« L’affaire Stavisky » défraya l’histoire de la IIIème République. Cet escroc au bras long avait réussi à éviter les poursuites grâce à ses relations dans la politique et la justice. La faillite du crédit municipal de Bayonne puis sa mort, dans des conditions obscures, à Chamonix, le 8 janvier 1934, entraînent une série de révélations qui provoquent la chute du Gouvernement et suscitent une flambée d’antiparlementarisme. Le 6 février 1934, une foule de manifestants manque d’envahir le palais-Bourbon et de renverser le régime.
En 1974, « Bébel » vient de fêter ses quarante ans. Il atteindra le sommet de sa gloire quelques années plus tard avec L’As des as et les films de Lautner qui lui confèrent une gloire qu’aucun acteur français ne connaîtra plus après lui. « Belmondo » deviendra une marque sur laquelle repose, à elle seule, la publicité des films dont il tient désormais la tête d’affiche. Mais, en 1974, Belmondo est déjà un acteur célèbre. Il tourne depuis presque vingt ans, d’abord avec les réalisateurs de la Nouvelle Vague (Jean-Luc Godard, François Truffaut), puis pour des réalisateurs plus grand public (Henri Verneuil, Philippe de Broca, Gérard Oury). Stavisky est le premier film – et le dernier – qu’il joue avec Alain Resnais. L’écrivain célèbre Jorge Semprun est au scénario et aux dialogues. Il est projeté à Cannes en compétition officielle mais n’y rencontre aucun succès. Belmondo dira qu’il fut l’une de ses plus grandes déceptions qui le décida à opter définitivement pour le cinéma de divertissement.
Il faut bien reconnaître que ce Stavisky est une cote mal taillée qui a mal résisté à l’épreuve du temps. Le choix revendiqué de Resnais, qui lui a été beaucoup reproché, est d’avoir négligé le contexte historique pour se focaliser sur le bel escroc et sa folie des grandeurs. Le problème est que le scénario, du coup, perd vite tout intérêt, dont on aura compris, puisqu’on connaît déjà la fin de l’histoire, qu’il nous racontera une chute inexorable.
L’autre problème est Belmondo lui-même qui écrase le film de son omniprésence. Bebel a dans Stavisky exactement le même bagout, le même sourire inoxydable, la même énergie inépuisable, la même gouaille sympathique que dans tous ses autres films. Si Photoshop avait existé à l’époque, on aurait pu utiliser tels quels des plans de Stavisky pour L’Homme de Rio ou Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Le ban et l’arrière ban du cinéma français de l’époque l’entourent : Anny Duperey en vamp glamourissime, Charles Boyer vieillissant en baron d’un autre âge, Michael Lonsdale en médecin complaisant, François Périer en bras droit, Claude Rich en policier retors et même Gérard Depardieu dans un petit rôle et Niels Arestrup, mince et méconnaissable, dans un plus petit rôle encore.
À l’histoire de Stavisky a été bizarrement greffée celle de Trotski qui, à la même époque, bénéficie brièvement de l’asile politique en France, à Cassis où il débarque d’abord, à Saint-Palais près de Royan, à Barbizon et enfin à Domène près de Grenoble. Il faut sans doute y voir l’obsession de Semprun pour le fondateur de la Quatrième internationale qu’il évoque dans plusieurs de ses romans. Mais, sans lien avec celle de Stavisky, on voit mal ce qu’elle lui apporte.