Dans les années soixante, alors que se levaient les soleils des indépendances africaines et que la Cuba castriste espérait devenir l’un des phares du mouvement des non-alignés, une dizaine de musiciens maliens sont allés, tous frais payés, se former à La Havane. La joyeuse équipe a formé un groupe, Les Maravillas de Mali, joué dans les concerts et enregistré un 33 tours auréolé d’une gloire éphémère.
Un producteur de musique français, Richard Minier, en entend parler à la fin des années quatre-vingt-dix et décide de reformer le groupe.
Ainsi présenté, Africa Mia rappelle Buena Vista Social Club, le groupe cubain pré-castriste dont la reformation fut filmée par Wim Wenders à la fin des années quatre-vingt-dix. Que le projet de Richard Minier ait pris forme à la même époque laisse planer le soupçon d’avoir voulu en reproduire la recette. Une recette éculée qui joue sur les deux tableaux de la nostalgie et de la mode des musiques rétro.
Pourtant, contrairement à ce qu’on pouvait redouter, Africa Mia n’est pas une fade resucée de cette formule. Il réussit le double pari de nous intéresser et de nous émouvoir. Son succès tient à trois facteurs.
Le premier bien sûr est la joie que l’on partage à ces retrouvailles chantantes et à ces rythmiques chaloupées joyeusement désuètes.
Le deuxième tient à la persévérance de Richard Minier qui n’eut pas assez de quinze années pour mener à bien son projet. C’est une véritable enquête policière qu’il mena pour retrouver les Maravillas. Son documentaire, d’une heure et dix-huit minutes à peine, est trop modeste pour nous en raconter tous les rebondissements ; mais eu égard au laps de temps qui s’est écoulé entre sa première rencontre à Bamako avec Dramane Coulibaly et le retour de Boncana Maïga à La Havane, on imagine sans peine l’obstination qu’il lui a fallu pour renverser les obstacles sur sa route.
Le troisième enfin est la tristesse qui nous étreint face à une entreprise placée sous le double signe de la nostalgie et de la mort. La nostalgie des souvenirs d’un passé révolu qui, même si on cherche à l’exhumer, ne reviendra jamais. La mort qui fauche un après l’autre tous les Maravillas, au point qu’on se demande s’il en restera encore un dernier pour remonter sur scène.