Au sortir de l’apartheid, le président Mandela a chargé l’archevêque Desmond Tutu (Forest Whitaker) de présider la Commission Vérité et Réconciliation. Son principe : obtenir des criminels leur confession sincère en échange de leur amnistie.
Le courageux homme d’Église rencontre sur sa route Piet Blomfeld (Eric Bana), un criminel avéré, condamné à perpétuité, qui nourrit une haine atavique pour les Noirs et ne montre aucun signe de remords pour les crimes qu’il a commis.
L’Afrique du sud de l’apartheid a été dénoncée au cinéma dans des films souvent marquants : Cry Freedom (1987), Un monde à part (1988), Une saison blanche et sèche (1989)… L’Afrique du sud post-apartheid a continué à intéresser Hollywood : ainsi de Invictus de Clint Eastwood qui raconte comment le président Mandela a profité de l’organisation de la Coupe du monde de rugby en 1995 pour réconcilier la nation arc-en-ciel. L’organisation des audiences de la Comité Vérité et Réconciliation (TRC selon son acronyme anglais) a aussi retenu l’attention : Red Dust (2004) avec Hilary Swank et Chiwetel Ejiofor et Country of My Skull (2005) avec Juliette Binoche et Samuel Jackson bizarrement sortis l’un et l’autre directement dans les bacs malgré la renommée de leurs acteurs.
Il en a fallu de peu que Forgiven ne connaisse le même sort, faute de distributeur en France. C’est finalement Saje Distribution, une société bizarrement spécialisée dans les films et les documentaires religieux, qui en a racheté les droits. On comprend vite pourquoi : Forgiven est un film sur la sainteté et la rédemption. Sainteté de Desmond Tutu, le prix Nobel de la paix qui, malgré un cancer, a consacré sa vie à cicatriser les plaies toujours ouvertes de l’apartheid dans une démarche audacieuse de justice transitionnelle. Rédemption de Piet Blomfeld, un Afrikaner raciste et criminel, figure du Mal absolu, qui crache sa haine à la face du saint homme venu le sauver.
Le problème de Forgiven est son manque de suspens. On sait qu’on aura droit à la reconstitution déchirante des circonstances de l’assassinat de Mpho Morobe, cette jeune femme noire dont la mère se bat pour la mémoire. On sait qu’on aura droit à la rédemption christique de Mark Blomfeld, dont la noirceur de l’âme, qu’explique une enfance traumatisante, s’éclairera au contact de Mgr Tutu.
Tout cela est un peu trop cousu de fil blanc – ou noir. Et on se demande où est passé le réalisateur prometteur de Mission et de La Déchirure qui se perd depuis trente ans dans des films sans intérêt.