Michel Houellebecq est en thalassothérapie à Cabourg. Le corps malingre de l’écrivain atrabilaire est soumis au dur règlement de la cure : soins intensifs, régime à l’eau, interdiction stricte de fumer dans et même hors de l’établissement…
Houellebecq rumine sa colère et croise le chemin d’un autre curiste : Gérard Depardieu, soumis aux mêmes règles que lui, mais bien décidé à les outrepasser.
Depardieu + Houellebecq. L’écrivain et l’acteur français les plus célèbres au monde. L’un est un monstre obèse, tutoyeur et bon vivant ; l’autre est dépressif jusqu’au bout des dents, enclin à des crises de mysticisme et à des fulgurances philosophiques.
En les voyant réunis à l’écran, sortes de Laurel et Hardy postmodernes, leur duo forme une évidence. Guillaume Nicloux les avait déjà fait tourner séparément. Dans Valley of Love pour le premier ; dans L’Enlèvement de Michel Houellebecq pour le second. Thalasso s’annonce comme la suite de ce film-là. On y retrouve l’écrivain cinq ans après son enlèvement par une bande de pieds nickelés. La première scène du film – où l’on voit Houllebecq conduire un bolide à 250 khm/h sur une autoroute heureusement déserte – était la dernière de ce téléfilm diffusé en 2013 sur Arte.
La première heure du film est une pure jouissance. On y suit Houellebecq, d’abord seul, puis rejoint par Depardieu dans les couloirs du centre Thalazur de Cabourg – dont on se demande si la publicité négative qui lui est faite lui amènera des clients ou pas. On y rit volontiers devant leurs corps couverts de boue ou devant celui de Houellebecq caparaçonné dans une coque de cryogénisation – celui de Depardieu, trop gros peut-être, n’y entre pas. On les écoute discuter ensemble, sur des textes dont on s’interroge sur la part d’improvisation qu’ils contiennent. L’émotion affleure lorsque Houellebecq pleure en parlant de la mort de sa grand-mère et de la réincarnation des corps devant un Depardieu réduit à quia.
Malheureusement le film se perd dans sa dernière demi-heure. Le scénario ne pouvant se borner à filmer les deux acteurs, il se sent obligé de tisser une histoire. Pour ce faire, il convoque les acteurs de L’Enlèvement qui débarquent au centre de thalasso pour demander l’aide de Houellebecq afin de retrouver leur mère disparue. L’histoire n’a aucun intérêt. La bande bruyante qui rompt l’intimité du duo n’a rien à dire. Du grand n’importe quoi qui rappelle Bertrand Blier dans ses pires heures.
Mais cette demi-heure ratée n’éclipsera pas la joie provoquée par les deux précédentes. Le duo Houellebecq-Depardieu est de ces couples inattendus, à l’alchimie pourtant évidente, dont la rencontre produit des étincelles.
Vu hier soir par hasard. J’ai beaucoup aimé le ton décalé, qui m’a évoqué bien sûr Bertrand Blier. Manque de rigueur du scénario. Quel dommage! quels acteurs ! mais jouent-ils autre chose que ce qu’ils sont réellement ?