Alice Guy-Blaché fut l’une des pionnières du cinéma. Secrétaire de Louis Gaumont, elle tourne pour lui dès 1896 de courtes fictions. Elle accompagne aux États-Unis son époux, Herbert Blaché, y crée en 1910 sa société de productions et y fonde l’un des premiers studios de cinéma à Fort Lee dans le New Jersey. Mais le couple divorce et Alice Guy, couverte de dettes, doit vendre son studio en 1922 et revenir en France.
Le documentaire de Pamela Green invite à deux lectures.
C’est au premier degré l’histoire d’une pionnière du cinéma racontée à travers son oeuvre – plus d’un millier de films de tous genres – et les interviews qu’elle a données (Alice Guy meurt, presque centenaire, à la fin des années soixante aux États-Unis).
Mais c’est surtout un documentaire féministe qui soulève une question et essaie d’y répondre : alors que Alice Guy-Blaché a joué un rôle si important dans l’histoire du cinéma, pourquoi son nom a-t-il disparu de la mémoire collective ?
La réponse la plus séduisante serait qu’elle aurait été victime du patriarcat. Elle n’est pas entièrement fausse. Le souvenir de Alice Guy-Blaché s’est perdu au profit des Lumière, Méliès, Feuillade auxquels les historiens du cinéma (le malheureux Georges Sadoul auteur d’une iconique Histoire générale du cinéma se fait tailler un costard)ont donné la part belle.
Mais, le documentaire passe à côté d’un sujet autrement intéressant. Il n’évoque qu’en passant le fait que les femmes étaient nombreuses à exercer des fonctions d’autorité aux premiers temps du cinéma, à la réalisation, à la production ou au scénario : Lois Weber, June Mathis, Anita Loos, Frances Marion… Il ne se demande pas pourquoi, ni ne s’interroge sur leur relégation dans les années vingt.
La raison en est pourtant simple et connue. Le cinéma n’était, à l’origine qu’un genre mineur auquel on ne prédisait pas un glorieux avenir. Les investissements y étaient prudents. Du coup, l’oligarchie masculiniste pouvait laisser les femmes y exercer leur talent, sans redouter d’y perdre son pouvoir et son argent. Les choses changent dans les années vingt avec la création d’Hollywood et surtout avec les gros investissements qui l’accompagnent. L’inflation des budgets transforme le cinéma en industrie. L’augmentation des risques et des profits ne permettent plus de le considérer comme un passe-temps abandonné aux femmes. Les hommes reprennent le pouvoir.