Désigné coupable – en version originale The Mauritanian – raconte l’histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi (Tahar Rahim) qui fut arrêté fin 2001 en Mauritanie, transféré d’abord en Jordanie puis en Afghanistan et enfin à Guantánamo en 2004 où il resta emprisonné jusqu’en 2016.
Mohamedou Ould Slahi s’était rendu deux fois en Afghanistan au début des années 90 combattre aux côtés des talibans – qui étaient à l’époque soutenus par les États-Unis – contre le pouvoir communiste de Kaboul. Son cousin faisait partie du premier cercle d’Oussama ben Laden.
Ould Slahi fut torturé à Guantánamo afin de lui arracher des aveux. Il bénéficia néanmoins de l’assistance d’un avocat pour introduire une requête en habeas corpus qui conduisit à sa libération après une longue bataille judiciaire.
Ould Slahi réussit à faire publier en 2015 ses Carnets de Guantánamo qui sont devenus un bestseller de librairie.
Le film de Kevin McDonald raconte le calvaire de cet homme. Il le fait en introduisant trois autres personnages qui ont participé à l’instruction de son procès. D’un côté, son avocate, interprétée par Jodie Foster, le cheveu blanc, assumant comme peu de stars hollywoodiennes osent le faire, ses bientôt soixante ans, assistée d’une jeune collaboratrice, interprétée par Shailene Woodley, l’héroïne prometteuse de À la dérive, Divergente et Nos étoiles contraires. De l’autre, Benedict Cumberbatch interprète le rôle peut-être le plus intéressant du film, celui d’un lieutenant-colonel de la Marine, chargé de poursuivre Ould Slahi dont la découverte des pièces du dossier, notamment des conditions dans lesquelles les aveux du prévenu ont été obtenus, l’entraîneront à une brutale prise de conscience.
Désigné coupable est l’œuvre de Kevin McDonald, un cinéaste dont j’avais énormément apprécié les précédentes réalisations : La Mort suspendue, un documentaire sur deux alpinistes luttant contre la mort dans la cordillère des Andes, Le Dernier Roi d’Écosse, une biographie à peine romancée du dictateur ougandais Idi Amin Dada, Jeux de pouvoir, la transposition au cinéma d’une mini-série britannique que je tiens pour l’une des meilleures jamais réalisées.
Désigné coupable est autant sinon plus un film sur la justice que sur la torture. Comme souvent à Hollywood, le procès devient le prétexte à raconter une histoire et le cadre dans lequel on la raconte. Ici, c’est moins sur le procès proprement dit qu’on se concentre que sur sa préparation compliquée par une particularité procédurale. L’avocat de Ould Sahi doit d’abord se battre pour apprendre les griefs qui sont reprochés à son client. Elle doit obtenir l’accès aux procès-verbaux de ses interrogatoires puis en obtenir la déclassification. Paradoxalement, la tâche est aussi délicate pour le lieutenant-colonel instructeur qui doit venir à bout des rivalités interservices au sein de l’armée et des services secrets
Désigné coupable est un film poignant et fort qui n’est pas exempt de manichéisme et même de voyeurisme dans sa façon de filmer les scènes de torture. Lui donner quatre étoiles, ce que je fais rarement, est sans doute bien indulgent. C’est d’abord le signe que je ne le fais pas assez et qu’il faut parfois, quand un film m’emporte, que je laisse s’exprimer mon enthousiasme. C’est surtout le signe que ce genre de films, plongés dans un contexte géopolitique, mais aussi porteurs d’une histoire forte et vraie, me plaisent particulièrement. Voyez y, chers lecteurs, une part de subjectivité assumée et ne me blâmez pas trop sévèrement si vous n’êtes pas aussi emballé que moi.