Marie (Laure Calamy) se prostitue à Strasbourg. Son fils Adrien est en échec scolaire. Sa seule planche de salut serait de l’inscrire dans une école privée de cuisine. Mais la scolarité n’y est pas gratuite. Marie réussira-t-elle à rassembler la somme qu’on lui demande pour donner à son fils un avenir ?
Le plus vieux métier du monde inspire de longue date le cinéma, depuis Mizoguchi (La Rue de la Honte), Fellini (Les Nuits de Cabiria), Pasolini (Mamma Roma) sans oublier Godard (Vivre sa vie), Bunuel (Belle de jour) ou Almodovar (Tout sur ma mère).
Plus près de nous, le cinéma français contemporain a décrit dans une veine naturaliste la réalité de la prostitution, sa violence, sa précarité. Je pense à l’extraordinaire Party Girl (2013) qui avait pour cadre le lumpenprolétariat d’un Grand Est sans soleil, à Sauvage, un film quasi-documentaire sur les tapins masculins, à Filles de joie auquel j’avais reproché de présenter le bordel comme un lieu joyeux, épanouissant, où ses trois héroïnes pansaient les plaies qu’un quotidien brutal leur infligeait.
Une femme du monde s’inscrit dans cette veine et le fait avec une extraordinaire réussite. Le film est juste de bout en bout qui documente le quotidien d’une femme indépendante qui essaie de conserver sa dignité dans l’exercice d’un métier réprouvé. Le scénario, d’une grande simplicité, est la course d’obstacles que Marie doit franchir pour réunir la somme que l’école privée de son fils exige. Face à elle, toutes les portes se ferment les unes après les autres. Sans autre alternative, elle en est réduite à franchir la frontière et aller travailler dans un club allemand, avec des filles plus jeunes qu’elle et une mère maquerelle intraitable.
Une femme du monde repose sur les épaules de Laure Calamy. Elle est de chaque plan. Elle y est formidable. On a fait grand cas de son interprétation dans Antoinette dans les Cévennes qui lui a valu le César 2021 de la meilleure actrice mais qui m’avait inspiré quelques réserves, à rebours des critiques et des spectateurs unanimes. Ici, plus encore que dans les sentiers cévenols, son tonus et son bagout font mouche. On la voit tomber sept fois et se relever huit, jusqu’au plan final juste parfait.
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