« Himmlers Hirn heißt Heydrich » : « Heydrich est le cerveau de Himmler ». Eclipsé par ses aînés, Reinhardt Heydrich est une figure méconnue de l’histoire nazie. HHhH en relate la vie : le début de sa carrière dans la Marine dont il est radiée pour une sombre affaire de mœurs, son mariage avec une femme qui le convainc de rejoindre le NSDAP, sa rencontre avec Himmler qui en fait le chef du service du renseignement de la SS, sa nomination à Prague au poste de protecteur de la Bohême-Moravie. HHhH raconte surtout sa mort : Heydrich tombe le 27 mai 1942 sous les balles d’un commando de Tchèques libres parachutés d’Angleterre.
Il y aura deux catégories de spectateurs qui iront voir HHhH. Les premiers sont ceux qui, comme moi, ont lu et adoré le livre de Laurent Binet. Ils seront très déçus. Car, de ce livre, qui parlait moins de Heydrich que de Binet en train d’écrire un livre sur Heydrich, le film de Cédric Jimenez ne retient pas la construction intelligente. Alors que Binet proposait une réflexion stimulante sur les devoirs de l’historien et les défis du romancier, Cédric Jimenez se contente de filmer platement un film de guerre.
Les seconds, qui n’auront pas lu le livre de Binet et qui espéreront voir l’histoire d’un criminel nazi et de son assassinat, ne seront pour autant guère moins déçus que les premiers. Car Cédric Jimenez, malgré les moyens hollywoodiens qu’il a mobilisés, ne réussit pas à susciter la moindre émotion. La faute à Jason Clarke dont les cheveux blonds et les yeux bleus ne suffisent pas à faire un Nazi convaincant. La faute au reste d’un casting hétéroclite – où cachetonnent pour de brèves apparitions les Français Céline Salette et Gilles Lelouche parlant l’anglais avec un accent soi-disant tchèque – d’où émerge toutefois Rosamund Pike dans le rôle ingrat de l’épouse du SS-Obergruppenführer. La faute également à un montage qui, au lieu d’entrelacer, comme le faisait finement Binet dans son livre, l’histoire de Heydrich et celle du commando voué à le tuer, enchaîne paresseusement ces deux histoires.