Au début des années soixante, Ford décida d’investir la course automobile. Il essaya d’abord sans succès de racheter Ferrari. Puis il entreprit de se lancer seul dans l’aventure.
Le Mans 66 raconte comment Carroll Shelby (Matt Damon) construisit la Ford GT40 et comment Ken Miles (Christian Bale), un pilote britannique, la conduisit à la victoire lors des 24 heures du Mans de 1966.
Têtes d’affiche, Matt Damon et Christian Bale incarnent deux facettes du Bien. Le personnage joué par le premier est un ancien pilote (il a remporté Le Mans en 1959 sur Aston Martin) reconverti, par la faute d’une santé défaillante, en constructeur inspiré de voiture de courses qui réussit à défendre son intégrité face à la logique bureaucratique de Ford. À ses côtés, Christian Bale interprète un personnage plus fantasque, marqué à vie par sa participation à la Seconde guerre mondiale. Il a beau cabotiner, son interprétation impeccable le prémunit contre toute sortie de route. Ces deux stars sont entourées de personnages secondaires aux petits oignons, à commencer par Caitrionia Balfe dans le rôle de l’épouse du pilote britannique [« Un mot de toi, Caitrionia, si tu me lis, et je quitte ma mère » !!] et Ray McKinnon dans celui de son ingénieux second.
Leur principal ennemi n’est pas tant Ferrari et sa Scuderia, mais l’entreprise Ford dont les lourdes procédures se plient difficilement à la nécessaire flexibilité qu’exige la conception d’un bolide. Autour de Tracy Letts qui incarne le « Duc » Henry Ford II avec une contagieuse gourmandise, gravite une armée de cadres encravatés et serviles parmi lesquels Lee Iacocca – qui prendra la direction de la Ford Company quelques années plus tard avant d’en être brutalement évincé par Henry Ford II lui-même.
Le Mans 66 suscite un vrai plaisir de cinéma. Un plaisir régressif, presqu’enfantin, qui en appelle moins à l’intelligence qu’à l’émotion. L’émotion naît bien sûr de la course automobile elle-même, filmée au ras du bitume et à fond de caisse, dans le bruit, la pluie et la fatigue causée par les heures de conduite qui s’accumulent. Mais l’émotion naît plus encore des bons sentiments d’une galerie de personnages archétypaux comme le cinéma américain dans ce qu’il a de plus académique mais aussi de plus efficace sait créer.