomona, est le fils d’un plongeur assassiné alors qu’il vient de retrouver au fond des océans une épée, en fait un des trois trésors sacrés dont la réunion permettra à celui qui les possède de prétendre au titre d’empereur.

Le Dit des Heike est un texte qui s’est transmis oralement à travers les siècles. Les Biwa hoshi, les prêtres au luth, qui sillonnaient le pays en récitant cette épopée et en s’accompagnant au biwa, en étaient les gardiens. Tomona, le fils du plongeur assassiné, incarne cette tradition.

C’est cette ancienne tradition historique qui a inspiré Masaaki Yuasa, réalisateur de Lou et l’Île aux sirènes, Cristal du long métrage à Annecy en 2017, et de Ride your Wave. La musique joue un rôle important dans son film, qui compte notamment une séquence musicale délirante de près de trente minutes, dont les images folles m’ont rappelé les délires psychédéliques de The Yellow Submarine. Tout ce que l’animation autorise y est utilisé.

Je reconnais volontiers à ce cinéma ébouriffant une énergie folle et un exotisme rafraîchissant. Mais, j’ai beau essayer de m’ouvrir à des styles de cinéma qui ne me sont pas familiers, j’ai du mal à sympathiser avec ces formes-là, trop déroutantes, trop extravagantes pour moi.

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Cow ★★☆☆

« Le Silence de Luma ». Je continue, sans aucun succès à ce jour, à faire de l’oeil avec cette proposition de titre au DRH de Libération (ou de Télérama ?) dans l’espoir insensé qu’il cherche à recruter un critique de cinéma . Elle est assez obscure même si elle se veut très maline. Certains auront peut-être reconnu ma fine allusion au film des frères Dardenne, Le Silence de Lorna.

Expliquons-nous : Luma est le nom de la vache qu’Andrea Arnold a filmée pendant plusieurs années dans un film sans parole tourné, comme ceux des films Dardenne, en plan très rapproché, au plus près des « acteurs ».

On ne saura rien de Luma, sinon des paroles échangées entre son propriétaire et le vétérinaire, qu’elle attend son sixième veau. On la découvre dans son environnement quotidien : une ferme anglaise qu’on imagine ni pire ni meilleure que beaucoup d’autres. Sa vie s’y écoule entre les traites (quotidiennes ?) pratiquées grâce à un impressionnant dispositif automatisé, les vêlages (tous les ans ?) et, quand la belle saison enfin le permet, la pâture dans de vertes prairies.

La comparaison avec EO, le film de Jerzy Skolimowski sorti six semaines plus tôt, vient aussitôt à l’esprit. Cow comme EO – deux films qui pourraient l’un comme l’autre prétendre au titre le plus court jamais donné – respectent le même dispositif filmique : ils sont tous deux tournés à hauteur de bête (et on ne peut se retenir d’imaginer le nombre de coups de tête que les malheureux machinistes ont reçus pendant ces deux tournages). Mais ils n’ont pas le même angle : EO accompagnait, comme l’âne de Au hasard Balthazar, une bête dans ses rencontres avec toute une galerie de personnages humains. Il n’y a aucun humain dans Cow qui entend se focaliser uniquement sur la vie de Luma.

Cette vie, je l’ai dit, n’a rien de palpitant. Pourtant on ne s’ennuie pas une seule minute pendant les quatre-vingt-quatorze minutes de ce documentaire. Non pas que sa réalisatrice soit allée inventer des rebondissements rocambolesques. Mais le quotidien de Luma suffit à lui seul à capter l’attention : la naissance de ses veaux, les soins affectueux qu’elle leur prodigue, son déchirement lorsqu’ils lui sont arrachés…

Cow pose la question de l’anthropomorphisme et du biais que tout documentaire animalier est porteur. Andrea Arnold s’en défend. Elle revendique avoir tourné un documentaire qui en serait exempt, c’est-à-dire un documentaire qui ne donnerait pas au comportement et aux réactions de Luna une interprétation anthropomorphique. On veut bien le lui reconnaître. Mais le débat est peut-être faussé. Car, anthropomorphes ou pas, nous percevrons toujours le comportement d’un animal à travers nos schémas humains, trop humains. Quand Luma meugle désespérément après que son veau lui a été retiré, c’est nécessairement, pour nous humains, la détresse d’une mère séparée de son bébé que Luma incarne.

Cow est-il militant ? est-il un plaidoyer contre les violences animales et les conditions de vie imposées aux vaches laitières ? Je n’en sais trop rien. Et cette incertitude sera peut-être, pour les militants de la cause animale, la preuve de mon indifférence voire de ma complicité inconsciente avec un scandale écologique. Mais j’avoue au contraire que cette incertitude constitue à mes yeux une qualité et un hommage à ce documentaire.

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Mes rendez-vous avec Léo ★★☆☆

Nancy Stokes (Emma Thompson) a dépassé la soixantaine. Pendant des années, elle a enseigné sans passion l’éducation religieuse à des collégiennes qui ne s’y intéressaient pas. Son mari, qui ne s’est jamais soucié de lui donner du plaisir, est mort depuis peu. Son fils, qui transpire l’ennui, et sa fille, qui au contraire est un peu trop iconoclaste à son goût, vivent loin d’elle.
Au crépuscule de sa vie, Nancy a décidé de se payer les services d’un escort pour découvrir enfin les joies de l’amour physique. C’est ainsi qu’elle va faire la connaissance de Leo Grande (Daryl McCormack).

Dès l’affiche, on sait à quoi s’en tenir : Mes rendez-vous avec Léo s’attaque  à deux sujets encore tabous il y a quelques années, la prostitution masculine et la sexualité du troisième âge. La posture des deux acteurs donne le ton : ils ne seront traités ni sur un mode comique – même si la moue d’Emma Thompson laisse planer un doute – ni sur un mode romantique, ni sur un mode pornographique. Mais alors sur quel mode seront-ils traités ?

Sur un mode théâtral : Mes rendez-vous avec Léo opte pour une forme austère et exigeante. Il se déroulera, tout du long, dans l’hôtel où « Nancy » et « Leo » – car il s’agit évidemment de noms d’emprunt – se retrouvent. Tout passera donc par les dialogues entre les deux protagonistes. On pourrait craindre le formalisme de cette mise en scène. Le piège est évité grâce à la richesse des dialogues qui ratissent large. Il y sera question non seulement du passé de « Nancy », de ses inhibitions, de ses frustrations, mais aussi de celui de « Leo ».
Ces dialogues, très écrits n’évitent pas quelques incohérences et quelques lieux communs. Par exemple, on peine à comprendre comment un personnage aussi claquemuré que Nancy peut oser solliciter un escort, un acte qui, pour une personne de son âge et de son milieu, constitue une sacrée transgression. De même, les explications de Leo à Nancy, qui ne manque pas de l’interroger sur les motifs qui le poussent à se prostituer, ne sont pas d’une grande originalité.

Mes rendez-vous avec Leo est sauvé par le brio de ses acteurs.
Daryl McCormack a les yeux de Cupidon et le torse d’Apollon. Publicité ambulante pour les services d’escort, il donnerait envie aux duègnes les plus bégueules de faire immédiatement appel à ses services
Mais c’est Emma Thompson qui est la meilleure dans son rôle. Un rôle difficile menacé par le double écueil de la comédie (provoquée par la confrontation qui peut donner à rire de deux corps que près de quarante ans séparent) et de la mièvrerie (on redoute à chaque moment que Nancy et Leo tombent bêtement amoureux l’un de l’autre). Emma Thompson réussit à conserver à son personnage sa dignité – elle n’est pas une veuve rougissante qui cherche désespérément son premier orgasme – sans lui ôter son humanité – sa confrontation avec Leo est l’occasion pour elle d’une prise de conscience lucide des erreurs qu’elle a commises sa vie durant.

Mes rendez-vous avec Leo se termine par un plan (dé)culotté, qui en impose par sa sincérité et son audace.

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Le Torrent ★☆☆☆

Alexandre (José Garcia), la petite cinquantaine, a deux enfants :  Lison d’un premier lit, qui vient de réussir son permis de conduire et, avec Juliette (Ophelia Kolb), sa seconde épouse, Darius, un petit garçon âgé de dix ans à peine. Un week-end, que Lison est venue passer chez eux dans le beau chalet qu’Alexandre, Juliette et Darius occupent au-dessus de Gérardmer, Alexandre apprend que Juliette a eu une liaison. Une violente dispute éclate. Juliette claque la porte. Alexandre saute dans sa voiture, la rejoint, veut la forcer à y monter. La jeune femme glisse, tombe et se tue.
Écrasé par la stupeur et le chagrin, Alexandre craint d’être accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Il convainc Lison, qui avait été réveillée par la dispute, de le couvrir. Mais une enquête policière est diligentée lorsque le corps de Juliette est retrouvé. Alexandre saura-t-il écarter les soupçons que font peser sur lui à la fois l’officier de gendarmerie chargé de l’enquête (Anne Le Ny) et le père de Juliette (André Dussollier) venu avec son épouse pleurer sa fille et prendre soin de son petit-fils ?

Le Torrent est un film policier construit selon une mécanique inhabituelle. Aucun mystère n’entoure l’accident dont Juliette a été victime et la responsabilité d’Alexandre. Le suspense est ailleurs : dans le succès ou l’insuccès d’un homme à se blanchir d’un crime dont il risque d’être accusé. D’ailleurs une telle accusation n’est pas acquise par avance : la tempête qui s’est déclenchée la nuit des faits et qui a emporté le corps de Juliette dans un torrent en crue offre à Alexandre un solide alibi.
On retrouve ici le même schéma que dans Trois jours et une vie, le roman de Pierre Lemaitre porté à l’écran par Nicolas Boukhrief en 2019, qui brassait, comme ce Torrent, les thèmes du mensonge et de la responsabilité en mettant en scène un enfant, auteur d’un homicide involontaire, qui échappe à toute inculpation mais doit porter sa vie durant le poids de cette culpabilité tue.

Le Torrent ne va pas si loin. Il ne dépasse pas le stade pépère du polar bien ficelé. Tout dans son scénario, dans sa mise en scène, dans son casting, qui convoque des têtes d’affiche passées d’âge et de mode, sent la naphtaline. Mais la naphtaline ne sent pas si mauvais et son odeur est une garantie : Le Torrent, à défaut de nous emporter, ne nous fera pas passer un mauvais moment.

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Le Lycéen ☆☆☆☆

Lucas est un lycéen sans histoire. Il vit en Savoie entouré de l’affection aimante de sa mère (Juliette Binoche), professeure des écoles, et de son père (Christophe Honoré himself), prothésiste dentaire. Son homosexualité assumée ne pose aucun problème à sa famille. Sa vie éclate brutalement lorsque son père meurt dans un accident de la circulation. Son frère aîné (Vincent Lacoste), qui s’est installé à Paris, propose de l’héberger quelques jours pour lui changer les idées. Lucas y fait la rencontre de Lilio (Erwan Kepoa Falé), le meilleur ami de son frère, un artiste noir déclassé, et en tombe immédiatement amoureux.

Christophe Honoré a perdu son père à quinze ans. Dans une troublante mise en abyme, il prend la place de ce mort en interprétant le rôle du père de Lucas, et le volant de la voiture (donc pas la place du mort) dans laquelle son père se tuera (donc il est bien à la place du mort). Comprenne qui pourra….
La mort du père occupe le premier tiers du film qui en comprendra deux autres. Ils suivent Lucas dans son travail de deuil. Sa première partie se déroulera à Paris chez ce frère aîné auquel Lucas est si intimement lié mais avec lequel pourtant il ne cesse de s’affronter dans de violentes disputes. Sa seconde – dont je je dis déjà trop – voit Lucas revenir à Chambéry, plonger au fond du gouffre et en ressortir.

Je conçois parfaitement qu’on puisse s’enthousiasmer pour ce Lycéen, qu’on y voie le portrait, doux et dur à la fois, d’un adolescent en pleine crise existentielle. Je comprends qu’on salue la révélation de Paul Kircher, le fils de la sublime Irène Jacob (dont le dernier plan dans La Double Vie de Véronique constitue pour moi, et à jamais, un sommet de grâce indépassable). Je comprends encore qu’on puisse être touché par le chagrin de ce deuil, surtout si on l’a soi-même vécu, et par les tâtonnements de cet adolescent qui, au seuil de l’âge adulte, se cherche une place dans le monde.

Mais, je dois hélas avouer que ce quatorzième fils de Christophe Honoré, comme d’ailleurs la plupart de ses précédents depuis Dans Paris, Les Chansons d’amour, Plaire, aimer et courir vite, m’a déplu. Je n’aime pas les affèteries de son cinéma (un mot dont je maîtrise mal le sens mais qui, dans mon esprit critique son artificialité, ses tics, sa vacuité). Je le trouve parisianiste dans le pire sens du terme, vain, superficiel ou, pour le dire autrement, faussement profond.
C’est le jugement sans appel et éminemment subjectif que je porte sur le personnage chouinant de Lucas auquel je me suis retenu, tout le film durant, de filer des claques en le renvoyant dans sa chambre.

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Une comédie romantique ★☆☆☆

César (Alex Lutz), un artiste raté, revient à Paris après trois ans d’absence. Il squatte l’appartement de son frère, dont l’épouse est sur le point d’accoucher. Il retrouve Salomé (Golshifteh Farahani), son amoureuse, qu’il avait abandonnée sans lui donner de nouvelles et qui élève désormais leur petite fille, âgée de trois ans. Est-il trop tard pour César pour se racheter et reconquérir Salomé ?

Sitôt la question posée, on connaît déjà sa réponse. Un coup d’oeil à l’affiche aura suffi. Une comédie romantique est une comédie du remariage, comme le cinéma de l’âge d’or de Hollywood savait nous en offrir (Cette sacrée vérité, L’Impossible Monsieur Bébé) et comme il en retourne encore de temps en temps quelques unes (Ticket to Paradise, que je n’ai pas vu, en est semble-t-il le dernier médiocre avatar en date).

J’adore Alex Lutz. Je n’ai pas eu la chance d’assister à ses seuls en scène. Mais j’ai trouvé 5ème set (sur l’impossible retour au sommet d’un joueur de tennis vieillissant) et surtout Guy (sur un artiste de variété déchu) incroyablement originaux et réussis.
J’attendais beaucoup de sa rencontre avec l’incandescente Golshifteh Farahani. Je n’ai pas été déçu par le jeu des deux acteurs, aussi pétillants l’un que l’autre. Mais j’ai été consterné par la platitude du scénario de ce film, tourné dans le décor archi-caricatural de Montmartre. Tout récemment, l’adaptation de la BD de Bagieu & Boulet, La Page blanche, y avait été tournée aussi. C’est à se demander ce que les réalisateurs recherchent dans ces décors essorés jusqu’à la trame depuis une certaine Amélie P.

On ne pourra pas reprocher à cette Comédie romantique de nous tromper sur la marchandise. Son titre, son affiche annoncent la couleur. J’aurais dû me méfier et m’épargner d’aller le voir en salles. Un film parfait à regarder avec son amoureux.se un dimanche sous la couette…. mais pas mieux.

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Juste une nuit ★★☆☆

Fereshteh est une jeune Iranienne, installée de fraiche date à Téhéran, qui a caché à ses parents provinciaux sa grossesse et la naissance de son enfant dont le père refuse d’assumer la paternité. C’est la panique quand ses parents s’invitent chez elle sans préavis, risquant de découvrir le pot-aux-roses. Elle doit d’urgence vider son appartement des objets susceptibles de révéler l’existence de son bébé et le confier à un bon Samaritain pendant qu’elle accueillera ses parents.

Le cinéma iranien est décidément d’une étonnante richesse. Il est aussi – et c’est un reproche qu’on a mauvaise conscience de lui adresser – un peu répétitif : les grands réalisateurs que sont Jafar Panahi ou Asghar Farhadi nous livrent à chaque fois des histoires tragiques qui nous serrent le cœur, où il est question de libertés étouffées et de destins contrariés. Sans doute a-t-il de bons motifs de l’être, l’actualité nous rappelant la révolution qui y couve.

Juste une nuit a été conçu et tourné avant les événements récents. Il n’en annonce pas moins la trame en prenant pour héroïne une de ces femmes iraniennes qui ploient sous l’adversité, confrontées à une société patriarcale déshumanisante. Parce que son amoureux n’était pas prêt à le reconnaître, parce que ses parents n’étaient pas prêts à l’entendre, elle a dû assumer seule sa maternité et la naissance de son enfant. Pour l’épauler, elle ne peut compter que sur une amie, Atefeh. Mais Atefeh, qui habite dans une résidence universitaire, ne peut pas héberger l’enfant. Pas plus ne peut-elle prendre une chambre d’hôtel qu’on refuserait de louer à une femme seule avec un bébé qui n’est pas le sien. Il faut donc lui trouver un toit et un gardien.

Le film, quasiment réalisé en temps réel, suivra pendant quelques heures les deux amies dans une course contre la montre asphyxiante. Son défaut est qu’on sait par avance qu’elles échoueront systématiquement – dans l’hypothèse inverse, le film s’arrêterait immédiatement : en sonnant à la porte d’une voisine, en sollicitant un ancien flirt, en retrouvant la trace du père… Chaque épisode est une nouvelle étape sur un long chemin de croix, de plus en plus pénible. On pense à Rosetta ou Deux jours, une nuit des frères Dardenne et à leurs héroïnes têtues filmées de dos, comme les deux héroïnes de Juste une nuit.

Le défaut de ce film est sa linéarité qui prend le spectateur en otage. Il se termine comme on l’avait pressenti. Il se clôt sur un gros plan face caméra, une formule de style qui devient la norme (c’est avec le même regard que se terminent La Maison sorti le même jour ou Les Repentis sorti la semaine précédente), mais qui est diablement efficace.

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Rimini ★★☆☆

Richie Bravo (Michael Thomas) est un crooner vieillissant qui chante des mélopées sirupeuses dans des thés dansants organisés pour quelques touristes allemandes du troisième âge dans la cité balnéaire de Rimini, sur la côte adriatique, à la morte saison. Il vivote des cachets de ses concerts et des cadeaux de ses amantes, vieilles et esseulées. Sa mère vient de mourir en Autriche et son père se meurt dans un EHPAD. La vie de Richie Bravo bascule lorsque sa fille, Tessa, lui rend visite à Rimini et exige qu’il lui paie les pensions alimentaires qu’il n’a jamais versées à sa mère.

Ulrich Seidl est un réalisateur autrichien provocateur et dérangeant. Il vient du documentaire et ses fictions en gardent la trace. Sa filmographie est une radioscopie houellebecquienne du mal-être de ses contemporains, de leur misère sentimentale et sexuelle et du passé mal refoulé de ses compatriotes autrichiens.
Son triptyque Paradis n’avait rien de paradisiaque : l’Amour est celui, voué à l’impasse, d’une quinquagénaire esseulée pour un go-go boy kenyan, la Foi est celle d’une prêcheuse fanatique qui transforme son appartement en chapelle expiatoire, l’Espoir est celui d’une adolescente obèse qui tombe amoureuse de son nutritionniste.
Son Sous-sols renvoyait évidemment au ça freudien, aux zones les plus turpides de notre inconscient.

Son dernier film en date est aussi amer et dérangeant que les précédents. Il est filmé dans le décor incroyable d’une station balnéaire italienne noyée dans un épais brouillard et même recouverte de neige. Il montre, sans en rien édulcorer (ses scènes de sexe glauques lui valent une interdiction justifiée aux moins de douze ans) la vie sordide d’un vieux gigolo qui profite de la solitude de ses admiratrices pour leur arracher quelques billets. On comprend qu’il a connu sinon la gloire du moins une certaine notoriété qui lui a permis de vivre dans une relative aisance. Mais sa grande villa envahie des reliques de cette gloire passée porte les marques de sa lente et inexorable décrépitude.

Le film aurait pu en rester là. Il l’aurait dû. Mais il aurait risqué de faire du sur place. Pour le dynamiser, le scénario a imaginé l’irruption de la fille du héros. C’est dommage. Car les efforts de Richie Bravo pour renouer les liens avec sa fille perdue de vue semblent bien mièvres au regard de ce qu’on avait vu jusque là sans avoir besoin de le verbaliser.
On sait par avance que Rimini se conclura par le versement du père à sa fille de la dette qu’il lui doit. En ayant déjà trop dit, je n’en dirai pas plus. Mais j’évoquerai pour la déplorer une postface sentencieuse et inutile.

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