Dans les monts du Forez dont il est originaire, le photographe Christophe Agou, décédé en 2015, avait filmé quelques paysans dans l’intention d’en faire un film. La monteuse Virginie Danglades a achevé son œuvre.
Sans adieu est un film qui est tout sauf charmant. Les monts du Forez et les paysans qui les peuplent ne sont pas filmés avec joliesse. Au contraire. Les paysages sont gris, pluvieux. La caméra de Christophe Agou se concentre sur les intérieurs où ses interlocuteurs sont filmés dans leurs environnements de bric-à-brac qui font plus souvent penser à des cavernes qu’à des chalets suisses.
C’est que le réalisateur s’est intéressé aux plus modestes de ses voisins. Ceux dont la vie tangente avec la misère et dont on se dit qu’en milieu urbain ils seraient voués à une inéluctable clochardisation. Ainsi de Claudette qui devient l’héroïne du film. Cette vieille femme vit seule dans une ferme en ruines avec un chien et quelques canards. Elle fait sa toilette à l’évier et dort dans une voiture à l’abandon garée dans sa cour qu’elle dispute à ses canards. Avec une inépuisable énergie, elle engueule la terre entière : son chien dont elle confessera à la fin du film que sa perte l’a bouleversée, son assistante sociale qui tente tant bien que mal de la conseiller, son banquier, etc.
Il y a aussi Jean-Clément l’éleveur, dont les vaches touchées par l’encéphalite spongiforme bovine doivent partir à l’abattoir. Et Jean le vigneron qui peine à se remettre du décès de son frère.
Ces hommes et ces femmes forment une population pittoresque, à mille lieux de celle qui nous entoure, dans nos vies parisiennes de CSP+. Raymond Depardon en avait fait les héros de sa trilogie Profils paysans. Ils nous renvoient quarante ans en arrière, au temps des vacances chez des cousins ardéchois avec des aïeuls qui piquaient et ne sentaient pas toujours très bon, qui nous racontaient leurs vies pendant la première guerre mondiale. On pensait cette population éteinte. Elle est sans doute sur le point de l’être. Mais elle ne l’est pas encore tout à fait.