Quadragénaire épanouie, Avril a deux filles qui vivent ensemble dans la maison de vacances qu’elle possède en bord de mer. Elles ont quinze ans d’écart : Clara qu’elle a eue très jeune est complexée par ses kilos en trop, Valeria, dix-sept ans à peine, est enceinte de Mateo que ses parents ont chassé. Le quatuor cohabite en attendant la naissance du bébé.
Il ne faut pas s’arrêter au résumé que je viens de faire des Filles d’Avril. Il annonce un film à la Bergman tendance Cris et chuchotements : un long huis clos familial entre des femmes qui se déchirent. Il n’en est rien. Car le scénario original de Michel Franco cache des rebondissements étonnants. Ils ne sont pas toujours crédibles ? Qu’importe. Ils vous scotcheront à votre siège. Ils le feront avec d’autant plus d’efficacité qu’ils n’auront pas l’air d’y toucher. Aucune théâtralisation. Aucune bande son surdéterminante. une façon unique de jouer avec les temporalités, en accélérant le tempo par de brusques ruptures ou en l’étirant dans de longs plans séquences. On dirait du Stephen King filmé par Eric Rohmer.
Avril est l’héroïne du film. Emma Suarez, une star en Espagne, une quasi-inconnue en France, lui prêt ses traits. Elle est d’une sensualité folle. Mais sa beauté solaire cache bien des failles. Les Filles d’Avril dévoile progressivement une mère pathologique, une femme vampirisante. Elle est d’autant plus saisissante qu’elle nous reste quasiment jusqu’au bout sympathique.
Face à elle, les autres protagonistes en sont réduit à la passivité – au point que l’ultime rebondissement me soit paru incohérent avec le reste du film. Le plus pathétique est Mateo, jeune homme inconsistant, marionnette entre les mains des femmes qui l’instrumentalisent. Valeria est moins passive mais guère plus subtile : c’est une jeune fille qui s’est mis dans les têtes de faire un enfant. Dommage qu’une plus grande place n’ait pas été laissée à Clara, la fille aînée, qui aurait pu jouer un rôle dans le dénouement de l’intrigue.