Aurore sent venir les premières manifestations de la ménopause. Elle élève seule à La Rochelle deux filles bientôt adultes. L’aînée lui annonce qu’elle est enceinte. La cadette va quitter le nid familial. Comme si ce n’était déjà pas trop tôt, son nouveau patron la pousse à bout.
Un film écrit par une femme, joué par une femme, pour un public … de femmes
Je sens d’ici se froncer les sourcils de mes lectrices – au premier rang desquelles ma sourcilleuse épouse. Comment ? À rebours d’un siècle de lutte pour l’émancipation féminine, j’oserais assigner les femmes à un ghetto artistique inaccessible aux hommes ? C’est donc avec une prudence extrême que je soutiendrai ici qu’il existe, à mon sens, une littérature et un cinéma féminins qui touchent plus les femmes que les hommes – tout comme il existe des livres et des films qui en appellent plus à une audience masculine (SAS ou Rambo).
Aurore est de ceux-là, que je conseillerais plus à des femmes de cinquante ans qu’à des jouvenceaux de vingt (mes lectrices, déjà aliénées par mes remarques anti-féministes, vont légitimement se vexer de cette allusion à leur âge – qui est aussi le mien). Il est troublant qu’il traite exactement le même sujet que Marie-Francine, la comédie de Valérie Lemercier qui sortira le 31 mai : soit une femme d’une cinquantaine d’années à qui on a dit le jour de ses premières règles qu’elle serait une femme désormais et qui se demande ce qu’elle sera le jour où elle n’en aura plus. C’est le signe que le sujet a un certain écho dans notre société. D’ailleurs ce n’est pas la première fois qu’il est traité : qu’on pense au film chilien Gloria ou à l’excellent Les beaux jours de Marion Vernoux adapté d’une bande dessinée au titre joliment trouvé Une jeune fille aux cheveux blancs.
À Aurore qui confesse avoir peur de vieillir, d’être seule et d’être pauvre, une septuagénaire pleine de vie lui répond qu’il existe des remèdes à la solitude et à la pauvreté, mais pas au vieillissement. C’est donc à une lente acceptation de son âge sinon de son statut que Aurore devra parvenir. Elle le fera accompagnée de femmes : ses deux filles, sa meilleure amie. Aurore est un film sans hommes. Ou plus précisément un film où les hommes sont réduits à des caricatures : l’ex-mari puéril, l’ex-amant ténébreux.
Autre défaut d’un film qui ne mérite pas les critiques dont je l’écrase : on est surpris du luxe – relatif – dans lequel vit Aurore, une serveuse de restaurant bientôt au chômage, et on s’étonne que les questions de classe, d’argent ne soient guère évoquées.