Frappé par la Grande Dépression, un jeune couple new-yorkais, John et Mary Sims, s’installe à la campagne pour exploiter une ferme hypothéquée. Inexpérimentés, ils sollicitent l’assistance d’inconnus de passages pour retaper leur bicoque et cultiver leurs champs. Une coopérative se crée qui fonctionne grâce à la complémentarité des talents de chacun. Mais les ennuis s’accumulent : le manque d’argent d’abord, la sécheresse ensuite.
Notre pain quotidien (1934) est un témoignage marquant sur le New Deal. L’Amérique est alors plongée dans la crise. Elle ne sait pas encore qu’elle va s’en relever grâce à la politique volontariste de Franklin D. Roosevelt. Elle est partagée entre deux sentiments complémentaires : l’angoisse de la crise et le désir ardent d’en sortir.
Ce sont ces deux sentiments qui sont au cœur du film de King Vidor. Comme John Ford dans Les Raisins de la colère, il montre que la fraternité humaine est le meilleur antidote à la crise et viendra à bout de tous les défis. S’agit-il pour autant d’un manifeste communiste comme on en fit le reproche au cinéaste ? Pas du tout. C’est moins vers les kolkhozes soviétiques que vers le messianisme des Pères fondateurs que lorgne Vidor.
Pour le laver de tout soupçon de communisme, il suffit de comparer Notre pain quotidien à Octobre, sorti six ans plus tôt. Si le second est un hommage au prolétariat révolutionnaire, le premier est tout entier centré sur les personnages : John, sa femme Mary, Chris le paysan suédois, Louie le repris de justice… La collectivité est une somme d’individualités pas une force anonyme, comme elle l’était chez Eisenstein.
Par son optimisme indéboulonnable, par son individualisme forcené, Notre pain quotidien, loin d’être un brûlot socialiste, est déjà un film profondément américain.