Tara, Skye et Em sont les meilleures amies du monde. Elles viennent de terminer leurs études secondaires. Dans l’attente des résultats à l’examen d’entrée à l’université et avant de commencer leurs études supérieures et se séparer peut-être, les trois Anglaises partent quelques jours à Malia en Crète dans une station balnéaire. Elles sont bien décidées à y faire une bringue d’enfer.
Le springbreak américain a fait des émules en Europe. Quelques destinations lowcost ensoleillées (Ia Crête, Antalya, les Canaries…) sont devenues le point de ralliement de young adults anglais, allemands ou suédois des deux sexes qui dans des pool parties débridées y jettent leur gourme, avant de rentrer gentiment à Newcastle à Dortmund ou à Göteborg.
Tara, Skye et Em font partie de ces Girls Gone Wild. Elles en sont même la caricature. En ont-elles conscience ? Sans doute. Mais peu importe. Elles sont là pour s’amuser et, s’agissant de Tara, pour se débarrasser d’une virginité devenue à dix-huit ans, embarrassante.
Quand j’ai vu la bande-annonce de How to have Sex, j’ai cru à un thriller. On y apprend en effet – sans qu’on puisse me reprocher un spoiler dont la bande-annonce elle-même se rend coupable – qu’après une folle nuit, Tara a disparu. J’ai cru un instant que la seconde moitié du film serait une enquête sur les circonstances de sa disparition.
Mais il n’en est rien. Tara a simplement – si on ose dire – fait l’amour avec un garçon. Une expérience banalement décevante, dont elle peine à se remettre.
How to Have Sex aurait pu être un film #MeToo sur le consentement, comme on en voit tant ces temps-ci, mettant en scène une jeune fille violée sur une plage crétoise. Il a l’intelligence de ne pas céder à cette facilité. Les mots « viol », « consentement », abus de faiblesse » n’y sont jamais prononcés.
Pour autant bien sûr, How to Have Sex n’occulte ni le sexisme de ces séjours sea, sex and sun, ni les rôles obligés que les garçons et les filles se sentent contraints d’y tenir (de ce point de vue, le personnage de Badger et la profondeur qu’il cache m’ont beaucoup touché). Les filles sont condamnées à y être des bimbos décervelées dont le potentiel de séduction est inversement proportionnel à la largeur du tissu qui les habille. Quant aux garçons, la banane en bandoulière, ils sont la caricature de beaufs machistes.
Mais, loin de se réduire à la dénonciation de ces situations, How to Have Sex se révèle être une réflexion autrement plus profonde, et moins manichéenne, sur la féminité, la perte de la virginité, l’entrée dans l’âge adulte. Le personnage de Tara, incroyablement interprété par la révélation Mia McKenna-Bruce, présente plusieurs facettes. C’est une boule d’énergie, la voix éraillée d’avoir trop crié, trop fumé et trop bu. C’est une petite poupée maquillée comme un camion volé, avec deux centimètres de fond de teint et presqu’autant de maquillage. Mais c’est aussi une gosse mal dégrossie, mal à l’aise dans son corps, qui peine à sortir de l’enfance et entre dans l’âge adulte à reculons.
Prix Un certain regard au dernier festival de Cannes, How to Have Sex est un film qui, sans effet de style superflu, laisse une trace durable. Longtemps après, on garde en souvenir, comme le montre fort bien l’affiche du film, Tara, sa solitude dans la foule bruyante, son angoisse existentielle.