Lizzie (Michelle Williams), la petite quarantaine, n’arrive pas à mettre la dernière main aux céramiques qu’elle doit exposer dans quelques jours à peine. Tout conspire à la déconcentrer de sa tâche : son travail administratif dans l’école d’art que dirige sa mère, son vieux père, son frère psychotique, la maison qu’elle loue dont la propriétaire refuse de remplacer la chaudière hors d’âge, jusqu’au pigeon que son chat a laissé pour mort et que Lizzie se voit contrainte de soigner….
Tout en en reconnaissant la valeur, je ne suis pas un fan inconditionnel du cinéma de Kelly Reichardt (River of Grass, Old Joy, Certaines femmes, First Cow). Je lui reproche ses afféteries arty, cette façon de faire passer du silence pour de la profondeur… alors qu’il n’y a que du vide.
Aussi, suis-je allé voir à reculons son dernier film, attendant plusieurs semaines après sa sortie début mai, échaudé par les avis mitigés de plusieurs amis pourtant spontanément plus indulgents que moi pour les films de cette cinéaste indé très West Coast.
Pour autant, à rebours de mes préventions, j’ai beaucoup aimé ce Showing Up au titre intelligemment polysémique.
Certes il ne s’y passe pas grand-chose. On sait par avance que le récit s’organisera autour d’un compte à rebours jusqu’à ce vernissage qu’attend et redoute tant Lizzie.
Mais Showing Up a une vertu rare : il montre des artistes au travail. Trop souvent, les films consacrés à des écrivains, à des peintres, à des sculpteurs les montrent occupés à tout un tas de choses sauf à écrire, peindre ou sculpter. En particulier, Showing Up nous évite plusieurs passages obligés des biopics des grands artistes qui nous racontent leur ascension et leur chute ainsi que les impossibles amours que la passion dévorante de leur art les empêche de vivre sereinement sans jamais les montrer au travail.
Rien de tel dans Showing Up qui est beaucoup plus terre à terre. Son héroïne est une femme banale, que Michelle Williams, pourtant si belle (Manchester by the Sea, The Fabelmans), semble prendre plaisir à jouer en s’enlaidissant : le cheveu gras, chaussée de Crocs horribles et de chaussettes marronnasses et difformes.
On peut se demander la part d’ironie qu’il y a dans cette interprétation et, plus largement dans ce film.. Kelly Reichardt et Michelle Williams se moquent-elles de la petite communauté d’artistes qu’elles peignent ? Peut-être. Mais, elles le font avec beaucoup de délicatesse. Showing Up ne verse jamais dans la satire grinçante, mais préfère, comme Paterson de Jim Jarmusch, creuser un sillon rare et précieux : celui de la création artistique.