Kojin est kurde et homosexuel. Une identité difficile à vivre dans une société patriarcale et homophobe.
Le documentariste Diako Yazdani, kurde d’origine iranienne, réfugié politique en France depuis 2011, l’accompagne au Kurdistan irakien pour faire respecter ses orientations sexuelles et comprendre les racines de l’homophobie ambiante.
Le dialogue est toujours enrichissant. Fin 2014, Mehrand Tamadon, un documentariste iranien, avait filmé les discussions qu’il avait eues, durant tout un week-end, avec quatre mollahs, à la recherche d’un impossible vivre-ensemble rassemblant en Iran musulmans et non-croyants. Le titre de ce documentaire : Iranien.
Toutes les vies de Kojin aurait pu s’intituler : « Homosexuel ». Est-il possible d’être homosexuel dans une société qui ne l’accepte pas ? La réponse est dans la question. Elle est négative. Toutes les vies de Kojin raconte l’homophobie viscérale qui prévaut dans une société musulmane traditionnelle. Il essaie de nous en faire rire, tant sont ridicules les propos tenus par un imam charlatanesque qui prétend guérir « du Sida et d’Ebola » et prophétise la fin de l’humanité si l’homosexualité se généralisait. Mais ils font froid dans le dos, ces avertissements plusieurs fois répétés : « si j’avais un pédé dans ma famille, je le tuerai de mes propres mains ».
Au passage, Toutes les vies de Kojin a le mérite de souligner en creux les avancées de nos sociétés occidentales qui, depuis quelques décennies, ont accepté la pluralité d’identités sexuelles et pénalisé leur discrimination. S’il n’est guère aisé d’être homosexuel au Kurdistan – et dans les dizaines de pays au monde qui pénalisent l’homosexualité – il est désormais sinon facile du moins permis de l’être en France.
Représentative de la moyenne bourgeoisie kurde éclairée, la famille du réalisateur récuse l’orientation sexuelle de Kojin en s’interdisant d’afficher trop ouvertement sa réprobation. La mère du réalisateur vit dans l’angoisse qu’on croie son fils homosexuel lui aussi. Elle exhorte Kojin à se faire soigner, persuadée que son état trouve uniquement sa cause – et son remède – dans la médecine. C’est là où le documentaire est particulièrement fin : moins dans la dénonciation répétitive de l’homophobie des plus radicaux, aussi outrancière qu’inquiétante, qui tourne vite en rond, que dans la présentation des sentiments du réalisateur et de sa famille, représentatifs de préjugés toujours tenaces qui n’ont d’ailleurs pas cours seulement dans les sociétés musulmanes les plus rétrogrades.