Née en 1945 en Palestine mandataire, Nurith Aviv a dirigé la photographie d’une centaine de fictions de documentaires avant de passer tardivement derrière la caméra. Elle a réalisé plusieurs documentaires exigeants et intelligents sur la langue et le langage que je vais voir à leur sortie dans une petite salle du Quartier latin, toujours la même, au milieu d’une audience fidèle et vieillissante : Traduire en janvier 2011, Signer en mars 2018.
Aussi n’ai je pas raté la sortie de Yiddish, la semaine dernière, à l’époque, qui nous semble aujourd’hui si lointaine, où les salles de cinéma étaient encore ouvertes et où on pouvait se déplacer sans autorisation (j’ai l’impression d’écrire comme un personnage de La Servante écarlate).
Il s’agit d’une enquête sur le yiddish, cette langue à l’histoire contrariée. Langue vernaculaire des Juifs ashkénazes d’Europe centrale, dérivée de l’allemand, mâtinée de slave et d’hébreu, elle a quasiment disparu avec la Shoah. Le jeune État d’Israël a ressuscité une langue oubliée, l’hébreu, au détriment du yiddish qui fut longtemps déconsidéré. Il est remis au goût du jour depuis quelques années, notamment dans la diaspora.
Nurith Aviv est allée interviewer sept jeunes yiddishophones, à Berlin, à Paris, à Tel Aviv, à Vilnius et à Varsovie qui évoquent leur histoire d’amour avec cette langue, qui faisait souvent partie de leur histoire familiale (même si certains témoins ne sont pas juifs) mais qu’ils ont découverte à l’occasion de leurs études.
Le procédé est très répétitif. Les interviews s’enchaînent, toutes identiques. Pour commencer, on voit l’interviewé.e, un peu guindé.e, marcher dans la rue, composer un code, rentrer à son domicile. Puis on l’écoute, le plus souvent en yiddish, mais aussi en français, en anglais ou en hébreu, parler avec chaleur de sa rencontre avec cette langue aux accents chantants. Et enfin, on l’entend déclamer quelques vers de son poète préféré : Moshe Leyb-Halpern, Anna Margolin, Celia Drobkin, Avrom Sutzkever…
Yiddish dure une heure à peine. C’est suffisant pour se bercer des sonorités de cette langue longtemps méprisée, mais pas assez pour en apprendre la riche histoire.