En mars 2003, alors que les États-Unis et le Royaume Uni s’apprêtaient à déclencher les hostilités contre l’Irak de Saddam Hussein en dépit d’une opinion publique hostile à la guerre, Katharine Gun, une employée du GCHQ, le service de renseignements électroniques britannique, a fait fuiter un mémo confidentiel de la NSA demandant à Londres son soutien pour connaître et influencer le vote des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies sur une résolution autorisant le déclenchement des hostilités.
Vous avez réussi à lire jusqu’au bout la phrase qui précède, inutilement longue et alambiquée ? Vous vous passionnez pour la géopolitique et l’histoire des relations internationales ? Vous aimez le droit ? Vous allez adorer Official Secrets, un film terriblement intelligent inspiré de faits réels.
Official Secrets a pour héroïne une lanceuse d’alerte, interprétée par la gracile Keira Knightley – qui pour une fois, ne joue pas en crinoline, une jeune femme d’un roman de Jane Austen. Profondément hostile à la guerre contre l’Irak – à l’instar d’une large majorité de la population britannique – révulsée par les mensonges de Bush et de Blair – qui voulaient faire croire à l’existence d’armes de destruction massive en Irak pour convaincre l’opinion de l’urgente nécessité d’un conflit – elle entre grâce à ses fonctions au GCHQ en possession d’un document qui révèle la conspiration dont le gouvernement américain se rend coupable. Le divulguera-t-elle au risque de violer la loi qu’elle a juré de respecter au moment de son recrutement et au risque de mettre en cause sa vie et celle de la famille ? Le suspense est mince. Quelle stratégie de défense adoptera-t-elle avec l’aide de son avocat (interprété par le mielleux Ralph Fiennes qui semble porter sur ses frêles épaules tout le malheur du monde) ? La question est déjà plus intéressante.
Star system oblige, le film prend le parti de raconter l’histoire du personnage interprété par Keira Knightley. Mais on sent le scénario hésiter à suivre une piste différente et pas moins stimulante : il s’agit d’abandonner un instant la lanceuse d’alerte et de s’intéresser à la façon dont la presse va recevoir ses informations et décider de leur publication. Pendant une demi-heure le scénario bifurque et nous entraîne, comme les excellents Spotlight ou Pentagon papers l’avaient déjà fait, au sein de la rédaction de The Observer. On y retrouve une poignée de journalistes courageux, interprétés par des seconds couteaux britanniques (Matt Smith, le prince Philipp de The Crown, Matthew Goode, Rhys Ifans…). Et on en viendrait presque à regretter que cette piste-là, à laquelle on commençait à s’attacher, ne soit pas plus creusée.