Richie Bravo (Michael Thomas) est un crooner vieillissant qui chante des mélopées sirupeuses dans des thés dansants organisés pour quelques touristes allemandes du troisième âge dans la cité balnéaire de Rimini, sur la côte adriatique, à la morte saison. Il vivote des cachets de ses concerts et des cadeaux de ses amantes, vieilles et esseulées. Sa mère vient de mourir en Autriche et son père se meurt dans un EHPAD. La vie de Richie Bravo bascule lorsque sa fille, Tessa, lui rend visite à Rimini et exige qu’il lui paie les pensions alimentaires qu’il n’a jamais versées à sa mère.
Ulrich Seidl est un réalisateur autrichien provocateur et dérangeant. Il vient du documentaire et ses fictions en gardent la trace. Sa filmographie est une radioscopie houellebecquienne du mal-être de ses contemporains, de leur misère sentimentale et sexuelle et du passé mal refoulé de ses compatriotes autrichiens.
Son triptyque Paradis n’avait rien de paradisiaque : l’Amour est celui, voué à l’impasse, d’une quinquagénaire esseulée pour un go-go boy kenyan, la Foi est celle d’une prêcheuse fanatique qui transforme son appartement en chapelle expiatoire, l’Espoir est celui d’une adolescente obèse qui tombe amoureuse de son nutritionniste.
Son Sous-sols renvoyait évidemment au ça freudien, aux zones les plus turpides de notre inconscient.
Son dernier film en date est aussi amer et dérangeant que les précédents. Il est filmé dans le décor incroyable d’une station balnéaire italienne noyée dans un épais brouillard et même recouverte de neige. Il montre, sans en rien édulcorer (ses scènes de sexe glauques lui valent une interdiction justifiée aux moins de douze ans) la vie sordide d’un vieux gigolo qui profite de la solitude de ses admiratrices pour leur arracher quelques billets. On comprend qu’il a connu sinon la gloire du moins une certaine notoriété qui lui a permis de vivre dans une relative aisance. Mais sa grande villa envahie des reliques de cette gloire passée porte les marques de sa lente et inexorable décrépitude.
Le film aurait pu en rester là. Il l’aurait dû. Mais il aurait risqué de faire du sur place. Pour le dynamiser, le scénario a imaginé l’irruption de la fille du héros. C’est dommage. Car les efforts de Richie Bravo pour renouer les liens avec sa fille perdue de vue semblent bien mièvres au regard de ce qu’on avait vu jusque là sans avoir besoin de le verbaliser.
On sait par avance que Rimini se conclura par le versement du père à sa fille de la dette qu’il lui doit. En ayant déjà trop dit, je n’en dirai pas plus. Mais j’évoquerai pour la déplorer une postface sentencieuse et inutile.