Ahmet a quatorze ans. Il vient de faire sa rentrée scolaire dans un des meilleurs lycées de la ville. Mais son père, un riche homme d’affaires fraîchement converti, a décidé de le placer dans un pensionnat confessionnel. Ahmet est condamné à vivre alternativement dans ces deux mondes opposés et inconciliables.
L’action de Yurt se déroule en Turquie, durant l’année scolaire 1996-1997. À cette époque, le pays est déchiré entre deux mouvements : d’un côté les kémalistes laïcs et modernistes, de l’autre les religieux conservateurs. L’époque verra d’ailleurs la brève arrivée au pouvoir de Necmettin Erbakan, le chef du parti de la postérité. Renversé par les militaires après un an seulement d’exercice du pouvoir, il aura néanmoins ouvert la voie à l’un de ses lieutenants, Recep Tayyip Erdoğan.
Ces événements politiques constituent la toile de fond de Yurt. Parce qu’ils sont bien connus du spectateur turc, le film n’en dit mot. Sans doute le sont-ils moins du spectateur occidental, laissé dans l’inconnu à leur sujet. Le film en effet se focalise sur l’élève Ahmat – comme Robert Musil et Volker Schlöndorff s’intéressaient aux désarrois de l’élève Törless, la décomposition de l’empire austro-hongrois (ou la montée du fascisme) constituant le non-dit invisible de leur œuvre.
Le film est construit suivant l’alternance pendulaire des journées d’Ahmet. Au lycée mixte qu’il fréquente, avec d’autres fils et filles de bonne famille, il chante les louanges d’Ataturk et assiste au garde-à-vous au lever des couleurs. Dans le pensionnat à la sociologie plus bigarrée, des enseignants sadiques lui inculquent de force des bribes de religion. Ahmet y est devenu la tête de Turc (!) de ses camarades. Heureusement, il peut compter sur l’amitié de Hakan, un pensionnaire plus âgé.
Yurt est tourné dans un noir et blanc satiné. Il passe à la couleur lorsque Ahmet et Hakan fuguent hors des murs où ils étaient retenus pour une équipée ensoleillée et rebelle.
Yurt, nous dit son dossier de presse, serait en partie autobiographique, son réalisateur, Nehir Tuna, ayant connu à la même époque la même formation. J’en ai lu d’excellentes critiques. Je ne les conteste pas. Mais je n’ai hélas pas été accroché par cet adolescent trop lisse sur qui tout semble glisser et que sa sexualité encore indécise pousse aussi bien vers une blonde camarade de lycée que vers son voisin de chambre, beau comme un Adonis gréco-turc.