1993. Jacques (Pierre Deladonchamps), un écrivain célèbre. Le Sida ne l’empêche pas de plaire, d’aimer – en revanche on ne le voit guère courir. Autour de lui gravitent plusieurs hommes. Mathieu (Denis Podalydès), son voisin journaliste, auquel le relie une vieille amitié. Marco (Thomas Gonzalez), dont il a été très amoureux et dont il l’est encore, qui se meurt à petit feu. Et aujourd’hui Arthur (Vincent Lacoste), un Breton d’une vingtaine d’années, qu’il rencontre à l’occasion d’un spectacle en province.
Mais le temps est compté à ceux qui s’aiment. Jacques a le Sida et refuse la déchéance de la maladie.
Nous sommes entrés dans les années Sida au milieu des années 80. Pas sûr que nous en soyons déjà sortis. Le cinéma s’en est nourri. Jusqu’à plus soif. On ne compte plus les films qui en traitent. Souvent d’ailleurs avec une grande délicatesse. Mais au point parfois de donner l’impression d’une recette éculée, passeport pour les grands festivals et le succès critique. Tel est le cas du dernier film de Christophe Honoré en projection aujourd’hui à Cannes.
Comme dans les films qui les précèdent, depuis le fondateur Les Nuits fauves, il y est question de sexe (homo) et de mort, le tout filmé avec un soin jaloux de la reconstitution (ah ! ces affiches prétentieuses de la Leçon de piano ou de l’Orlando de Huppert au Théâtre de l’Odéon ! ah ! ces Supercinq et ces Twingo qui repassent en boucle en arrière-plan histoire de créer l’illusion de l’époque ! ).
Philadelphia filmait le Sida mélodramatique ; Jeanne et le Garçon formidable avait le Sida musical ; Mon frère le Sida morbide ; Les Témoins le Sida collectif, 120 bpm le Sida politique. Christophe Honoré a le Sida faussement badin à l’image de son héros, Pierre Deladonchamps, dont je n’ai pas aimé l’interprétation entre-deux-chaises : mi-grave, mi-léger, vivant l’amour à la fois comme un lutinage et comme une passion.
Le film, inutilement long, a deux focales. Non qu’il s’agisse de la richesse d’un scénario particulièrement subtil, mais au contraire de l’impossibilité du réalisateur d’arrêter son parti entre les deux options qui s’offraient à lui. Filmer l’histoire du point de vue de Jacques ou de celui d’Arthur. Dans le premier cas, c’est celui, tragique, d’un homme qui va mourir. Dans le second, c’est celui plus optimiste d’un roman de formation. Pierre Deladonchamps n’est pas assez sérieux pour nous faire croire à la gravité du premier – si ce n’est, j’en conviens, dans la scène finale qui arracherait des sanglots aux pierres. Vincent Lacoste – dont la silhouette dégingandée et la diction paresseuse restent irrémédiablement associées aux pitreries de ses premiers films – n’est pas assez romanesque pour nous faire croire au second. Reste Denis Podalydès, comme d’habitude parfait, incarnation vivante de la fidélité amicale quelles que soient les vicissitudes de la vie.