L’homme derrière la légende. Neil Armstrong, on le sait, est le premier homme à avoir posé le pied sur la lune le 21 juillet 1969. First Man raconte son histoire.
Après le succès planétaire de La La land, on attendait impatiemment le nouveau film du duo Damien Chazelle / Ryan Gosling. On le retrouve dans un biopic hollywoodien, loin de la comédie musicale qui leur valut quatorze nominations – et six statuettes – aux derniers Oscars. Mais que ceux qui ont, comme moi, adoré La La land ou ceux qui, à mon plus grand étonnement, ne l’ont pas aimé aillent voir sans idées préconçues First Man : ce film-ci n’a pas grand chose à voir avec celui-là.
La conquête de l’espace a déjà donné lieu à plusieurs films remarquables. Le meilleur est sans doute L’Étoffe des héros de Philip Kaufman (1983) qui en raconte les premiers développements, avant le programme Apollo. Le plus patriotique est sans hésitation Apollo 13 de Ron Howard (1995). Le parti pris retenu par Damien Chazelle est tout autre, sans qu’il soit évident de le rattacher à notre époque et à l’image qu’elle porterait sur cette page glorieuse de l’histoire américaine : il est profondément anti-héroïque.
Ryan Gosling, comme à son habitude, affiche la mine renfrognée qui constitue sa marque de fabrique sans qu’on parvienne à décider s’il s’agit du degré zéro du jeu d’acteur ou au contraire de la preuve éclatante de son talent. Il ne sourit jamais, ne prononce pas un mot, vit sa vie à travers la visière de son casque d’astronaute ou de la vitre qui le sépare de son épouse – dont on apprendra, en allant chercher sur Wikipedia pour confirmer une intuition suscitée par la dernière scène du film, qu’il divorcera quelques années plus tard. Cette profonde mélancolie a une cause que les premières scènes du film éclairent : Neil a perdu sa petite fille, Karen, avant ses trois ans, victime d’une tumeur au cerveau.
Mais contrairement à son titre et à son affiche, First man raconte au moins autant la vie de Neil Armstrong qu’il ne fait l’histoire des programmes Gemini et Apollo. Il raconte trop rapidement la course que se livraient les États-Unis et l’URSS. Il ne dit pas un mot des enjeux scientifiques. Il évoque trop brièvement les critiques que ce programme dispendieux a suscitées, à l’heure où l’argent manquait pour assainir New York ou traiter efficacement la question raciale.
Son parti pris est de nous montrer, pour mieux nous les faire partager, les dangers et la précarité de ces expéditions. Filmées en caméra subjective, depuis l’intérieur de la carlingue effroyablement exigüe et terriblement claustrophobique, elles sont l’occasion des meilleures scènes du film, même si leur répétition finit par lasser. La fusée tremble, les aiguilles s’affolent, les commandes ne répondent plus, l’oxygène vient à manquer, la navette part en vrilles… what else ?
Le problème de ces séquences est qu’on sait par avance comment elles vont finir. Si Neil Armstrong est dans l’habitacle, on sait qu’il survivra. En revanche, s’il n’y est pas, ses camarades astronautes ont de quoi se faire du souci. Autre problème : la construction du film qui laisse la portion congrue à la mission Apollo 11. Elle est expédiée en une vingtaine de minutes, alors qu’on l’attendait depuis la première image. Et, si on nous a expliqué que l’opération la plus délicate de la mission serait, au retour, le rendez-vous en orbite lunaire du LEM et de Columbia, First man ne le filme même pas, faute d’avoir déjà épuisé tout son carburant.
On sort de First Man à moitié convaincu. On a eu pour son argent de sensations fortes et de paumes moites. Mais on est bien loin de l’enthousiasme suscité par La La Land et par L’Étoffe des héros.