Comme son voisin chilien, le cinéma argentin est obsédé par le passé. Kamchatka (2002), L’Œil invisible (2010), Enfance clandestine (2011) plongent dans les souvenirs de réalisateurs qui étaient enfants ou adolescents à l’époque de la dictature. C’est le cas de Pablo Trapero, né en 1971, qui porte à l’écran un fait divers ayant défrayé la chronique en 1985. le clan des Puccio s’était rendu coupable d’une série d’enlèvements crapuleux. Le père était un ancien agent des services militaires de renseignement, mis sur la touche à la fin de la dictature. Le fils était une star de l’équipe nationale de rugby.
El Clan est une plongée terrifiante au sein d’une entreprise criminelle familiale. Une famille bourgeoise, dans un quartier tranquille, séquestrait des innocents dont les cris étaient étouffés par une musique pop qui sature la BO du film. Ce mélange de trivialité – un père de famille aide sa fille à faire ses devoirs, le dîner du soir à la table familiale commence par un bénédicité – et de monstruosité – les victimes étaient froidement abattues une fois la rançon payée pour éviter que la trace des kidnappeurs ne soit retrouvée – glace le sang. C’est Scorcese qui flirte avec Buñuel.
Le film de Pablo Trapero a eu un immense succès en Argentine. Le réalisateur y voit le signe que son pays est désormais prêt à regarder son passé en face. J’y vois le succès mérité d’un film qui tient son public en haleine pendant deux heures et qui laisse une trace durable.