Hans Blix est un diplomate suédois qui a consacré sa vie à la défense de la paix. Il est surtout connu comme le chef de la mission onusienne de contrôle du désarmement en Irak qui, en 2003, résistant à l’incroyable pression des faucons néoconservateurs de Washington, a refusé de conclure à l’existence d’armes de destruction massive en Irak.
Nonagénaire plus très ingambe, mais l’esprit toujours alerte, il a accueilli chez lui à Stockholm une jeune documentariste tchéco-suédoise et lui a ouvert ses archives.
Blix not Bombs est un documentaire officiellement sorti en salles le 28 juin dernier mais n’ayant fait hélas l’objet d’aucune diffusion, sinon dans une ou deux salles parisiennes ultra-confidentielles à l’occasion de séances spéciales quasiment désertes faute d’avoir été suffisamment bien annoncées. J’ai réussi à force de persévérance à le voir début septembre au Studio Galande entre une demi-douzaine de spectateurs dont le trait commun était d’avoir un vague lien d’amitié avec la réalisatrice ou son distributeur.
Blix not Bombs sera bientôt diffusé sur Arte qui l’a co-produit. Ne le ratez pas si les relations internationales, la diplomatie ou l’histoire vous intéressent. Vous y revisiterez une des pages les plus connues de l’histoire récente – celle de l’invasion annoncée de l’Irak de Saddam Hussein par la coalition dirigée par les États-Unis. À l’époque un Suédois, qui fut ministre des affaires étrangères de son pays à la fin des 70ies, puis directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne, dans les 80ies et les 90ies, dirigeait depuis deux ans, à la demande de son ami Kofi Annan, la mission onusienne chargée de vérifier le désarmement de l’Irak. Cette mission, semblable à tant d’autres, allait être placée au cœur de l’actualité par les attentats du 11-Septembre et la volonté paranoïaque de Washington de s’en venger en écrasant un bouc-émissaire.
Calmement, dans un anglais parfait, avec un sourire inaltérable et une affabilité jamais prise en défaut, Hans Blix explique ce qu’il a fait – chercher en Irak des armes de destruction massive – et ce qu’il n’a pas pu faire – empêcher les Américains de déclarer une guerre qu’ils avaient décidé de lancer quoi qu’il arrive. Sans donner tort aux uns ni aux autres, il explique le ressort de leur comportement : le refus de l’humiliation pour les Irakiens, le désir de vengeance pour Américains. Il souligne une idée simple : la difficulté, sinon l’impossibilité, de présenter une « preuve négative », la preuve que quelque chose – des ADM en Irak ou des punaises de lit dans cette pièce – n’existe pas.
La patience et la subtilité de ce diplomate madré contrastent avec la candeur et la naïveté des questions que la jeune documentariste lui pose. Considérant à tort que sa mission fut un échec, elle veut à tout prix lui arracher des regrets ou des remords. Blix s’y refuse. Il lui répond que sa tâche ne fut pas vaine, que si, en effet, il n’a pas réussi à éviter la guerre, il a évité que l’ONU accrédite l’idée fausse de l’existence d’ADM en Irak et autorise le déclenchement des hostilités.
La présence dans le champ de la réalisatrice – qui ne nous épargne ni les VHS de ses anniversaires d’enfant, ni l’échographie de son premier-né – est le seul défaut de ce portrait remarquable d’un diplomate hors pair.