Vous connaissez – ou pas – l’expérience menée par Stanley Milgram en 1961-1962. Sous l’autorité d’un expérimentateur, un professeur administre des décharges électriques de plus en plus fortes à un élève soi-disant pour stimuler ses capacités d’apprentissage. En vérité les décharges électriques sont fictives et l’expérience vise à mesurer le niveau d’obéissance du professeur aux ordres immoraux de l’expérimentateur.
Menée alors que se tenait à Jérusalem le procès Eichman et qu’Hannah Arendt développait la théorie de la banalité du mal dans les colonnes du New Yorker, l’expérience Milgram provoquait une double polémique. Par ses résultats, la plupart des cobayes acceptant d’infliger les punitions les plus cruelles dès lors que la responsabilité en était assumée par l’expérimentateur. Par ses méthodes qui furent très vite accusées de violer l’éthique de la recherche en sciences sociales.
Michael Almereyda raconte cette expérience sur un mode quasi documentaire. Décors théâtraux, dialogues face caméra, reconstitution minimaliste. Son souci de la pédagogie n’a d’égal que son refus du romanesque. Rien ne le fait dévier de la présentation clinique de cette expérience, de ses conclusions terrifiantes et de la polémique qu’elle a suscitée. Pas même le personnage de Sasha, l’épouse de Milgram, jouée par Winona Ryder (qui a pris un sacré coup de vieux).
On regretterait presque que son film ne se limite pas à ce seul sujet, voulant embrasser toute la carrière de Milgram jusqu’à sa mort en 1984. Mais on apprend ainsi la contribution de Milgram au concept de « six degrés de séparation » (nous sommes liés les uns aux autres par une chaîne ne comptant pas plus de six maillons) ou à la théorie des « étrangers familiers », ces inconnus que nous croisons constamment.
Oui, le film de Michael Almeyreda est un brin trop scolaire. Oui, il ressemble à une page de Wikipédia mise en film. Mais il le fait avec un tel brio que la leçon nous instruit sans nous raser.