L’usine Bel Maille est une PME textile installée depuis plus de cinquante ans à Roanne. En 2014, c’est dans ses murs que Olivier Loustau tournait La Fille du patron. Christa Théret y interprétait la fille d’un patron qui se battait courageusement pour la survie de sa petite entreprise.
La réalité a rattrapé la fiction. Alors que se terminait le tournage de La Fille du patron, dont Charlotte Pouch était chargée de réaliser le making of, Bel Maille a été placé en liquidation judiciaire. La jeune réalisatrice a décidé de prendre résidence dans l’usine, d’en filmer le directeur, les employés dans l’attente d’un repreneur hypothétique ou d’une liquidation inéluctable.
La démarche de Charlotte Pouch devrait interroger tous les documentaristes en herbe. Qu’est ce qu’un bon sujet ? Comment savoir, quand on plante sa caméra quelque part, que l’enchaînement des événements aura un potentiel dramatique suffisant ? Elle a eu ici la chance de croiser la route du directeur de Bel maille, Stéphane Ziegler, qui lui a laissé toute liberté de tourner dans l’usine.
Au début du film c’est un héros positif : il promet à ses employés que l’usine dans laquelle ils travaillent depuis des décennies et dont ils sont si fiers ne sera pas délocalisée, que le repreneur conservera leurs emplois. « Ma priorité est d’assurer la pérennité du savoir-faire Bel maille dans son ancrage local ». La formule est répétée ad nauseam. Au point de devenir suspecte. Incompétence ? malversation ? Le personnage devient franchement haïssable lorsqu’il annonce son départ – trahissant la promesse qu’il avait faite de se tenir au côté de ses hommes.
Les employés en sont sidérés. Ils assistent impuissants à l’échec des discussions avec un repreneur tunisien dont les intentions ne sont d’ailleurs pas très claires. Charlotte Pouch et les spectateurs en sont pour leurs frais qui espéraient une grève, quelques violences. Rien de tel ne se produit jusqu’à la liquidation. Mais le film révèle, dans ses ultimes secondes, par deux cartons, ce qui est arrivé au patron voyou. Et ce dénouement, s’ils ne redonnent pas aux fiers ouvriers de Bel maille, leur emploi, leur fait justice.