Pendant l’Occupation, un vieil homme et sa nièce doivent héberger à leur domicile un officier allemand. Ils ne peuvent faire barrage à cette décision qu’ils rejettent de toute leur âme. Mais ils manifestent leur réprobation en opposant à leur hôte pourtant exquis un silence obstiné.
Le Silence de la mer est un court roman publié en 1942 par Vercors – de son vrai nom Jean Bruller – dans la clandestinité aux Editions de Minuit qu’il venait de fonder. Son sujet est connu, profondément anti-cinématographique : un officier allemand échoue à faire sortir de leur silence les deux Français qui l’accueillent contraints et forcés chez eux pendant l’Occupation.
Le jeune Jean-Pierre Melville, qui a combattu dans les Forces françaises libres, décide de l’adapter. Il n’a pas d’argent, pas de carte professionnelle ; les droits ont été achetés par Louis Jouvet. Mais qu’importe ! Melville s’entête, obtient l’accord oral de Vercors – qui lui prêtera sa maison pour y tourner son film – récupère des pellicules au marché noir.
Le film de Melville est très fidèle au livre. Il a, comme lui, la même solennité qui, aujourd’hui, nous apparaîtra un peu sentencieuse. L’Allemand n’est pas une brute ; c’est au contraire un esthète qui parle un français parfait, s’enthousiasme pour la culture française, troque son uniforme pour un élégant complet croisé pour gommer la distance qui le sépare de ses hôtes. L’oncle peine à cacher l’estime grandissante qu’il lui porte ; la nièce a encore plus de mal à taire son attirance.
Le Silence de la mer s’autorise quelques échappées belles hors du salon où les trois protagonistes se retrouvent chaque soir : à Paris notamment où dans deux scènes trop explicatives, Werner von Ebrennac comprendra que la collaboration est un leurre. Mais l’essentiel se joue entre ces quatre murs, dans le monologue trop lyrique du jeune homme, qui croit envers et contre tout dans la possibilité d’une Europe allemande, et dans le silence têtu qui l’accueille.