Une semaine dans la vie de Julie (Laure Calamy), une Française ordinaire dont on comprend que son conjoint et elle ont décidé, quelques années plus tôt, de s’installer à la campagne, dans un trou perdu, pas trop loin de Paris, pour y élever leurs enfants dans un cadre plus agréable que la grande ville.
Mais tout s’est déréglé dans la vie de Julie. Son conjoint l’a quittée lui laissant la responsabilité d’élever seule leurs deux enfants sans toujours lui verser la pension à laquelle elle a droit. Elle a perdu son emploi et a dû accepter un poste sous-qualifié et pourtant très exigeant de première femme de chambre dans un grand palace parisien.
Chaque jour, Julie fait un long trajet jusqu’à la capitale. Tout se passe bien d’ordinaire sauf quand les transports se mettent en grève.
À plein temps est un film suffocant qui réussit le pari incroyable de garder le rythme dément de sa courte bande-annonce pendant toute sa durée. Suffoquer n’est pas une expérience très agréable. Certains spectateurs pourraient n’en avoir pas envie et préférer une sortie cinéma plus agréable. Je les comprends volontiers. Mais ils passeraient à côté d’une expérience marquante.
À plein temps est un thriller de la vie ordinaire. Quoi de plus banal que la vie de Julie ? Des milliers, des millions de Français peut-être s’y reconnaîtront sans peine.
Cette femme ordinaire rencontre, à chaque moment de sa vie, des obstacles infranchissables. La mécanique bien huilée de sa vie est mise à mal par les grèves des transports : elle arrive en retard à son travail et risque d’en être licenciée ; elle est sur le point de rater l’entretien d’embauche pour le poste qui relancerait sa carrière ; elle rentre en retard chez elle au risque d’épuiser la patience de la voisine retraitée qui garde ses enfants.
Il n’y a rien de caricatural dans le personnage de Julie. Eric Gravel ne cherche pas à nous la rendre aimable. Il ne cherche pas non plus à défendre une thèse ou à faire l’ouverture d’une soirée-débat sur les conditions de vie harassantes des femmes célibataires du Bassin parisien. Pour le dire autrement, À temps plein est un anti-Goliath, qui était un film à thèse, manichéen et racoleur.
Le succès d’À plein temps tient d’abord à son scénario. Il est crédible de bout en bout – sauf peut-être dans son épilogue que je n’ai pas aimé et auquel on peut s’amuser à imaginer plusieurs alternatives. Il ne ménage pas un seul temps mort. Il tient aussi à la musique qui l’accompagne, une musique électro qui rythme à un tempo insoutenable la vie de Julie. Il tient enfin à l’image, focalisée sur Julie, toujours en mouvement, laissant les arrière-plans dans un flou indéfinissable.
J’oubliais le principal : Laure Calamy, qui faisait déjà l’unanimité pour son interprétation d’Antoinette dans les Cévennes. Ce rôle lui valut le César mérité de la meilleure actrice. Rebelote l’année suivante avec sa nomination pour Une femme du monde. Jamais deux sans trois (et dix de der ?) l’an prochain pour ce rôle-là ?
Tout à fait d’accord avec tout ce que vous dites. Quant à la fin, oui, c’est un happy end un peu facile. Cependant, on ne sait trop si cette femme pleure de bonheur ou d’angoisse. Sans doute un mélange des deux : dépourvue de nounou, avec un ex qui ne répond toujours pas au téléphone, comment va-t-elle assumer la tâche qu’on lui a dépeinte comme extrêmement prenante ? Sans compter que le poste bien en-deçà de ses compétences ne va sans doute pas lui assurer un salaire permettant de s’offrir des heures de garde à rallonge. Bref, notre héroïne n’a pas fini de courir et de s’angoisser…
Vu hier. Vous m’ôtez une nouvelle fois les mots de la bouche. Cette chronique de la vie ordinaire de milliers de femmes seules dont la charge mentale pèse aussi bien sur les leurs épaules que sur leur mental est effectivement suffocante. Et quand le train déraille… (clin d’oeil), c’est tout une organisation ficelée – non sans mal- qui s’effondre. On est pris aux tripes, on court avec Julie, on galère avec elle, on est fatiguée comme elle. Effectivement la musique joue un rôle évident dans le film tant elle surligne la vie en accéléré de l’héroïne. Evidemment l’épilogue est convenu mais il a le mérite d’apporter une respiration, une reprise de souffle qui permet à Julie de remonter à la surface.