Bojina Panayotova est née en Bulgarie. Ses parents ont émigré en France à la chute du Mur alors qu’elle avait huit ans seulement. Elle y a étudié la philosophie à l’École normale supérieure et le cinéma à la Femis. Elle vit aujourd’hui à cheval entre ces deux pays.
Dans Je vois rouge, Bojina Panayotova enquête sur ses parents, rejetons de la nomenklatura bulgare, qu’elle suspecte d’avoir collaboré, sciemment ou pas, avec la police secrète.
Je vois rouge se présente comme un documentaire politique qui prend pour prétexte l’ouverture des archives et la recherche d’un lourd secret de famille pour raconter l’histoire de la Bulgarie contemporaine et de son passé qui ne passe pas. Mais il ne se résume pas à cette seule dimension-là. Car si ce documentaire se déroule en Bulgarie et lève le voile sur les techniques de recrutement – assez rudimentaires – de la police secrète et les accommodements inévitables de la population pour améliorer un quotidien bien austère, l’essentiel n’est pas là.
Le vrai sujet de Je vois rouge est ailleurs. Il interroge l’éthique du filmeur. Bojina a-t-elle le droit de demander des comptes à ses parents ? A-t-elle le droit d’en faire un film ? Son comportement ne reproduit-il pas celui même des communistes qui niaient le droit à la vie privée ?
Utilisant toutes sortes de matériaux (photos de famille, discussions sur Skype filmées en split screen, images volées…), Je vois rouge a pour fil directeur les démarches entreprises par la réalisatrice aux archives bulgares pour y mettre la main sur le dossier de ses parents, parfois avec leur accord, parfois à leur insu. Mais, son intérêt provient moins des découvertes qu’elle y fera – au demeurant bien anodines – que de la confrontation avec ses parents aujourd’hui séparés. Son père, qu’elle ne voit jamais sinon par Skype, s’énerve vite de l’entêtement de sa fille. Sa mère est plus aidante et accepte de déterrer avec elle son passé.
Dans sa quête, Bojina Panayotova, qui n’hésite pas à se mettre en scène, est tour à tour désarmante et horripilante. On partage sa curiosité. On est gêné par son entêtement. Mais, dans tous les cas, on est touché par sa démarche.