L’affiche de « Frantz » donne au spectateur deux indices sur le dernier film de François Ozon. En noir et blanc, nimbé d’une douce lumière, c’est un film en costumes si l’on en croit la tenue du personnage féminin. Ce premier indice ne nous décevra pas : « Frantz » est un film d’un grand classicisme formel. Un scénario efficace qui présente l’originalité d’accélérer dans son troisième tiers. Un noir et blanc très travaillé, laissant parfois, au gré des émotions des personnages, la place à un retour à la couleur. Une interprétation parfaite : Pierre Niney confirme qu’il compte désormais parmi les tout meilleurs acteurs français du moment, Paula Beer est une charmante révélation.
Le second indice concerne moins la forme que le fond. Si on s’y fie, « Frantz » serait l’histoire d’un couple. Un homme torse nu offert comme objet de désir à une femme penchée vers lui qui le regarde. Allons jeter un œil à la bande-annonce. Les choses se compliquent. On y apprend d’abord que Frantz n’est pas le prénom du personnage interprété par Pierre Niney. Tombé au front le 15 septembre 1918, Frantz – ou plutôt Franz – est mort. Le film sera construit autour de son absence et du lien détruit qui le réunissait à Anna, dont il était fiancé, et à Adrien, qui se prétend son ami.
Sauf que …. Sauf que chez Ozon rien n’est simple. Dans le triangle amoureux que forment Frantz, Anna et Adrien, le décès du premier (mais est-il réellement décédé ?) n’empêche pas la confusion des sentiments – pour citer une nouvelle de Zweig dont l’atmosphère et le thème ne sont pas sans similitude avec « Frantz ». De quelle nature était l’amitié de Adrien pour Frantz ? Dans quelle direction les sentiments de Anna pour Adrien vont-ils évoluer ?
On pourrait croire que François Ozon a réalisé une œuvre hétérogène. Quoi de commun entre une jolie ado qui tapine (« Jeune et jolie »), un veuf qui se travestit (« Une nouvelle amie »), un bébé qui vole (« Ricky »), une jeune écrivaine en quête de gloire dans l’Angleterre victorienne (« Angel ») ? Rien ? Tout ! Ozon est un cinéaste du mensonge. Il l’est si bien devenu qu’il réussit à nous y faire croire alors même que la réalité est plus simple. Ses intrigues cachent – ou nous font croire qu’elles cachent – de lourds secrets qu’on s’imagine percer à jour mais qui se révèlent autant de fausses pistes. Ozon nous mène par le bout du nez. Avec Pierre Niney, ça tombe bien ! Bravo les artistes !