Le sous-titre de ce documentaire Hallelujah: Leonard Cohen, A Journey, A Song aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Il y sera autant question de la chanson iconique de Leonard Cohen que de la vie et de l’oeuvre de ce poète canadien né en 1934 venu à la musique sur le tard et mort en 2016 après une longue carrière.
On pourrait, si l’on était difficile, lui en faire le reproche et l’accuser de ne pas avoir su choisir son parti : l’histoire d’une chanson ou l’histoire d’une carrière ? À force d’avoir vu tant de biopics qui racontent la vie d’un artiste du début à sa fin, on aurait aimé qu’il ait l’originalité de se focaliser sur la seule chanson. Mais hélas, tel n’est pas le cas. Disons, pour être synthétique, que Hallelujah raconte la vie de Leonard Cohen à travers le prisme de cette chanson-là. C’est déjà pas mal.
On y apprend que Leonard Cohen venait d’une famille juive aisée de Montreal, qu’il a d’abord écrit des poèmes avant de les chanter par hasard. On évoque à mots couverts sa vie amoureuse très riche, ses addictions (à l’alcool), sa quête spirituelle qui le conduisit notamment à se retirer pendant trois ans dans un monastère bouddhiste, ses soucis financiers (son impresario lui vola plusieurs millions de dollars et l’accula à la faillite).
La chanson Hallelujah aurait, à elle seule, justifié tout un film. Le documentaire nous raconte que Leonard Cohen a mis des années à l’écrire et a rédigé plusieurs centaines de couplets différents. Elle figure dans l’album Various Positions produit par Columbia qui refuse étonnamment, pour des motifs que le documentaire n’éclaire guère sinon en évoquant l’animosité du PDG de Columbia, qu’il sorte aux Etats-Unis.
Leonard Cohen en a chanté plusieurs versions, en puisant dans le stock immense des innombrables couplets qu’il avait composés. La première est d’inspiration mystique, qui fait référence au roi David. Ses deux premiers vers sont sublimes de beauté : « Now I’ve heard there was a secret chord/That David played, and it pleased the Lord » – alors que le troisième m’a toujours semblé bien pataud : « But you dont really care for music, do you? ». Mais bientôt, sur scène, Cohen change les paroles pour donner à la chanson un tout autre sens, beaucoup plus séculier.
La chanson ne sera guère connue avant d’être reprise, d’abord par Bob Dylan et John Cale, le chanteur gallois du Velvet Underground, puis par Jeff Buckley en 1994, dont la mort tragique en 1997 finit de conférer à ce tube une aura magique. C’est sa version dans le dessin animé Shrek, elle-même inspirée de la version de Rufus Wainwright, qui la fit connaître en 2001 du grand public.
Le problème de ce documentaire est, comme souvent dans ce genre, son académisme. On y retrouve toujours le même cocktail d’archives de l’époque et d’interviews de quelques survivants – dont on ne peut systématiquement s’empêcher de se dire qu’ils ont bien (= beaucoup) vieilli. Son autre problème est aussi de nous servir jusqu’à l’indigestion la chanson Hallelujah. Elle a beau être sublime, elle risque vite de provoquer une overdose !