Après Yol, Palme d’or à Cannes en 1982 et avant de mourir d’un cancer de l’estomac, Yilmaz Güney consacre son dernier film aux prisons turques. Exilé en France, il reconstitue de toutes pièces à Pont-Saint-Maxence, dans l’Oise, un pénitencier divisé en quatre secteurs : deux secteurs pour les hommes, un pour les femmes et un dernier pour les enfants.
Le résultat est particulièrement poignant, à mi-chemin du documentaire et de la fiction. Certes, on savait depuis Midnight Express que les conditions d’incarcération en Turquie n’étaient pas tendres. Mais, tournant le dos à l’esthétisme kitsch d’Alan Parker – qui, malgré ses pachydermiques défauts, m’avait ému aux larmes quand je l’avais vu à sa sortie – Yilmaz Güney opte pour un parti pris naturaliste. On est tout aussi loin du tire-larmisme de 7. Koğuştaki Mucize, le film sorti sur Netflix, succès mondial du début du confinement, qui lui aussi se déroulait derrière les murs d’une prison turque.
Le Mur ne fait pas dans la dentelle. La violence est montrée sans euphémisation sous son jour le plus cru. Rien ou presque (les scènes de pédophilie sont seulement suggérées) ne nous est épargné de la violence la plus crasse qui est infligée aux jeunes prisonniers.
Yilmaz Güney parle d’expérience. Ce sympathisant communiste, opposant de longue date aux régimes militaires qui se sont succédés en Turquie, a connu toutes les geôles d’Anatolie. C’est en prison qu’il a écrit Yol, son chef d’oeuvre. C’est de prison qu’il réussit à s’échapper pour trouver l’exil en France où il finira ses jours après avoir été déchu de la nationalité turque.
En signant Le Mur, il réalise autant un film qu’il signe un acte politique de dénonciation. La charge est lourde. Elle est parfois caricaturale dans la description de matons sadiques torturant des enfants innocents. On n’a plus guère l’habitude de nos jours de voir un tel militantisme se déployer avec un tel manichéisme. Mais le résultat n’en reste pas moins terriblement efficace.