L’Autre Continent est l’un des films les plus tristes que j’aie jamais vus. Il se découpe en trois parties qu’il faut résumer au risque d’en éventer l’intrigue.
La première est une comédie romantique et exotique aux accents rohmériens. Maria (Déborah François) et Olivier (Paul Hamy) se rencontrent à Taïwan où ils exercent le métier de guide touristique. Maria est aussi hardie qu’Olivier est timide. C’est à elle de faire les premiers pas. Mais bientôt le couple devient inséparable.
La deuxième est un drame en blouse blanche façon L’Ordre des médecins ou Le Scaphandre et le Papillon. Olivier est victime d’une leucémie foudroyante. Il doit rentrer en France. Les médecins sont pessimistes. Olivier est plongé dans un coma profond. Mais Maria refuse l’inéluctable. Elle est résolue à sauver Olivier en sollicitant son corps inerte et son cerveau endormi. Elle y parviendra.
La troisième est le contraire d’un happy end. Olivier a survécu. Mais les séquelles de son coma sont profondes. Son cerveau a été durablement endommagé. Il peine à se repérer dans l’espace et dans le temps. Il souffre d’incontinence. Il est l’objet de violents accès de colère. Il nécessite une attention constante que Maria n’est plus capable de lui prodiguer. Le cœur brisé, elle le quitte.
J’ai eu beau me creuser la tête, je ne suis pas arrivé à écrire cette critique sans raconter le film du début jusqu’à la fin. L’Autre Continent comptant probablement moins de spectateurs potentiels que Game of Thrones, j’espère qu’on me pardonnera. Je ne pouvais pas me borner à raconter que Maria et Olivier affrontaient un drame terrible qui allait mettre à mal leur couple. Ce n’aurait pas été rendre justice à ce film poignant qui tire son originalité de son dénouement désenchanté.
L’Autre Continent aurait pu être l’histoire d’un deuil : l’histoire du chagrin de Maria après la mort d’Olivier et de sa difficulté – ou de son impossibilité – à s’en consoler. Mais L’Autre Continent prend un chemin original. Olivier survit. Cet happy end n’en est pas un. Il cache en fait un dénouement plus déchirant encore. Si l’amour de Maria a pu sauver Olivier de la mort à laquelle la médecine l’avait déjà condamné, elle ne peut l’accompagner ensuite dans sa survie.
L’histoire est d’autant plus déchirante que le couple formé par Déborah François et Paul Hamy fonctionne à la perfection. La première, révélée par les frères Dardenne (elle jouait la mère de L’Enfant, Palme d’or en 2005), est particulièrement piquante : la légèreté dont elle fait preuve à l’égard de ses nombreux amants au début du film ne laisse pas augurer la dévotion dont elle sera capable auprès d’Olivier. Celui-ci est tout son contraire. Paul Hamy interprète un géant lunaire, tout entier concentré sur l’étude, sourd aux avances de Maria.
À la fois grave et léger, optimiste et pessimiste, dur et doux, aux antipodes des standards d’écriture, L’Autre Continent m’a bouleversé.